Malgré les professions de foi et les engagements des pouvoirs publics pour une réelle prise en charge des sites historiques d'Oran, ceux-ci, dans leur écrasante majorité, restent livrés aux quatre vents et ne bénéficient d'aucune mesure spécifique de sécurisation. Et si Santa Cruz, les Bains Turcs, le Palais du Bey ou quelques autres vestiges historiques, que des associations de protection du patrimoine ont pris sous leur aile, bénéficient d'une certaine attention des autorités locales et de l'affection de la population, ceux qui se trouvent loin des feux de la rampe sont abandonnés aux aléas du temps et la bêtise humaine : Disséminés à travers l'ensemble du territoire de la wilaya, des grottes du paléolithique, première périodes de la préhistoire qui a débuté il y a moins de 3 millions d'années, et du néolithique, dernière période de la préhistoire,à Kouchet El Djir et à Eckmühl, les ruines romaines de Portus Magnus à Béthioua, la nécropole punique du côté des Andalouses, la trentaine de fortifications militaires, des kiosques à musique, les Arènes… (Oran est un musée à ciel ouvert, estiment les spécialistes) attendent toujours d'être considérés à leur juste valeur, comme autant de repères importants des différentes étapes de l'histoire d'Oran.
Réalités économiques Non seulement la sauvegarde des sites patrimoniaux et leur protection ne figurent «presque» pas sur l'agenda des priorités locales (exception faite des actions éphémères liées à la célébration du mois du patrimoine) mais il est des opérations d'intérêt économique qui sont réalisées sur les «ruines» de ces sites : l'exemple de l'extension d'un complexe touristique sur la nécropole punique des Andalouses au milieu des années 2 000 est édifiant du mépris affiché à l'égard de la mémoire : «J'ai ramassé de mes propres mains des ossements et autres restes que les constructeurs jetaient sur la plage, se souvient avec tristesse Abdelhak Abdeslam, vice-président de l'association Bel Horizon. Et bien qu'avec d'autres associations, nous ayons manifesté pour l'intervention des pouvoirs publics, le massacre a continué. Aujourd'hui, c'est toute une partie de la mémoire qui est ainsi altérée.» Plus récemment, les autorités locales ont décidé de raser les Halles centrales - après que les mandataires furent installés dans le nouveau marché de gros d'El Kerma - pour éviter que l'immense édifice datant des années 50 ne se transforme en abri pour SDF ou en squat. Manifestement, il n'est jamais venu à l'idée des gestionnaires de la wilaya qu'il pouvait être réaménagé en salle de sport, bibliothèque, ou en n'importe quel espace culturel à l'usage de la population, et des jeunes, en particulier, qui continuent de manquer cruellement d'espaces d'expression.
L'impératif de paraître Autre exemple du désintérêt pour le site historique, la garde et la sécurisation des 36 hectares de Portus Magnus (site vieux de 22 siècles dont on dit que les sous-sols regorgent de trésors historiques) est confiée à la garde d'une personne qui veille à empêcher des mains ignorantes ne viennent dégrader ce qui reste du passage des Carthaginois, des Romains ou encore des Vandales, ou que les habitants n'emportent des fragments pour orner leurs maisons. Et là encore, le site n'éveille l'intérêt que pendant le mois du patrimoine qui voit l'organisation, par l'Etablissement de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés, d'opérations de nettoiement ou de visites guidées à l'effet de sensibiliser à l'importance de préserver le patrimoine historique. En définitive, le discours des pouvoirs publics autour de la nécessaire préservation du patrimoine historique et le lancement de plans d'actions visant à renforcer leur protection et leur sauvegarde répond au seul impératif de «paraître» concernés. La preuve : seuls les vestiges situés à l'intérieur du tissu urbain - visibles aux médias et à proximité des associations culturelles - font l'objet de l'attention agissante. S. O. A.