Photo : A. Lemili Par A. Lemili La violence est revenue dans les stades, et tout le monde feint de s'étonner. En réalité, dans une spirale interminable, elle n'a jamais été autant omniprésente que ces dernières années. A contrario, c'est l'absence de réaction authentique des pouvoirs publics et la prise de mesures énergiques qui, elles, font dramatiquement défaut. D'ailleurs, nous le dirons sans ambages, si Dieu a créé l'homme à son image, les instances sportives nationales ont créé le supporter algérien à la leur, c'est-à-dire le parfait exemple du nihilisme. La violence administrative incontrôlée et incontrôlable d'une structure comme la Ligue de football professionnel parce que bureaucratique en raison de l'incompétence des responsables qui la dirigent malheureusement et des décisions irrationnelles prises au mépris de la réglementation et des lois de la République est elle la source par excellence des violences éparses qui naissent ici et là chaque semaine. Nous en donnons pour preuve son dernier communiqué (4 avril 2012) où elle décide d'autorité qu'aucune grève de joueur ne sera tolérée occultant par là superbement un droit consacré par la loi (90-11) amendée en ce sens qu'en tant que professionnels les footballeurs ont droit d'y recourir dans des cas extrêmes. Des cas extrêmes que ne solutionnent ni les décisions de la Chambre de résolution des litiges et encore moins le Tribunal arbitral des sports. Sur ce sujet précis, nous nous tenons à la disposition de la ligue pour lui apporter la preuve de bien des décisions prises par ces institutions et sciemment non appliquées par les clubs avec très souvent, si ce n'est généralement, la passive complicité de la LFP. La Tribune s'est fait l'écho, il y a quelques semaines, de recrutements opérés durant le mercato au mépris des engagements pris par la ligue de ne pas autoriser les clubs réfractaires à le faire. Donc avant de penser à légiférer encore une fois sur les voies et moyens à répondre à la violence au sein des infrastructures sportives, il faudrait quand même que les responsables à hauteur des instances sportives nationales aient à se souvenir que tous les textes concernant la professionnalisation du football sont allègrement foulés aux pieds par ces instances elles-mêmes.Pour en arriver à la violence dans les stades, bien entendu parce qu'il y a le côté spectaculaire en sus les évènements du stade du 5-Juillet, avec une caméra filmée en train de prendre une trajectoire à laquelle logiquement elle n'était pas destinée, et une personne qui essaie de se soustraire au jet continuel d'objets ont «choqué» une opinion publique comme par hasard prise à témoin alors que des incidents parfois plus graves sont passés sous silence juste pour faire croire que le football est rassembleur d'abord et qu'ensuite il n'y a pas vraiment raison de trop en faire par rapport à un chahut de «gamins ».
Rappeler la tragédie du Heysel ne sert à rien Et question gamins, parlons-en, un confrère qui, très certainement, se considère de fait autorité en la matière, s'est dit récemment outré que parmi le public figurent des enfants, s'autorisant une réflexion sur le fait que des jeunes de moins de seize ans accèdent aux gradins et tribunes sans qu'ils aient obligation d'être accompagnés d'une ou de personnes adultes. Tout à fait d'accord, sauf que toute interdiction en ce sens aurait eu du mérite à être prise et surtout évoquée et rappelée sans désemparer à chaque fois qu'elle n'aurait pas été prise en considération sans attendre qu'il y ait du grabuge pour la suggérer. Certains autres ont mieux à proposer, et ils sont d'ailleurs quasiment catégoriques sur une panacée à même endiguer la violence «Faire ce qui a été fait ailleurs» ajoutant «Depuis la tragédie du Heysel». Tout à fait d'accord également sauf que tous ces confrères se trompent malheureusement de peuple ou sinon de public. D'ailleurs, l'un ne va pas sans l'autre en Algérie.La violence est un phénomène civilisationnel qui ne peut trouver de solutions que dans le même cadre. Or, nul ne peut occulter la prédominance de facteurs qui contribuent au fait que la société algérienne, depuis presqu'une trentaine d'années, est entrée en régression sur cet aspect sociétal précis. Le stade est, comble du paradoxe, devenu le réceptacle par excellence du mal de vivre des Algériens, et il est également arbitraire de n'imputer ce mal de vivre qu'à la seule fraction des jeunes dans la mesure où d'une manière effective il peut être aisément démontré la réalité d'une pyramide des âges et une photographie très fidèle des strates sociales qui vont du lumpenprolétariat à une nouvelle et hétéroclite aristocratie, comme du prématuré exclu du système scolaire à l'enseignant universitaire adepte des grèves au moindre prétexte qui renseignent, on ne peut mieux, sur ce qui représente un particularisme foncièrement inquiétant.Il semble pour le moins difficile à moins de faire le choix d'une attitude malhonnête pour soutenir ou feindre de croire que la violence toutes natures confondues fait partie du décor de l'Algérien où qu'il se trouve, elle est omniprésente physiquement, verbalement, moralement dans la rue, au domicile familial, dans les moyens de transport, les marchés et dès lors qu'elle s'est invitée dans les établissements scolaires elle ne peut alors qu'écumer les stades qui constituent le parfait exutoire pour des milliers de potentiels «allumés » et autres marginaux génétiques. Toutefois, ledit exutoire n'est pas à sens unique dans la mesure où les pouvoirs publics et leurs prolongements exécutifs ad hoc adoptent le profil bas face à une faune dont ils savent canaliser la violence par recours à des procédés non orthodoxes, pervers et, autant le souligner, dangereux consistant à laisser des foules déverser haine, rancœur, colère dans des espaces réputés distractifs et ludiques tant que celle-ci (violence) peut être contenue. Or, elle ne l'aura été que de courte durée puisqu'elle est maintenant allègrement extériorisée dans les rues.
Une amnésie collective assassine pour succéder à des situations dramatiques Au moment, donc, où le phénomène prend de plus en plus d'ampleur, des cohortes d'analystes, une sorte de premiers de la classe à l'image de l'Organisation de la sauvegarde de la jeunesse cogitent ou font semblant sur les voies et moyens de l'endiguer comme cette idée de convoquer des états généraux au sein desquels siègeraient des représentants de ministères (Intérieur, Jeunesse et Sports, Solidarité nationale, ndlr), associations et autres institutions et, comme le ridicule ne tue pas, mettre en place un système d'émulation qui récompenserait le public le plus fair-play par l'attribution d'une récompense dans le thème en question. Est-il besoin que des simulacres du même type aient été régulièrement étrennés au lendemain de chaque pic de violence comme celui du week-end consacré aux derniers quarts de finale de la Coupe d'Algérie. Quant au ministre de la Jeunesse et des Sports, n'a-t-il pas affirmé en 2009 déjà devant les parlementaires qu'un «projet de loi était en préparation». Vraisemblablement, une préparation tellement laborieuse qu'elle risque d'échoir au prochain gouvernement. Si tant est que celui-ci arrive encore à démêler l'écheveau.Par ailleurs d'aucuns voient dans ce paroxysme de la violence le manque de métier pour ne pas dire l'irresponsabilité des représentants des médias. Ce qui n'est pas faux, et la question que l'on s'autoriserait à poser d'emblée est : «quelle est le rôle du conseil supérieur de la déontologie » si tant est que ce «machin » existe encore. Nous pourrons également nous questionner sur la responsabilité du ministère de la Communication et/ou encore des premiers responsables des médias eux-mêmes ; lesquels, comme chacun ne peut l'ignorer, ne raisonnent qu'en termes de scoops… exclusivités… ventes… leadership, etc. S'agissant des journalistes autant ne pas gamberger sur ce qu'un confrère a qualifié de «scribes». Ils ne constituent pas la majorité de la corporation, mais c'est tout comme, compte tenu de la multiplication des titres spécialisés notamment. Pour l'anecdote, il faut rappeler qu'un atelier avait planché sur le thème «Le rôle de la presse sportive et l'éthique professionnelle » lors d'une journée d'étude organisée en fin d'année 2009 par le secrétariat auprès du ministère de la Communication. Des propositions de mesures coercitives à l'encontre des journalistes ou des organes qui les emploient qui transgresseraient cette éthique avaient été alors formulées (???).En réalité, toutes ces bonnes résolutions interviennent non sans grande fanfare au lendemain d'un incident qui flirte avec la catastrophe nationale pour faire semblant d'être prises à bras-le-corps par les secteurs de l'Education (les écoles), des Affaires religieuses (les mosquées), de l'Intérieur (mouvement associatif), de la Jeunesse et des Sports (fédérations), ligues (clubs et dirigeants). C'est tout le système qui a un grand besoin d'être repensé et même si cela fait ringard, il y a nécessité pour qu'il n'y ait «aux places qu'il faut que les hommes qu'il faut ». Il ne risquera jamais d'en être le cas pour la simple raison que le ver a non seulement pourri le panier, mais littéralement rongé les racines des fruits en floraison. Attendons de voir la prochaine explosion.En conclusion, elle est amusante cette proposition quasiment unanime qui consisterait à identifier et répertorier les fauteurs de troubles et en faire a posteriori des interdits de stade. Alors autant ficher l'ensemble des supporters de chaque équipe en raison du dédoublement de personnalité de ces derniers une fois les portes du stade franchies.