Le moral des grandes industries japonaises a rebondi pour la première fois en un an et demi dans un contexte d'affaiblissement bienvenu du yen, selon la dernière enquête de la Banque du Japon (BoJ) rendue publique. Mais le niveau reste loin de celui atteint dans les premiers jours des "abenomics", stratégie lancée fin 2012 par le Premier ministre Shinzo Abe pour revigorer la troisième économie mondiale. L'indice de confiance des firmes manufacturières de premier plan a progressé de quatre points, à +10, après être tombé au plus bas en trois ans, selon cette étude de "sentiment à court terme", réalisée à un rythme trimestriel et perçue comme un indicateur important de l'état d'esprit du monde des affaires. Derrière cette hausse, la première depuis juin 2015, "on peut voir des signes d'amélioration de la demande à l'étranger", note Takuji Okubo, chef-économiste de Japan Macro Advisors. Mais surtout "la récente dépréciation du yen offre un répit aux industriels japonais", souligne-t-il, même si elle ne se reflète pas encore dans leurs prédictions de taux de change citées par le Tankan. Alors que le dollar était brièvement tombé sous la barre des 100 yens après la décision des Britanniques de quitter l'Union européenne (Brexit) fin juin, il évolue aujourd'hui au-dessus de 115 yens, dopé par l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis et ses promesses d'investissements massifs. C'est une bonne nouvelle pour nombre de grandes compagnies japonaises, qui avaient dû abaisser leurs projections financières du fait des effets défavorables des devises. L'inconnue Trump Cependant "ont-elles de bonnes raisons de considérer que cela va continuer ?", questionne M. Okubo. "Je ne pense pas: cela dépendra de la manière dont M. Trump va mettre en place sa politique économique", ajoute-t-il, ne cachant pas son scepticisme à ce sujet. Les prévisions sont de fait peu optimistes: un déclin est attendu dans la prochaine mouture du Tankan. "Les compagnies restent prudentes, peut-être du fait des incertitudes entourant la politique sous la nouvelle administration américaine, entre autres facteurs. Cependant, si le yen demeure faible, on pourrait observer une nouvelle embellie", ont commenté les analystes de Barclays dans une note. Concernant le secteur non-manufacturier, moins tourné vers l'extérieur, l'enquête fait état d'une tendance stable (à +18), avec même une dégradation pour le secteur de la distribution, la faute selon M. Okubo à "un ralentissement du tourisme" après des mois record. Tous secteurs confondus, le moral des grandes sociétés s'améliore légèrement (+2 points, à +14). Idem pour les autres catégories, avec un indice en petite hausse de 2 points, à +12, pour les firmes de moyenne envergure et à +2 pour les plus petites. L'étude Tankan, menée auprès de plus de 10 000 entreprises entre le 14 novembre et le 13 décembre, mesure la différence entre le pourcentage de sociétés qui jugent la situation favorable et celles qui la considèrent défavorable. Après une année 2015 très mitigée, le Japon a connu un meilleur cru 2016 même si l'activité reste peu dynamique. La progression du Produit intérieur brut (PIB) a été révisée la semaine dernière à 0,3% au troisième trimestre (au lieu de 0,5%). La croissance des six premiers mois a cependant dans le même temps été réévaluée positivement: +0,7% de janvier à mars, +0,5% d'avril à juin. Cette conjoncture un peu plus favorable, associée à un rebond du Tankan, "devrait inciter la Banque du Japon à s'abstenir d'un nouvel assouplissement" lors de sa réunion la semaine prochaine, estime Capital Economics. Une pause est jugée d'autant plus probable que les derniers mois ont été agités, entre instauration de taux négatifs et adoption d'une nouvelle stratégie pour tenter de terrasser la déflation qui mine le pays depuis près de 20 ans. La production industrielle stagne La production industrielle au Japon a stagné en octobre sur un mois, et non progressé de 0,1% comme initialement annoncé, selon les données révisées publiées par le ministère de l'Industrie (Meti). Les livraisons ont augmenté de 2% (au lieu de 2,2%), tandis que les stocks ont diminué de 2,1% (inchangé). Un sondage mené à l'époque auprès des entreprises manufacturières laissait augurer d'une forte hausse de la production en novembre (+4,5%), avant un repli en décembre (-0,6%), mais ces estimations sont rarement fiables. L'indicateur de la production industrielle évolue en dents de scie au gré des ajustements en temps réel des firmes, très frileuses à investir face à une demande au ralenti. Elles bénéficient cependant du récent affaiblissement de la devise nippone, dans la foulée de l'élection du républicain Donald Trump aux Etats-Unis. Dans ce contexte favorable, l'indice de confiance des grandes industries a rebondi pour la première fois en un an et demi.