Photo : Riad Par Amar Rafa Il y a recours à la détention préventive en Algérie. Ce constat qui émane de l'expérience sur le terrain a été souligné par le président de la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme, Farouk Ksentini, qui soutient ainsi un point sur lequel a insisté le rapport de la situation des droits de l'homme en Algérie, remis récemment au président de la République. En se disant préoccupé «au plus haut point» par ce problème, parce que touchant à la liberté individuelle puis à la qualité de la justice, Me ksentini a relevé «l'application incorrecte de la loi», avant d'estimer qu'il faut «la corriger absolument pour que les choses reviennent à la normalité». «La détention préventive doit rester une mesure tout à fait exceptionnelle», poursuivra Me Ksentini, avant de relever que «malheureusement l'expérience du terrain montre qu'il en est autrement». Le président de la commission consultative des droits de l'homme a, lors de son passage à la Radio nationale, fait remarquer que cette mesure exceptionnelle est devenue «une sorte de punition préalable que le juge d'instruction s'arroge le droit d'infliger à la personne inculpée, en dépit de la présomption d'innocence et du fait qu'un juge d'instruction n'est qu'un juge intermédiaire, qui n'a pas à infliger une punition à qui ce soit». Et ce, avant d'arriver à la conclusion qu'il s'agit d'un problème «important» qui ne trouve pas encore de solution. A titre d'illustration, Me Ksentini indique que les exemples sont très nombreux, en précisant toutefois qu'il s'agit d'abus constatés en matière de délits, surtout «en matière délictuelle, nous constatons que trop souvent les personnes mises en cause sont incarcérées immédiatement ; ensuite elles sont jugées, avant qu'il n'y ait des mesures d'expertise et des auditions. Elles sont coupables provisoirement, ce qui n'est pas normal». Selon lui, «il faut utiliser l'arsenal juridique, selon lequel la liberté provisoire est la règle, ainsi que les solutions de substitution, dont la mise sous contrôle judiciaire, spécialement pour les gestionnaires». L'amendement proposé au code pénal, relatif à la dépénalisation de l'acte de gestion, est une «progression», considère Me Ksentini, puisque, dit-il, «la peine a été substantiellement réduite», tout en relevant que ce texte ne satisfait pas tout le monde. Farouk Ksentini a rappelé que la question de la détention provisoire avait soulevé un tollé général. «Beaucoup de magistrats ont cru à tort que je m'en prenais à eux, alors que c'est à une pratique inacceptable, non pas les magistrats qui, eux, agissent en leur âme et conscience», s'est-il expliqué. Aussi, Me Ksentini, s'est inscrit en faux de vouloir remettre en cause l'appareil judicaire, en soulignant, les «avancées considérables» réalisées dans le secteur de la justice. «Mon rêve, mon ambition en tant que juriste, est de parvenir à une justice de qualité», dixit Me Ksentini, en soulignant le problème de la formation des magistrats. De l'avis de Me Ksentini, «les réformes engagées jusque-là sont insuffisantes», et qu'il reste des choses à faire, en liant cela à la formation des magistrats, «qui doit être du niveau de l'excellence», a-t-il jugé. Il dira, à ce propos, regretter que les conclusions de la commission Isaad des réformes de la justice n'aient pas été appliquées lors de cette réforme, on s'interrogeant : «On se demande par quel miracle, quelle manipulation, ce rapport a été escamoté comme il l'a été». Il a dénoncé «certaines dispositions à faire régresser la justice et le droit de la défense d'une manière incroyable», concernant le statut de la profession d'avocat, en appelant au dialogue. En ce qui concerne aussi, «les catégories oubliées», évoquées dans le texte régissant la réconciliation nationale, il devait citer en exemple les citoyens ayant subi des dégâts matériels causés par des actions terroristes, les internés dans les camps du sud, qui seraient entre 15 et 20 000 individus. D'autres points du rapport ont été également abordés. Il s'agit de droits sociaux, s'agissant notamment de l'accès au logement ou au travail. Me Ksentini a demandé à ce que tout soit fait pour que les opérations de distribution des logements sociaux se fassent dans la plus grande transparence et qu'elle soit la plus équitable possible, rejoignant ainsi l'avis exprimé par la Rapporteuse spéciale des Nations unies. Il n'hésitera pas à évoquer de «la manipulation», à ce sujet, sans en nommer les responsables, pour, plaider pour une politique de justice sociale, pour la création des emplois de jeunes. Me Ksentini préconise l'ouverture des médias lourds ; il se dit satisfait du texte relatif à la dépénalisation des délits de presse. Le rapport du département d'Etat américain sur le trafic humain est une «affabulation», selon Me Ksentini, qui conclut qu'«il n'y a jamais eu de trafic d'êtres humains en Algérie», et que «ce rapport n'a pour but que de ternir la réputation de ce pays» et est de «nature injurieuse».