Photo : Riad Par Abderrahmane Semmar La «tchipa» et la «maarifa» (le népotisme) sont les deux mots fétiches qui reviennent aujourd'hui sur toutes les lèvres de nos jeunes. Ces deux pratiques sociales largement répandues font partie malheureusement du décor naturel de notre société. Mieux, elles constituent carrément des mœurs auxquelles aucun Algérien ne peut y échapper. «On ne regarde pas ton CV lorsque tu recherches un emploi, on cherche surtout à savoir si tu connais quelqu'un d'influent dans cette entreprise. A quoi ça sert d'étudier alors ? Je me pose cette question depuis que j'ai obtenu mon diplôme», témoigne à ce propos Fouad, 25 ans, chômeur de son état qui pleure chaque jour sur sa condition de «zawali» (pauvre). Un «zawali» qui n'a pas l'argent nécessaire pour construire son propre projet et les connaissances indispensables qui lui permettraient de décrocher tranquillement un emploi. «Pour travailler, il faut donner de l'argent ! Dans un pays normal, c'est le contraire. Ça m'est arrivé personnellement de postuler dans plusieurs boîtes publiques. Et quelquefois, les responsables du recrutement me disent clairement que si je leur offre quelque chose, j'aurai en retour un poste avec un minable salaire ! N'est-ce pas incroyable tout cela», raconte Fouad qui enchaîne les désillusions depuis qu'il a terminé ses études. Que faire de son avenir lorsqu'on ne connaît pas une personne à même de nous aider à nous retrouver dans ce système social commandé par les passe-droits et le favoritisme ? C'est la question que se posent quotidiennement tous les jeunes en quête d'emploi dans notre pays. «Le chômage ne s'explique guère par le manque de postes de travail créés par notre économie. Cette dernière, même si elle souffre d'un déficit de croissance, est à même de créer chaque année des emplois pour de nombreux jeunes. Le problème est que ces emplois ne sont guère répartis selon des critères justes et transparents. C'est de cela que souffrent les jeunes», relève un éminent économiste. De leur côté, des jeunes désignent sans faux-fuyant la ‘‘tchipa'' et le népotisme qui mettent sérieusement en péril leur épanouissement. «Moi, je voudrais émigrer pour ne plus souffrir de cette culture de la rente», confie tout de go Hakim, enseignant vacataire à l'université, qui n'a jamais pu être titularisé en dépit de ses compétences avérées, faute de «soutien» d'une connaissance bien placée. «Qu'on le dise haut et fort : tout s'achète dans notre pays : les diplômes, le permis de conduire, la bienveillance des responsables, etc. Croyez-moi, la dernière fois j'étais à l'hôpital et j'ai vu des gens dont les enfants, au bord de la mort, se morfondaient en espérant qu'on allait leur tendre une main salvatrice alors que d'autres, forts de leurs connaissances dans le corps médical, passaient entre les files d'attente pour bénéficier de tous les soins. C'est ce spectacle désolant que je ne veux plus voir», se justifie Hakim en parlant de son rêve canadien. Malheureusement, les témoignages identiques à celui de Hakim sont innombrables au sein de notre jeunesse. Pourra-t-on un jour leur redonner l'espoir et la foi en leur pays ?