Le prochain pouvoir français, du moins le politique, est déjà virtuellement de gauche. Seulement virtuel, car il y a loin de la coupe aux lèvres. Benoit Hamon, sorti largement vainqueur de la primaire de gauche, à l'issue du deuxième tour, dimanche, doit se préparer à un second parcours du combattant. Et qui, non seulement n'est pas facile, mais se présente déjà comme une épreuve semée d'obstacles, un chemin parsemé de herses. Assez juste retour des choses, l'impétrant aspirant à devenir candidat officiel à la présidentielle d'avril 2017, avait tenu la dragée haute, en compagnie de ses camarades frondeurs, aux députés loyaux au président Hollande et son Premier ministre, Emmanuel Valls, éliminé par la primaire en n'obtenant que 41% des voix. Ils ne se comptent pas seulement sur les doigts des deux mains les députés, ministres, militants acquis à la social-démocratie…qui, aujourd'hui, seraient tentés de rendre la pareille au trublion qui votait ostensiblement contre les projets de loi de la majorité supposée de gauche du Palais Bourbon. Certains de ces nouveaux «frondeurs» sont dans une démarche qu'il est difficile de leur reprocher. D'abord, ils ne sont pas socialistes, si socialisme signifie être de gauche, privilégiant le social et anti-capitaliste. Beaucoup de Français ne l'ont su qu'une fois que les jeux étaient faits en 2012 (première année du mandat présidentiel de Hollande), la majorité des députés élus sous l'étiquette socialiste sont plutôt attachés à une ligne social-démocrate, voire social-libérale, celle-là même qui a fondé le compromis Holland-Valls, le premier régnant et le second dirigeant et assumant. Le parti socialiste français, comme tous les vieux partis qui ont (ou avaient) une histoire et un ancrage dans la vie politique est peuplé de vieux briscards que la victoire du «Jeune Turc» Benoît Hamon a réveillé de la torpeur, pour ceux d'entre eux qui s'étaient assoupis. Ainsi, dès le lendemain de la victoire de l'enfant terrible, on a vu des parlementaires sexagénaires et même septuagénaires quitter le navire menacé de perdition, sans demander leur reste. Et pour aller où ? Chez un «jeunot» de 39 ans, ramené auprès de lui à l'Elysée par François Hollande comme conseiller économique influent et, selon «les mauvaise langues», caution donnée aux milieux financiers et aux banques. Ils ont donc commencé dès hier, à toquer à la porte d'Emmanuel Macron, l'ancien et jeune banquier d'affaires chez Rothschild qui, lui, n'a pas attendu la primaire de gauche pour se mettre en rupture de ban et candidater en indépendant (voire ?) à l'Elysée. Il est certain, c'est une loi arithmétique de tout scrutin libre, que l'abondance de choix pour électeurs d'une même famille politique, n'est pas synonyme de pluralisme démocratique. La dispersion des voix, voilà le mortel danger auquel elle expose. Sans compter, dans cet embrouillamini, la présence d'un autre favori, Jean-Luc Mélenchon, à la gauche de la gauche, et qui est créditée de 10% des voix au premier tour de la présidentielle, Macron se rapprochant, lui, des 20%. Voilà le tableau d'une gauche et d'un PS désunis. Pourtant, ils auraient beaucoup à gagner avec le doute qui s'est installé sur les chances de la droite et son candidat Fillon, trop vite monté en flèche, en bute à des ennuis avec la justice pour une série d'affaires. Le pari, dans ces conditions, parait pour le moment fortement improbable pour le vainqueur de la primaire de gauche. Mais il ne manque pas de soutiens de qualité, à l'image de Martine Aubry, Anne Hidalgo…et une mobilisation puissante ne manquera pas d'en révéler d'autres. De toute façon, si l'effort unitaire aboutit, ce ne pourrait être que pour une cohésion bancale et fragile. Benoit Hamon serait-il prêt, pour revenir aux principes fondateurs du socialisme, à acter la division et, à défaut de la présidence de la République, forcer la naissance d'une autre formation/mouvement politique plus en conformité avec les aspirations des nombreux citoyens qui ont voté pour lui le 29 janvier ? A. S.