Il y a quelque temps, Al Jazeera, ce network qatari, que rien ne révulse, pas même l'horreur indicible, avait refusé de diffuser des images violentes du terroriste toulousain Mohamed Merah. Des images des crimes du jeune serial killer français, filmés par lui-même, avec une caméra auto-sanglée. La chaîne avait alors affirmé avoir pris sa décision «conformément à son code d'éthique». En réalité, ses dirigeants se sont juste montrés prudents après que le Parquet de Paris eut décidé d'interdire la diffusion d'images légalement litigieuses, moralement répréhensibles et psychologiquement insoutenables. L'invocation de «son code de l'éthique» et l'auto-affirmation de «ne pas être une chaîne de sensationnel» avaient alors prêté à rire. Et pour cause ! Al Jazeera a une vision à géométrie variable de la déontologie médiatique et une conception tout à fait sélective de l'éthique générale. C'est une chaîne de propagande intensive, une machine de guerre diplomatique qui va jusqu'à s'improviser en machin sondagier pour poser, comme dans le cas de l'Algérie, la question qui tue, du style «êtes-vous pour ou contre le terrorisme» dans notre pays ? Quelques années plus tard, elle récidive en exhumant la question délétère mais que l'on croyait perdue dans les abysses de l'oubli : «Qui tue qui» en Algérie, autrement dit qui trucidait qui dans le contexte du terrorisme généralisé des années 1990. Et, quinze ans après la parution de son livre controversé «la Sale guerre», la chaîne de Doha invite l'auteur du pavé écrit en fait par son éditeur pour répondre, de nouveau, à la question éculée, cuite et recuite du «qui tue qui ?». Comme si la chaîne qatarie s'érigeait, postérieurement, en CPI de substitution médiatique alors que rien dans l'actualité immédiate ou même décalée, ne justifiait de ressortir le dossier du terrorisme subi par le peuple algérien durant les années 1990 les plus sanglantes. On sait que la question du «qui tue qui» avait vocation à jeter la suspicion sur le principe même du légitime combat contre le terrorisme. Et en même temps, dédouaner les terroristes de leurs crimes à grande échelle. Et on n'ignore pas non plus qu'Al Jazeera, stratégiquement impliquée dans les sales guerres du «printemps arabe» dislocateur de pays entiers, ne digère pas le fait que ses vagues subversives n'ont en rien affecté l'Algérie. Cette même station, qui invoque la déontologie dans le cas du terroriste Mohamed Merah et s'autoproclame ne pas être une chaîne du sensationnel, diffuse toujours, à profusion et ad nauseam, des images insoutenables et d'une inexpressible barbarie ? Décapitations, démembrements, égorgements, massacres, cadavres en série et en décomposition : le catalogue de la boucherie lui a souvent servi, sans gêne aucune, de banque d'images sensationnelles ! Telles celles des tueries saoudiennes au Yémen et en Libye. Entre autres, celles de la mort de Kadhafi et des processions autour de sa dépouille mortelle, la pendaison de Saddam Hussein, ou encore les enfants palestiniens écrasés régulièrement par les bombes de l'armée israélienne. Cette même télé, qui filme de l'œil gauche ce qu'elle refuse d'enregistrer de l'œil droit, diffusait des vidéos d'Aqmi annonçant des attentats criminels par la formule macabre «naboutthou lakoum hadihi él bouchra» : on vous diffuse cette réjouissante nouvelle ! Al Jazeera, qui invoque l'éthique, c'est finalement comme si, de son temps, la célèbre Mme Claude des nuits chaudes parisiennes, allait enseigner la vertu féminine dans un couvent de pucelles. N. K.