L'Algérie, la Chine et la Russie au 3e soir du 13e Festival de danse contemporaine    Ouverture du 13e Festival international du Malouf: célébration vivante d'un patrimoine musical    Ali Badaoui en mission de reconnaissance en Chine    L'Algérie dénonce un affront de plus qui entache la conscience de l'humanité    L'école algérienne demeure un pilier essentiel pour bâtir une société unie    Rentrée scolaire 2025-2026: M. Sadaoui donne le coup d'envoi officiel depuis Alger    Un partenariat entre l'AOHP et la fondation italienne Enrico Mattei pour améliorer la formation en dentisterie    Rentrée scolaire: l'Etat engagé à assurer les fondements du développement cognitif pour une génération éveillée    Aït Messaoudene au chevet des victimes après une attaque de chien mortelle    Ligue 1 Mobilis (5e journée) L'OA et le MBR creusent l'écart et confirment leurs ambitions    inter-régions : La FAF prolonge le mercato estival jusqu'au 30 septembre    L'Algérien Yasser Triki termine 4e en finale    Le wali instruit les entreprises chargées de la réalisation au respect des délais    Face aux nouvelles mutations énergétiques régionales et mondiales    Sayoud instruit d'accélérer la réalisation des projets du secteur des ressources en eau    Développement notable et perspectives prometteuses pour la filière pomicole    Arrestation de deux individus en possession de 1.000 comprimés psychotropes à Ammi Moussa    Le veto américain prolonge le génocide    Des abus graves contre les écolières    Bendouda inspecte les travaux de réhabilitation et le projet de numérisation des manuscrits    La 20e édition a attiré un public nombreux    Imene Ayadi remporte le prix du meilleur court-métrage de fiction avec «Nya»    Ligue 1 Mobilis: la JSS domine l'USMA (1-0) et rejoint le MBR et l'OA en tête du classement    La Gendarmerie nationale met en place un plan sécuritaire spécial pour la nouvelle rentrée scolaire    Construction: ouverture à Alger du salon SIFFP avec la participation d'une centaine d'entreprises    Belmehdi visite la commission d'audit et de vérification des recueils du Saint Coran    Attaf signe à New York l'accord relatif à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer    Athlétisme/Mondiaux-2025 : l'Algérien Djamel Sedjati remporte la médaille d'argent sur 800 m    Bouden reçu à Kuala Lumpur par le nouveau SG de l'AIPA    Chargé par le président de la République, Attaf arrive à New York pour participer aux travaux du segment de haut niveau de l'AG de l'ONU    Exposition d'Osaka : poursuite des journées portes ouvertes sur la stratégie nationale de développement des énergies renouvelables et de l'hydrogène vert    Basket / Championnat arabe des clubs féminins/Finale : le GS Cosider décroche la médaille d'argent    L'Algérie rejoint officiellement l'AIPA en tant qu'unique membre observateur    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 65.208 martyrs et 166.271 blessés    Le président de la République préside une réunion du Haut Conseil de sécurité    L'échec du Conseil de sécurité à adopter une résolution en faveur de Ghaza, un affront de plus qui entache la conscience de l'humanité    Programme TV - match du mercredi 29 août 2025    Programme du mercredi 27 août 2025    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Entre fétichisme et désespérance(3)
Le Salon international du livre d'alger
Publié dans La Tribune le 13 - 11 - 2008


Photo : Riad
Par Mohamed Bouhamidi

L'indépendance n'a pas seulement exacerbé le rêve d'une école algérienne ouverte à tous en lui promettant des perspectives concrètes. La soif de justice et de savoir générait un mouvement puissant fait de volontarisme et de dédain à l'égard des moyens et des nécessités pédagogiques.
Quand, des décennies plus tard, j'entends des critiques à l'égard de ce sous-encadrement, je deviens perplexe. Je me demande si les critiques mesurent le côté «révolution» de notre guerre de libération au-delà de ses dirigeants, de leurs conflits, de leurs limites ou de leurs attitudes. Il faut bien rappeler, une fois pour toutes, que notre peuple n'a pas assumé le poids écrasant de cette guerre pour les dirigeants mais pour l'indépendance. L'idéal et l'espérance qui soulèvent des montagnes sont différents des mises en œuvre concrètes conditionnées par les visions, les pratiques, les héritages politiques. Et cet idéal comme cette espérance pouvaient agir en dépit des limites des dirigeants. Décembre 60, en ruinant les espoirs gaullistes et l'effort de guerre des généraux français en reste la plus belle illustration. Ce côté révolution a mené à deux grands faits historiques : l'occupation des terres coloniales par les travailleurs agricoles aidés par des maquisards et des secteurs progressistes et socialisants et l'occupation des écoles par le peuple aidé par
les instits algériens porteurs d'une mystique scolaire. Autrement, l'école algérienne se serait développée selon les possibilités, en reconduisant les inégalités sociales entre villes et campagnes, entre familles aisées et familles nécessiteuses, etc. l'occupation des terres et de l'école ont été les seules réalisations immédiates et concrètes de la révolution.
Celle de l'école a brisé toute velléité d'arracher au peuple le fruit le plus désiré de son combat. Vous savez ce qu'il est advenu de la terre et vous constaterez que la pire des remises en cause des résultats de la guerre n'osera pas toucher frontalement à l'école. Je reste perplexe aussi parce que cette critique de l'école de l'indépendance part des normes européennes élaborées et construites dans d'autres processus historiques dont le rappel ne serait pas toujours flatteur. Si la tâche de cette école de l'indépendance ne devait être que d'assurer une forme développée d'alphabétisation, elle aurait répondu à une aspiration révolutionnaire de notre peuple. Je vous disais que l'école ne fut pas la seule action culturelle.
Des centaines de jeunes, de lycéens, d'étudiants, de travailleurs instruits ont repris le chemin des écoles, des usines et des champs pour alphabétiser les ouvriers agricoles, les paysans, les ouvriers ; non seulement ils donnaient ce qu'ils savaient, non seulement ils perpétuaient une culture de solidarité séculaire mais amenée à son plus haut par la guerre de libération, ils vivaient le rêve qui nous a maintenus debout face à une armée surpuissante et à une colonie de peuplement particulièrement féroce.
Le grand paradoxe reste que cette toute jeune école algérienne et cet extraordinaire mouvement pour l'alphabétisation apprenaient à nos paysans et à nos ouvriers la langue… française. Aucun pays ne fera autant que l'Algérie pour la langue de son ex-colonisateur avec quelques conséquences lourdes, très lourdes pour la vie culturelle et politique.
Il faudra attendre longtemps pour que les deux passent à la langue arabe. Ces deux mouvements spontanés dont on peut lire la force dans la photo de Kouaci n'étaient pas les seuls acteurs sur la scène. Les deux premiers pouvoirs algériens, celui de Ben Bella et celui de Boumediene, allaient tenir en grande partie la promesse des révolutionnaires qui postulaient que l'Etat algérien indépendant allait mener les réformes sociales et culturelles que les réformistes pensaient préalables à la naissance de cet Etat. Ces deux hommes portaient ce message de la révolution et avaient la ferme intention de faire émerger un Algérien nouveau libéré des idées rétrogrades, féodales et obscurantistes qui avaient longtemps, sous la férule de certaines zaouïas et des caïds ou bachagas, freiné l'émergence d'une conscience nationale. Les maîtres mots qui pourraient résumer le mal absolu aux yeux des révolutionnaires en armes sont l'obscurantisme et le charlatanisme. Or, toute projection d'une culture nouvelle, d'un homme nouveau, d'une société débarrassée de ses maux inclut la primauté du message, la prééminence de l'idéal, la supériorité de l'enseignement sur l'enseigné. Elle instaure une situation de prophétie d'un monde nouveau.
Par essence, ce type de projection s'obsède de sa «vérité». Naturellement, il sélectionne les livres en fonction de ses buts. Peu importe qu'il les appelle livres engagés, littérature de combat, art révolutionnaire ou art authentique pour dire musulman. Ce qui importe, c'est la bonne lecture, la lecture édifiante et formatrice. Le livre n'est plus qu'une fonction. Que les dirigeants de l'Etat algérien aient mis sous les mêmes mots des significations différentes, voire opposées ou contradictoires ne change rien à l'affaire. Le trait principal est que cette projection d'une société nouvelle débarrassée du charlatanisme et de l'obscurantisme pouvait s'entendre aussi bien comme une réparation par le salafisme et le modèle des califes bien guidés que par la modernisation de l'économie et l'instauration d'une société socialiste. Ce flou représente une sorte de revanche des questions théoriques et culturelles brutalement écartées au profit de la seule action révolutionnaire.
Résumons. Aux facteurs sociologiques, historiques, politiques qui expliquent en grande partie une vision restrictive du livre à partir de ses fonctions éducatives, nous pouvons rajouter ce facteur idéologique d'un «projet» de société différente. Tous ces facteurs convergent pour que, de décennies durant, société et pouvoir, pour des motifs différents, ne voient dans le livre que ses fonctionnalités idéologiques et culturelles et deviennent littéralement aveugles à sa réalité d'objet matériel, produit industriel et commercial, et d'objet idéel, produit d'une organisation éditoriale qui ne fonctionne pas du tout à l'inspiration des «auteurs» mais à la planification d'une réponse aux besoins sociaux, ceux de la formation comme ceux des loisirs, ceux de la distinction sociale comme ceux de l'évasion ou du rêve. Pourtant, ce facteur idéologique, ce projet de transformation de la société, aurait dû lutter contre les facteurs précédents. Changer la société, c'est changer ses déterminations. Il va au contraire agir pour les «fixer» comme on dit en chimie, les rendre durables et les laisser agissants.
L'Etat avait bien ouvert des imprimeries comme celle de Réghaïa, il avait bien entrepris des efforts pour le livre scolaire. C'était bien là une juste priorité, une priorité indiscutable mais, du point de l'organisation de l'Etat, cette tâche relevait du ministère de l'Education, premier demandeur avec l'enseignement supérieur, et les deux départements avaient pour cela des offices et des imprimeries qui fonctionnaient bien ou mal mais qui existaient. Ils s'étaient donné des outils. Et s'ils ne l'avaient pas fait, la masse des étudiants et des lycéens se serait fait entendre. Qu'en était-il du ministère de la Culture ?
Nous sommes en 1986. Je découvre le ministère de la Culture. Je ne connais pas tout de ce secteur, je ne connais pas tout de son histoire. La première réalité qui me frappe est qu'il s'occupe de tout, de l'animation comme des semaines culturelles, des menus achats des musées comme de la gestion à distance des maigres instituts qui végètent. Pour moi, c'est phénoménal. Ma première réaction fut d'expliquer simplement que le ministère de l'Agriculture ne laboure pas mais agit pour réunir les conditions juridiques, techniques, matérielles, financières pour que des agriculteurs labourent. Je ne comprenais pas que des cadres supérieurs, directeurs, sous-directeurs, voire le secrétaire général, perdent des semaines à organiser des semaines culturelles, toutes semblables et
répétitives quand cela aurait être le travail d'un office ou du palais de la Culture.
La deuxième chose qui m'a frappé était la fermeture totale sur la société. Rien, aucune indication des buts sociaux du travail du ministère.
Absolument rien sur la distinction des programmes en direction des différentes catégories sociales : enfance, jeunesse, etc.
A la sortie d'une réunion pendant laquelle j'avais parlé d'un programme pour l'enfance, l'un des directeurs les plus perfides parla
suffisamment haut pour que je l'entende dire qu'on allait faire une crèche du ministère de la Culture.
La deuxième chose qui m'a frappé était l'absence totale d'indicateurs de l'activité culturelle. Quelle était la fréquentation des musées, des cinémas, des théâtres, des bibliothèques ? Qui lisait quoi en dehors de l'obligation scolaire ?
Le ministère n'avait pas d'outils de travail à part ceux hérités de l'époque coloniale et de la Cinémathèque, acquis plus militant que vision de l'Etat. Il n'avait pas d'outils pour mesurer, évaluer, agir. Cette absence indiquait plus que tout discours la conception éthérée que portait la tête des responsables. Pis, l'absence de ces indicateurs «naturels» dans une activité industrielle et commerciale montrait crûment que le mépris pour la mise en place d'un marché de l'art –cinéma, peinture, théâtre, livre– et d'industrie culturelle et d'industrie de la culture.
Enfin, reprenez l'organisation administrative de la culture mis en place par le gouverneur général avec ses statuts, ses réglementations. Vous la retrouvez presque telle quelle en 1986. Pour tous, il était naturel que le concept de culture n'englobe que les arts, y compris le folklore et le patrimoine. Exactement le concept colonial. La part de la science avec ses musées et ses espaces de la découverte dans le concept de la culture en France indique la différence faite pour «sa» colonie.
Je ne vous dis pas le tollé sous terrain qui a accompagné mes propositions de créer des musées des sciences et de la découverte –de l'électricité, des hydrocarbures, du rail, de la marine et de la course, etc. et d'ouvrir les musées existant aux enfants sous forme d'ateliers de lecture adaptés d'initiation aux arts–, ce n'est pas le cours de dessin ou de musique de l'école. Le nœud du problème était là : quelle conception de la culture guidait le ministère et pouvait-on en finir avec ses charges et ses héritages coloniaux ? Surprenant qu'une révolution reconduise les idées de son colonisateur ? Fanon en avait déjà dit quelques mots.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.