Les nouvelles du court terme sur les marchés pétroliers sont encourageantes puisque les prix montaient encore hier en cours d'échanges européens, dopés par le dollar faible et la forte demande chinoise. Référence pour le pétrole algérien, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en septembre valait 48,65 dollars sur l'ICE de Londres, en hausse pour la quatrième séance consécutive et de près de 2 dollars sur la semaine. Les craintes de surproduction ont été donc passées momentanément sous le tapis car les acteurs du marché se sont focalisés sur la demande chinoise qui grimpe. Ce rebond des prix intervient malgré la hausse de la production américaine, un plus faible respect par des pays de l'Opep de son accord de limitation de la production et un dernier rapport plutôt pessimiste de l'Agence Internationale de l'Energie (AIE). L'accord de l'Opep et de ses partenaires, dont la Russie, qui prévoit une limitation de la production jusqu'au premier trimestre 2018, semble affaibli alors que le rééquilibrage du marché visé par ses signataires se fait encore attendre. Et l'Organisation se montre de plus en plus impuissante à jouer son rôle de régulateur historique du marché. Plusieurs fois ébranlée par le passé, elle est de nouveau mise au défi de rester un acteur important, face au pétrole de schiste américain qui favorise la surabondance de l'offre, gonfle les stocks et tire par conséquent les prix vers le bas. Autrement dit, empêche leur rebond durable. L'Accord de baisse d'Alger ne semble plus suffire à lui seul, même au cas où ses protagonistes feraient preuve d'une stricte discipline en respectant scrupuleusement les quotas de production. Mais ce n'est pas la première fois que l'organisation ne parvient pas à ses objectifs du premier coup. En 2008, il avait fallu trois baisses de la production en quatre mois avant d'obtenir un effet durable. C'est pour cela que la question d'une prochaine étape dans la réduction de la production se pose, alors que le Comité de suivi de l'accord, dont l'Algérie fait partie, doit se réunir fin juillet à Saint-Pétersbourg. Mais le grand défi reste celui du pétrole de schiste américain qui, avec ses importants volumes, sa multitude de producteurs indépendants, son cycle de développement court et notamment sa capacité à baisser rapidement ses coûts, crée une situation nouvelle pour l'Opep. Une situation d'autant plus difficile que sa production globale ne représente plus qu'environ un tiers de l'offre mondiale, contre plus de 40% il y a seulement dix ans. Signe de ce caractère inédit de la situation, l'Opep a tenté un rapprochement avec les principaux acteurs du schiste américain en mars dernier à Houston. «Nous les avons rencontrés et nous avons entamé un dialogue», en faisant passer le message qu'assurer la stabilité du marché «est une responsabilité partagée qui nécessite une action conjointe», a affirmé le secrétaire général de l'Opep, Mohammad Sanusi Barkindo. L'influence historique de l'Organisation s'est certes considérablement réduite, mais elle ne doit pas s'étioler outre mesure estiment les spécialistes. L'Opep est désormais composée de 14 pays, mais au final, il n'y en a que cinq qui comptent : l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Koweït, l'Iran et l'Irak, et ils ont encore beaucoup de pouvoir car ils ont les plus faibles coûts de production de l'industrie pétrolière. Et s'ils le voulaient bien, ils pourraient augmenter fortement leur production et ils détruiraient alors tout particulièrement les producteurs de pétrole de schiste US. Mais cela réduirait fortement leurs revenus et ils ne le feront donc pas par peur de voir le front social s'embraser chez eux. Au final, l'influence de l'Opep ne se mesure pas seulement pour équilibrer le marché en tempérant l'abondance d'offre. En cas de choc inverse, c'est-à-dire d'une sévère pénurie causée, par exemple, par des troubles géopolitiques importants, tout le monde se précipiterait pour composer le numéro de téléphone du ministre saoudien du Pétrole, selon la formule de l'analyste Francis Perrin, président de Stratégies et politiques énergétiques. En effet, l'Arabie saoudite demeure le seul pays à pouvoir très rapidement augmenter, sans nouveaux investissements, sa production pour éviter une envolée des cours. Il conserve surtout des prix de production parmi les plus bas du monde, hors d'atteinte du pétrole américain. Pour l'instant, personne n'ose dire que le Moyen-Orient n'est plus important dans la géopolitique mondiale du pétrole. Or les cinq pays majeurs de l'Opep sont des pays clé au Moyen-Orient. L'Opep n'est donc pas vouée éternellement à l'impuissance ! N. K.