A chaque fois qu'il est question de célébration d'un événement ayant marqué l'histoire du pays, c'est la problématique de l'écriture de l'Histoire qui se pose. Et à chaque fois que l'écriture de l'Histoire est à l'ordre du jour, celle de l'accession aux archives est remise au goût du jour. La célébration des massacres du 8 mai 1945 est ainsi un rendez-vous qui repose la question de l'accession aux archives, cet outil essentiel pour une écriture juste et fiable de l'Histoire. Cinquante ans après l'Indépendance, les archives de la guerre de libération ne sont pas accessibles, ni pour les citoyens, ni pour les historiens. En France, comme en Algérie, ce patrimoine qui devrait être un domaine public, est toujours sous contrôle. Les cris des historiens et autres acteurs de l'époque n'ont pas pu changer la donne. En France, la décision politique et solennelle sur l'ouverture des archives de la guerre de libération tarde à venir malgré l'insistance de quelques voix autorisées sur le terrain de l'histoire. Officiellement la libération des archives a été constamment maintenue au stade des intentions. L'ouverture assumée doit malheureusement attendre. En visite à Alger, au mois de décembre dernier, François Hollande défendait, dans son discours, l'option de rendre accessibles les archives en question. «Connaître, établir la vérité c'est une obligation, elle lie les Algériens et les Français. C'est pourquoi il est nécessaire que les historiens aient accès aux archives», tranchait le président français, pour qui «une coopération dans ce domaine doit être engagée, poursuivie pour que progressivement cette vérité puisse être connue de tous». François Hollande soutenait que «la paix des mémoires à laquelle j'aspire repose sur la connaissance et la divulgation de l'histoire». Et à l'occasion du séjour de Hollande en Algérie, sa réponse à la demande de veuve de Maurice Audin à propos des archives a été médiatisée. François Hollande écrit, dans sa lettre à Josette Audin, avoir «demandé à Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, de vous recevoir afin de vous remettre en mains propres l'ensemble des archives et documents en sa possession relatifs à la disparition de votre mari». Ce qui revenait à croire que les archives et les documents à même de situer les circonstances de la disparition de Maurice Audin relèveraient de l'ordre de l'accessible. Cela ne signifie pas qu'on a changé, à Paris, le rapport entre les officiels et la question des archives. La fermeture est toujours de mise. Pourquoi avoir peur donc des archives quand on prétend défendre la vérité ? Benjamin Stora, spécialiste de l'histoire d'Algérie, estime, à ce propos, que les hommes politiques français essaient de protéger les personnes impliquées dans ces événements. Car, explique-t-il, «ouvrir les archives sur la guerre d'Algérie pourrait concerner des personnes toujours vivantes, que ce soient des officiers ou encore des hommes politiques». A l'image d'autres historiens, Benjamin Stora plaide ainsi «la possibilité pour les historiens de consulter les archives d'Etat, de police, et de sécurité». En Algérie, les archives ne sont pas moins verrouillées comme se plaignent, à raison, des historiens spécialisés dans l'histoire de la guerre d'Algérie. Contrairement donc à ce qui se passe ailleurs, le citoyen ne peut accéder aux archives nationales. Même l'étudiant chercheur souffre pour y accéder. Daho Djerbal, enseignant au département d'Histoire de l'Université d'Alger, décriait, avant-hier, l'accueil qu'on réserve à un étudiant au niveau des archives nationales. «Il est reçu comme intrus», s'indignait l'enseignant, qui témoigne avoir eu affaire à «des étudiants ruinés financièrement et moralement» en revenant des archives. A. Y.