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La justice internationale : entre buts proclamés et fonctions réelles
Des dirigeants africains dénoncent une tare majeure de la CPI
Publié dans La Tribune le 12 - 03 - 2009

Peut-on croire à la sincérité de la vague promesse d'Ocampo d'envisager l'éventualité d'un examen des plaintes déposées contre Israël pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité ? La presse algérienne dans sa majorité a franchi le pas. L'idée même d'accepter cette éventualité d'une culpabilité d'Israël est en soi une énorme percée. Le mérite ne revient pas à Ocampo évidemment mais à ces centaines d'associations et de personnalités de toutes confessions et de tous les continents qui se sont mobilisées pour rendre justice aux victimes de la barbarie sioniste.
Elles l'ont fait d'ailleurs, pour beaucoup d'entre elles, afin de prendre date, pour mettre au pied du mur ces institutions et ces gouvernements occidentaux si réactifs à d'autres situations infiniment moins tragiques que la condition faite aux Palestiniens. Mais prendre date publiquement, c'est aussi déchirer les voiles des mensonges. Un principe du droit est universel ou il n'est pas. La singularité israélienne est la preuve de la singularité de toutes les procédures d'enquête et de poursuites engagées contre des criminels de guerre et de crimes contre l'humanité pour d'autres actes. D'innombrables personnalités africaines des mondes de la politique, des médias et des universités l'ont souligné dans une vague de réactions indignées par la décision de poursuivre Omar El Béchir, président en exercice de la République du Soudan. Personne ne peut accuser ces personnalités de constituer un syndicat de défense du crime. Mais la poursuite de Omar El Béchir pue la décision politique et apparaît comme un coup porté à l'unité du Soudan.
La scandaleuse richesse minière et en hydrocarbures du Darfour est trop présente dans les esprits pour laisser planer des doutes sur la sincérité de l'intérêt passionné des Occidentaux pour les populations de ce territoire. Pour ces personnalités africaines, la poursuite d'El Béchir remet en cause le processus de sortie de crise dans un Etat de plus en plus représentatif du pays réel. Un Etat multiethnique, multi-religieux, multilinguistique en voie de dépasser le caractère composite et les forces centrifuges que les Anglais ont accumulées sur ce sol en en traçant les frontières à la règle des écoliers. Le danger est immédiatement perceptible pour tout homme politique africain. Les processus de décomposition ou de recomposition des Etats nés de la décolonisation enverraient l'Afrique dans un enfer sans fin. Faire vivre ensemble des ethnies, des tribus, des langues dans un même ensemble politique devient de plus en plus difficile du fait même des orientations imposées aux pays africains par la Banque mondiale, le FMI, le G8 et tous les experts idéologues du libéralisme. Ces orientations, génératrices de destruction des économies locales, des déséquilibres sociaux et territoriaux, de misère et de panne de tout ascenseur social, ont mis à genoux les Etats qui les ont acceptées.
Les Africains savent bien qu'elles sont lointaines les véritables causes des convulsions qui secouent des régions entières du continent et spécialement celles qui regorgent de richesses inexploitées. Ils savent très bien que personne ne peut honnêtement séparer les drames de ce continent de son histoire coloniale, du viol esclavagiste et des manœuvres des anciennes puissances coloniales pour empêcher toute voie autonome. Il faut être d'une amnésie lourde pour oublier le destin d'un Patrice Lumumba, les coups d'Etat fomentés par la CIA au Soudan, la guerre menée par Savimbi au tout jeune Etat angolais, les coups fourrés pour mettre les gouvernements locaux sous la tutelle discrète mais non moins directe des multinationales du pétrole, de l'uranium, du diamant, du cuivre, etc. En bouchant les horizons africains, les orientations politiques des grandes puissances ont disqualifié les Etats indépendants et ouvert la route aux particularismes qu'elles avaient elles-mêmes réunis dans des cocktails explosifs. Mais les dirigeants africains connaissent aussi la part des évangélistes dans la région du Darfour, leur intégrisme agressif, leur interpénétration avec les différentes administrations américaines, leur goût de la provocation et de la violence, leurs incitations à un interventionnisme tous azimuts, leur volonté de dominer le monde et de le convertir à la vraie religion, la leur.
Ces associations évangélistes ont transformé un conflit entre éleveurs et agriculteurs, récurrent, séculaire et régulier, en conflit régional sanglant à l'occasion d'un épisode de sécheresse particulièrement dure. Les Africains savent maintenant d'expérience combien les notions de société civile et d'ONG sont porteuses d'un interventionnisme soft, d'un néocolonialisme humanitaire, d'une légitimation d'une gestion sous le regard des autres et avec leurs normes. Pourquoi et comment Médecins sans frontières a-t-il remplacé la Croix-Rouge si ce n'est pour manœuvrer en dehors de la rigueur éthique que s'impose cette dernière ? L'Afrique, terre de manœuvres dont les richesses prodigieuses se sont transformées en malédiction par le maléfice des rapports de domination coloniale puis néocoloniale. S'il faut faire le procès d'El Béchir, il faut le faire en examinant toutes les circonstances du drame, pas en isolant les faits de leur contexte et de leurs racines. Non, les dirigeants africains détestables et infréquentables à bien des égards ne sont pas tous à mettre sur le même plan ni dans le même sac. L'Union africaine met en place des normes africaines, des repères africains comme le refus de tout coup d'Etat, comme la poursuite et le jugement de criminels politiques comme Taylor sur la terre africaine, etc. Mais le moment choisi pour annoncer la poursuite contre El Béchir est profondément choquant. Israël venait de mener une guerre de terreur contre les populations de Ghaza. Les cadavres de centaines d'enfants –des enfants, vous imaginez ?– de femmes, de civils n'avaient pas encore refroidi. Israël a mené une guerre d'extermination sous le regard horrifié des hommes libres de notre planète. Quelle conscience, et d'abord quelle conscience des juges et des procureurs, avait besoin d'incitation, de démarches, de mobilisation pour dire : cela est un crime et Israël est un Etat criminel ? Pourtant, cette même Europe a trouvé des justifications morales, politiques, idéologiques au massacre. Son président tchèque a parlé d'autodéfense et, si l'on demande à Hamas de reconnaître Israël, personne dans cette Europe officielle ne demande à Israël de reconnaître l'existence d'un peuple palestinien et ses droits à avoir un Etat. Pis, après Ghaza, les élections donnent la victoire à un Netanyahu qui refuse l'idée même de cet Etat à un Lieberman qui parle tout haut de ce nettoyage ethnique auquel se livre l'Etat sioniste depuis sa création. Le nettoyage ethnique est un crime au nom duquel on a dépecé la Serbie, non ?
Pour les dirigeants africains, trop, c'est trop. Au zèle d'Ocampo, ils ont opposé les faits. Israël peut commettre tous les crimes, Bush peut faire tuer des centaines de milliers d'Irakiens ou d'Afghans, faire torturer, faire enlever et transiter illégalement des centaines de prisonniers. L'attitude de la Cour pénale internationale est grossière. Les mêmes arguments qui «l'empêchent» d'examiner le cas
Israël militent en faveur du Soudan. Le «deux poids, deux mesures» refait surface dans le discours africain. Ocampo ne pouvait se taire devant un tel argumentaire. Définitivement, il allait passer pour l'homme de stratagèmes politiques, pas un homme du droit. Il risquait de porter l'image d'un magistrat partial, d'un instrument aux mains des politiques. La vague promesse d'Ocampo relève plus de l'autodéfense, de la tentative de sauver une réputation presque perdue que d'une velléité de justice ou d'indépendance. Il sait qu'il la paierait cher comme il sait qu'il n'aura aucun mandat du Conseil de sécurité. Ocampo n'aura proféré que des paroles sans conséquence, n'aura exprimé qu'une mauvaise conscience diffuse mais c'est déjà le signe que les dominants ne tiennent plus toutes les cartes en main, que les associations et les personnalités contre les crimes israéliens commencent à peser et que la vague d'indignation africaine est déjà perçue comme un élément politique significatif. Cette crise de la crédibilité des institutions fabriquées par les puissances dominantes ne fait que naître pour l'opinion publique la plus large. Elles rejoignent, dans la vision populaire, une image d'instruments de domination comme le FMI ou la Banque mondiale. Bientôt, les hommes libres, partout, prendront conscience que ces institutions n'appliquent pas le «deux poids, deux mesures». Elles n'ont qu'une seule mesure, celle de notre domination, celle de briser toute velléité de désobéir aux ordres des puissances dominantes. Il ne s'agit pas de défendre des crimes ou des criminels. Il s'agit de s'assurer du caractère universel de la qualification du crime et du criminel. Il nous faudra, cependant, aller plus loin dans la compréhension des conduites de ces deux institutions. Tout droit est une projection d'une vision du monde et des hommes.
Il en est sa codification, sa traduction juridique. La création du TPI et de la CPI s'est produite en pleine hystérie interventionniste, en pleine hystérie de l'idéologie du «devoir d'ingérence». Il fallait sauver des hommes, partout. En Somalie comme en Afghanistan. Médecins sans frontières pouvait intervenir auprès des insurgés afghans sans l'obligation de neutralité de la Croix-Rouge. Toutes ces ONG ont évacué l'éthique des organisations caritatives et l'ont remplacée par l'implication partisane. Partout, il fallait faire face à la barbarie. Le barbare, c'est toujours l'Autre, vous le saviez. Encore faut-il lui donner consistance, lui trouver un nom, un visage et un lieu pour rejouer le drame. On arrêtera ces barbares et on les présentera au public qui pourra se convaincre de leur réalité physique et de leur cruauté mentale. Il s'agit d'une nécessité politique et idéologique de la mondialisation ultra-libérale qui ne repose plus sur la domination directe des peuples des ex-colonies mais qui a toujours besoin d'intervenir pour maîtriser le monde et le maintenir sous tutelle. Vous ne saviez ou vous avez oublié qu'à l'Expo universelle de Paris en 1900 les organisateurs ont exposé des indigènes comme des bêtes curieuses.
Il fallait bien que le Français de base se convainc que l'Autre était bien Autre et que le coloniser était œuvre de bienfaisance, quand les migrations n'avaient pas encore transféré par dizaines de milliers des indigènes vers les tranchées de la Première Guerre mondiale, puis, vers l'enfer des mines, etc. C'est cela les fonctions réelles du TPI et de la CPI : donner corps, consistance et crédibilité à cette division du monde et des hommes entre barbares et civilisés. Et c'est pour cela que, au plus profond d'eux-mêmes, les Européens ne peuvent être coupables de crimes. Ils possèdent le stock des mots pour qualifier leurs actes : bavures, erreurs, dommages collatéraux, etc. c'est pour cela aussi qu'Israël ne sera jamais jugé ou alors par un tribunal construit sur et par des exigences éthiques comme le Tribunal Bertrand Russel. Il est essentiel que nous distinguions les fonctions réelles des buts proclamés, sinon nous resterions prisonniers de cette fausse image du double standard qui retarderait l'organisation d'une vraie riposte, d'une vraie réponse à cette prolongation du match colonial. L'Europe et les Etats-Unis avec le procès Saddam Hussein ne font pas autre chose que la Rome antique, la Rome impériale. Rome n'a pas commis moins de crimes que le colonialisme moderne. Rome crucifiait par milliers les révoltés, les rebelles, les ennemis pour frapper l'imagination des peuples soumis. Mais Rome avait besoin de traîner devant ses tribunaux les chefs rebelles, Vercingétorix comme Jugurtha. Entre le pain et les jeux, les citoyens romains devaient voir ces êtres étrangement accoutrés promenés dans des cages le long des avenues de la capitale impériale. Ils devaient sentir la force et la puissance de leur Etat. Ils devaient sentir qu'ils étaient protégés tant que cet Etat durerait. Le spectacle relevait du divertissement dans tous les sens de ce mot mais aussi du jeu politique. L'opinion ou les opinions européennes doivent se sentir protégées des barbares tant que leurs Etats restent capables de maintenir au loin le danger. Montrer le danger, l'exorciser par la dramaturgie judicaire, rassurer, donner bonne conscience. Voilà quelques-uns des enjeux de ces institutions dites de justice. Etonnez-vous ensuite qu'une bonne partie des opinions européennes verse dans «l'impérialisme humanitaire», selon l'expression de Jean Bricmont avec une construction idéologique et politique aussi sophistiquée dans laquelle la figure d'un Ocampo n'est que celle d'un acteur dépassé par la mise en scène et la poursuite d'El Béchir que la recherche d'un personnage pour meubler une pièce que jouait déjà la Rome antique ! Heureusement que notre mémoire de Jugurtha nous en immunise vingt siècles ou plus après.
M. B.


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