De nouvelles tractations se sont dérouleés vendredi à New York pour tenter de trouver une issue au litige opposant l'Argentine à deux de ses créanciers, qui a précipité le pays dans une situation de défaut de paiement. Les négociations entre l'Argentine et les fonds "vautours" NML et Aurelius ont certes échoué mais il subsiste l'espoir d'une solution impliquant des banques proposant de racheter la dette, dont l'américaine JPMorgan. C'est ce qui sera examiné au cours de cette réunion convoquée par le juge américain Thomas Griesa, chargé du dossier depuis 10 ans. Jeudi, l'Argentine, confrontée à ce défaut de paiement sur sa dette, certes partiel mais aux conséquences imprévisibles, a crié à l'injustice mettant en doute l'indépendance de la justice américaine qui a soutenu les prétentions des deux fonds. Pour la présidente de centre-gauche Cristina Kirchner, l'Argentine n'est pas en défaut de paiement. "Défaut sélectif? Cela n'existe pas, a-t-elle insisté. Le défaut, c'est de ne pas payer. Nous avons la volonté de dialoguer mais nous devons défendre nos droits et les intérêts du pays", a-t-elle souligné. "Que ce monde mette un frein aux fonds vautours et aux banques insatiables qui veulent s'enrichir avec une Argentine à genou", a-t-elle ajouté. Ces protestations n'ont pas empêché l'agence de notation Fitch de déclarer jeudi la dette argentine en "défaut partiel", comme l'avait fait Standard and Poor's, tandis que Moody's annonçait vendredi qu'elle maintenait la note de l'Argentine mais abaissait sa perspective à "négative". Le défaut de paiement porte sur 539 millions de dollars, une somme versée par la Banque centrale d'Argentine le 26 juin et destinée à des créanciers ayant consenti un rabais de 70% sur la valeur de leur dette après le défaut de 2001. Mais le juge Thomas Griesa a bloqué ce paiement en ordonnant à l'Etat argentin de payer d'abord 1,3 milliard de dollars à NML et Aurelius, des fonds spécialisés dans le rachat de dette à risque et détenteurs de moins de 1% de la dette concernée.
Pas de panique Dans un pays déjà fragilisé par la récession, 30% d'inflation et un déficit budgétaire, l'inquiétude monte, même si la situation est loin d'être aussi grave que lors de la crise de 2001. Buenos Aires continue de payer ses autres créanciers, alors qu'en 2001, l'Argentine s'était déclarée en défaut pour 82 milliards de dollars. Le chef du gouvernement argentin Jorge Capitanich a dénoncé le parti-pris de la justice des Etats-Unis et menacé de saisir des instances internationales. "Si le juge est un agent des fonds spéculatifs, si le médiateur (judiciaire) est un agent à eux, de quelle justice parle-t-on ? Il y a dans cette affaire une responsabilité de l'Etat, des Etats-Unis, qui doivent garantir les conditions d'un respect sans restriction de la souveraineté des pays". De son côté, l'Argentine martèle que si elle s'exécute, elle viole la clause RUFO figurant dans les contrats de la dette restructurée en 2005 et 2010 libellés à New York, spécifiant que tous les créanciers doivent bénéficier des mêmes conditions de remboursement. La décision de justice ordonnant à l'Argentine de payer 100% de la valeur des bons aux fonds NML et Aurelius (1% des créanciers) contrevient à cette clause car 93% des créanciers restructurés touchent environ 30% des sommes initialement dues. Le gouvernement argentin a choisi de ne pas payer les 1,3 milliard de dollars, redoutant de déclencher une avalanche de réclamations des autres créanciers auxquelles Buenos Aires ne pourrait pas faire face. Dans une lettre adressée au Congrès, une centaine d'économistes américains ont estimé que "le jugement bloquant tout paiement de l'Argentine à 93% de ses créanciers pourrait causer des dégâts économiques inutiles au système financier international et aux intérêts des Etats-Unis et de l'Argentine".
Mauvaise finance Selon les analystes, une des premières conséquences du défaut de paiement est de maintenir l'Argentine à l'écart des marchés internationaux des capitaux, alors que Buenos Aires espérait y lever à nouveau des fonds. Depuis sa faillite en 2001, l'Argentine a progressivement remboursé sa dette grâce notamment à ses exportations agricoles, passant d'un endettement de 160% du PIB à 40% actuellement. "S'il y a un accord rapide, l'impact sera relativement limité", estime la banque française Natixis dans une note. "Mais le coût d'un défaut prolongé sera substantiel", ajoute-t-elle. Jeudi déjà, le groupe français de distribution Carrefour a annoncé qu'il réduirait ses investissements dans ce pays. Pour le fonds NML, appartenant au milliardaire républicain américain Paul Singer, aux cours des négociations, "le médiateur a proposé diverses solutions innovantes, plusieurs d'entre elles étaient acceptables selon nous. L'Argentine a refusé de les envisager sérieusement, et a choisi à la place d'aller au défaut". Le ministre français des Finances, Michel Sapin, s'est dit quant à lui "extrêmement choqué" par l'issue de cette affaire. "La justice américaine juge selon ses propres canons (...) Cela remet en cause une décision d'intérêt général", a-t-il déclaré.
L'Etat n'est pas en défaut de paiement Le ministre argentin de l'Economie, Axel Kicillof, a déclaré que son pays n'était pas en défaut sur sa dette. Alors que l'agence Fitch a dégradé la note de cette dernière en "défaut partiel, il a menacé d'une action en justice si un quelconque créancier réclamait un paiement. L'Argentine a manqué d'honorer un paiement de 539 millions d'euros sur les intérêts de ses obligations, alors qu'elle avait un délai de 30 jours qui expirait mercredi soir. Elle doit régler cette somme à des créanciers ayant consenti une remise de dette de 70% après la crise économique de 2001. Mais un juge américain bloque ce paiement parce qu'il a ordonné à l'Etat argentin de payer d'abord 1,3 milliard de dollars (1,2 milliard de francs) aux fonds qualifiés de "vautours", NML et Aurelius. Si Buenos Aires remboursait ces deux fonds, elle se mettrait à dos les autres créanciers qui détiennent 93% de la dette et qui ont accepté de ne récupérer que 30% de leur investissement initial.
Ouvert à un nouvel accord Le gouvernement ne s'opposerait pas à un nouvel accord entre parties tierces, a fait savoir Axel Kicillof. Un défaut de la dette argentine déclencherait le paiement d'assurances aux créanciers et donnerait à la plupart des détenteurs de titres argentins le droit de réclamer le remboursement intégral de leurs obligations. L'agence de notation Fitch a dégradé jeudi la note de la dette argentine de "CC" à "RD" et les obligations restructurées de "CCC" à "D". La dette argentine avait déjà été placée mercredi soir en "défaut sélectif" par une autre agence de notation, Standard & Poor's. L'indice Merval de la Bourse de Buenos Aires a chuté de 8,38% jeudi en réaction au défaut partiel de mercredi, même si la plupart des investisseurs s'attendent à ce qu'un accord intervienne in fine.
Le juge fédéral américain Griesa appelle à continuer les négociations Le juge fédéral américain Thomas Griesa a ordonné à l'Argentine et à deux de ses créanciers de continuer à chercher une solution au litige les opposant qui a abouti à un défaut de paiement partiel du pays. "Nous nous remettons au travail", a souligné le juge Griesa, lors d'une audience à New York qu'il a convoquée deux jours après l'échec des négociations entre Buenos Aires et deux fonds spéculatifs américains. Le juge a par ailleurs rejeté une demande des avocats de l'Argentine de trouver un remplaçant au médiateur nommé par la justice, Daniel Pollack, Buenos Aires disant ne plus avoir confiance en lui après ses déclarations faites dans la foulée de l'échec des négociations mercredi. "Il faut arrêter avec toute idée de perte de confiance. Ce en quoi l'on peut avoir confiance c'est dans des propositions, des recommandations. C'est ce qui importe", a affirmé le juge lors de l'audience qui a duré un peu moins d'une heure et au cours de laquelle aucune décision n'a été prise concernant les 539 millions de dollars dus aux créanciers restructurés de l'Argentine. Cette somme, bien que versée par Buenos Aires le 26 juin, est bloquée dans une banque américaine car le juge a ordonné à l'Argentine de régler sa dette aux fonds "vautours" avant de procéder à tout remboursement de dette auprès des autres créanciers. L'Argentine avait lancé mercredi et jeudi de lourdes accusations contre le juge Thomas Griesa et le médiateur Pollack nommé par ce dernier, et plus généralement mis en cause l'indépendance de la justice américaine, qu'elle accuse de bienveillance vis-à-vis des fonds "vautours" NML et Aurelius.
Les assurances peuvent être versées, selon une autorité Les créanciers de l'Argentine ayant souscrit une assurance (CDS) peuvent être remboursés après que le pays a manqué d'honorer une échéance de remboursement, a décidé vendredi l'organisme professionnel ISDA. "Un +événement de crédit+ consistant en un non-paiement est intervenu de la part de l'Argentine", a déclaré l'International Swaps and Derivatives Association, l'association internationale de ces produits financiers, dans un communiqué succinct. Le non-paiement d'une dette entraîne l'activation et le versement des CDS (crédit default swaps, assurance contre le défaut), ces contrats d'assurance contre le défaut de paiement d'une valeur. Ils permettent à un créancier d'être remboursé par un tiers si le débiteur n'honore pas sa dette. La prochaine étape est une journée d'enchères, dont la date n'a pas encore été arrêtée, pour déterminer combien recevront les détenteurs de CDS, indique l'ISDA. Le 30 juillet, l'Argentine n'a pas pu régler des créanciers à qui elle devait payer 539 millions de dollars ce jour-là, à cause d'une décision d'un juge new-yorkais, qui l'oblige à payer deux fonds "vautours" avant de procéder à tout autre paiement. Les agences de notation financière Standard & Poor's et Fitch Ratings l'ont ainsi déclarée en défaut de paiement partiel.
Moody's maintient la note mais abaisse la perspective L'agence de notation Moody's a maintenu la note de l'Argentine, mais a abaissé sa perspective à "négative", considérant que le défaut de paiement effectif du pays allait accélérer la détérioration de son économie. "Moody's considère que le non-paiement des obligations de la dette aux créanciers après qu'une période de grâce a expiré est un cas de défaut", indique l'agence, qui souligne notamment les risques engendrés par cette situation sur une inflation déjà très importante. L'agence d'évaluation financière a en revanche maintenu la note de la dette du pays sud-américain à "Caa1". Face aux baisses des réserves argentines, celle-ci avait été abaissée d'un cran le 17 mars dernier, alors qu'elle était à "B3". "Le défaut est susceptible d'exacerber la contraction de l'économie, d'accroître la pression sur le taux de change, et de pousser l'inflation à des niveaux encore plus élevés", souligne Moody's. La dette argentine a déjà été placée mercredi soir en "défaut sélectif" par une autre agence de notation, Standard & Poor's, suivie jeudi par l'agence Fitch Ratings qui estime désormais que la dette argentine est en "défaut partiel". Moody's relève l'incertitude autour de "l'impasse juridique actuelle", ce qui implique selon l'agence "un risque accru que les pertes finales pour les détenteurs d'obligations puissent être considérablement supérieures à 20%".