Le président Mahmoud Abbas a beau affirmer face aux médias qui l'assaillent qu'il n'accepterait pas une reprise des négociations de paix avec Israël sans un gel de la colonisation dans la ville d'El Qods, l'histoire récente a montré qu'entre la parole et l'acte il y a tout un monde. Cependant, pour l'heure, le terrain aide le président palestinien à résister aux pressions. Il est indéniable que les conditions d'une reprise des pourparlers de paix avec Israël, interrompus depuis fin septembre, sont loin d'être réunies. Indubitablement, Israël veut négocier en colonisant. «Il faut que le gel de la colonisation englobe tous les territoires palestiniens et en premier lieu la ville d'El Qods, clamera Abbas. Les négociations directes relancées le 2 septembre ont été interrompues quelque trois semaines plus tard, à l'expiration d'un moratoire (devenu central dans les négociations) de dix mois sur la colonisation juive en Cisjordanie. Le gouvernement israélien refuse de donner davantage de «gages». Les Palestiniens exigent, à juste titre, avant de reprendre toutes discussions, un gel de la colonisation qui prendrait en compte la Ville sainte, occupée depuis 1967 par l'Etat hébreu. Le 11 novembre, la secrétaire d'Etat Hillary Clinton propose au Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu une offre d'une générosité étonnante dans le contexte actuel. Un nouveau moratoire de 90 jours sur les constructions de colonies juives contre une batterie de mesures de soutien sécuritaire, militaire et diplomatique. Pour un Etat qui jouit d'un statut international hors norme et qui reste un des plus dotés militairement la proposition est ahurissante. La proposition américaine prévoit la livraison par Washington de 20 avions de combat supplémentaires à Israël. Pour les Américains, il s'agit de relancer un processus de paix dans la forme. Abbas a répété que les Palestiniens n'avaient «rien à faire» avec l'offre américaine aux Israéliens. Ce marché entre les deux alliés semble se faire sur le dos des Palestiniens. Netanyahou exige des engagements écrits de la part des Américains «lui permettant de faire voter un gel de la colonisation en Cisjordanie». Barack Obama et Mme Hillary Clinton semblent certains de leurs capacités à faire accepter des concessions extrêmes à Mahmoud Abbas et ses «négociateurs». On n'est pas très loin d'offrir tout simplement un droit à la colonisation d'El Qods aux Israéliens.La proposition de l'administration américaine au gouvernement israélien en contrepartie d'une suspension de «90 jours» de la colonisation en Cisjordanie en «oubliant» El Qods est un énième affront au droit international et à l'exigence d'impartialité. L'administration Obama, définitivement soumise aux pressions des lobbys pro-israéliens, est en train de pousser jusqu'à l'extrême limite une Autorité palestinienne déjà boiteuse. La politique de l'Autorité est confinée dans un suivisme jusqu'au bout par l'administration américaine. La générosité de l'offre du président américain, qui comprend des armes pour une valeur de 3 milliards de dollars et un soutien pour le maintien de la présence militaire israélienne dans la vallée du Jourdain une fois déclaré le fameux Etat palestinien est telle que même Thomas Friedman, du New York Times, l'a assimilée à un «pot-de-vin». En plus de la concession sur la vallée du Jourdain et de l'offre des jets de combat qui aurait pour effet de doubler l'aide annuelle des Etats-Unis, l'accord inclurait la promesse par Washington de mettre son veto durant la prochaine année à toute résolution des Nations unies à laquelle Israël s'opposerait et de s'abstenir une fois les frontières convenues, d'exiger de nouvelles limites à la croissance des colonies. En contrepartie, Barack Obama et Hillary Clinton n'hésitent plus à demander à Mahmoud Abbas de trahir la cause palestinienne et d'abandonner les fondamentaux consacrés par la légalité internationale. Après les engagements américains en direction d'Israël, il ne reste plus à l'Autorité palestinienne que deux options : dire non ou trahir. Les Palestiniens sont conviés à de pseudo négociations, à une fausse suspension de la colonisation, à oublier le statut d'El Qods et à abandonner la question du retour des réfugiés. Israël est même invité à tout prendre à son aise sans même commencer les négociations. Que restera-t-il en effet à négocier au cas où Abbas et ses collaborateurs auraient l'idée, au nom du fameux «réalisme», de ne pas rejeter la surréaliste proposition américaine. Washington n'a, en revanche, rien à proposer aux Palestiniens. Il leur est simplement demandé de poursuivre un leurre appelé «négociation» en contrepartie d'une vraie abdication, du renoncement à l'objectif minimal de l'Etat palestinien pour lequel tant de Palestiniens se sont sacrifiés. Les négociateurs palestiniens ont habitué les Américains à tout accepter. Désormais, à Washington, on pense qu'on peut oser leur demander ouvertement d'abandonner la ville d'El Qods à Netanyahou et d'enterrer toutes les résolutions des Nations unies sur le conflit et sur le droit au retour. La volonté de plaire aux Américains est telle que ces derniers pensent que le moment est venu de leur proposer de tout céder pour un «règlement» définitif du conflit au Proche-Orient. Les engagements de l'administration Obama en direction d'Israël en contrepartie d'une simple suspension de courte durée des colonisations portent sur des questions fondamentales. En ces temps de la compromission, Israël obtient gain de cause comme «préalable» à la reprise des négociations. Mahmoud Abbas et ses collaborateurs accepteront-ils les déshonorants arrangements en train d'être tramés sur le dos du peuple palestinien ? Il reste plus honorable d'être accusé par son ennemi de refuser la paix que de trahir la cause de son peuple. Durant les négociations de camp David, en 2000, la fourberie israélienne a fait capoter les négociations, mais c'est Yasser Arafat qui avait été accusé par les Etats-Unis et Israël d'avoir fait échouer la paix. Devenu un symbole pour la cause palestinienne, Arafat a eu l'éternité. M. B.