Les fêtes de l'Aïd, le super pont imposé à tout le pays par une série de commerces qui n'ont jamais pensé et travaillé comme l'exige leur fonction de services publics questionnent frontalement. Ils interrogent l'Etat sur son laxisme, son indifférence et aussi sur son absence. Les secteurs privés qui ont des obligations de service public, parfois stratégiques, comme les boulangers, les médecins, les pharmaciens, les restaurants, les cafés, les taxis s'avèrent être de vrais décideurs qui impriment au pays de la vie, un rythme, des activités économiques et peuvent par leur absence provoquer des dégâts. On frémit à l'idée d'une catastrophe naturelle durant ces vacances illégales et prolongées où le pays est en hibernation et donne l'image d'une terre en friche, sans cap, sans esprit civique et sans aucune tradition pour ce qui est du respect des lois, de l'Etat et des obligations dues à la communauté.Les traditions, qui ne sont aucunement des obligations religieuses, servent d'alibi à la fainéantise, au laisser-aller et au gaspillage le plus insensé. Une bonne partie du cheptel est décimée en une matinée, emplissant le pays de l'odeur du sang, qui mettra des jours à être nettoyé quand il l'est. Une fête religieuse n'est vécue que dans l'apparence, le couvre-feu de jour comme de nuit sur le territoire, et peut servir de prétexte, comme cela a été le cas, à l'émeute, au blocage d'une route…La pénurie de lait en poudre, celle de certains médicaments, la durabilité des bidonvilles, les dégâts à chaque saison des pluies, l'addition de retards pour la livraison d'infrastructures, de logements ou simplement de papiers administratifs, les programmes scolaires amputés à chaque prolongation des congés (cela a été encore le cas après cet Aïd de novembre 2010) et tous les accommodements fournis par la rente donnent l'impression d'une vie, de fonctionnement de pratiques politiques, économiques et civiques mis à l'encan.Est-ce à dire que l'Algérie ne construit pas, ne fait pas d'énormes dépenses publiques et n'achète pas d'équipements, d'armements, de voitures, d'avions, de papier et de médicaments, etc. ? Bien au contraire ! Les ministres et les walis répètent à satiété un quantitatif, parfois proche de la démesure et de la dépense pour de la dépense, pour des courbes et des statistiques quantitatives dans lesquelles des milliards se volatilisent dans la corruption, l'évasion fiscale, l'informel et la contrefaçon qui colonise tous les espaces où le dinar, l'euro et le dollar s'échangent, se vendent et s'achètent. L'état des liquidités est parfaitement décrit par cette honte pour le pays que sont ces billets de banque qui sont uniques au monde par leur couleur et leur clochardisation avancée.Depuis des lustres, les représentants de l'Etat, ses démembrements financiers agitent, comme l'invention du siècle, la découverte indépassable, le paiement par chèque ou par carte. Ce n'est encore qu'un leurre, une hypothèse, une virtualité refusés à l'avance là où l'Etat est le seul actionnaire. Allez payer par chèque ou par carte un billet d'Air Algérie, une facture Sonelgaz, une note de Mobilis !… Là où les démembrements de l'Etat refusent avec vigueur tout paiement hors l'argent liquide ou plutôt en papier marché, il n'y a aucune raison pour que le privé donne l'exemple. Payer ses achats alimentaires ou son taxi, en revanche, est une possibilité sérieuse à l'horizon 2072 !S'il y a des jours propices pour de riches enseignements pour le ministre, le wali, le maire, ce sont bien entendu les 4 ou 5 jours qui précèdent et suivent un jour férié. Ce sont les périodes idéales pour visiter le réel des grandes villes et du pays profond. Aux urgences, aux polycliniques, à la station de bus et de taxis, à la boulangerie, lorsqu'il pleut, s'il y a le moindre accident ou incident, c'est là que chacun peut mesurer son pouvoir, celui de la loi et de l'Etat. Ils verront que l'essentiel n'est pas de foncer à la mosquée, pour les caméras et entendre des prêches vieux comme le monde, insipides, sinon pour réarmer la haine contre les femmes ou les journalistes. C'est tellement plus facile d'excommunier un Kateb Yacine qu'un boulanger qui travaille quand il veut, un mécanicien ou un restaurateur qui signifie aux touristes ce qu'ils risquent pendant les fêtes. A. B.