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Les aveux de la dernière heure du général Aussaresses
La Vérité sur la mort de Maurice Audin, de Jean-Carles Deniau aux éditions Equateurs
Publié dans Le Midi Libre le 12 - 01 - 2014

Dans La Vérité sur la mort de Maurice Audin, Jean-Charles Deniau rapporte les aveux du général Paul Aussaresses, tortionnaire de la guerre d'Algérie, sur la disparition du militant communiste, tué "pour l'exemple".
Dans La Vérité sur la mort de Maurice Audin, Jean-Charles Deniau rapporte les aveux du général Paul Aussaresses, tortionnaire de la guerre d'Algérie, sur la disparition du militant communiste, tué "pour l'exemple".
Au moment de la disparition à l'âge de 95 ans de Paul Aussaresses, le 3 décembre dernier, journalistes et historiens s'accordaient à dire que le tortionnaire "sans remords, ni regrets" de la guerre d'Algérie n'avait pas révélé tous ses secrets. Il en est un de taille, pourtant, que le général aurait divulgué peu de temps avant sa mort, levant le voile sur l'une des dernières grandes énigmes de cette période trouble de l'Histoire française récente.
Dans La vérité sur la mort de Maurice Audin, le journaliste Jean-Charles Deniau raconte, dans un récit à la première personne, comment Aussaresses, alors au crépuscule de sa vie, consent à lui avouer ce qui constitue un crime d'Etat : non, le militant communiste Maurice Audin ne s'est pas évaporé dans la nature après son évasion en juin 1957, mais a été exécuté avec "la couverture pleine et entière du pouvoir politique". Une retentissante révélation qui fait pièce aux versions officielle et officieuse d'une affaire alimentant la chronique historico-politique depuis plus de 55 ans. Retour sur les faits.
En 1957, la guerre d'Algérie, que les autorités de Paris s'évertuent alors à appeler "les événements", s'est intensifiée. La 10e division parachutiste de l'armée française est engagée dans la terrible bataille d'Alger qui l'oppose aux indépendantistes du Front de libération nationale (FLN). À la tête du bataillon, le général Jacques Massu charge le lieutenant-colonel Roger Trinquier et le commandant Paul Aussaresses de mener "la contre-terreur à Alger". Militaire dévoué, ce dernier est connu de ses supérieurs pour l'application avec laquelle il mène les "interrogatoires renforcés", terme dont on sait aujourd'hui qu'il signifiait "torture".
"Bousculer les gus"
Décharges électriques par la "gégène", administration de penthotal (un puissant barbiturique appelé "sérum de vérité"), exécutions sommaires... Au début des années 2000, Aussaresses avait détaillé les méthodes utilisées par ses troupes pour "éradiquer" les réseaux indépendantistes algériens. Des pratiques dont l'armée, à l'époque, se félicite de l'efficacité.
"Le trio Massu, Trinquier, Aussaresses et leurs paras obtiennent très vite des résultats spectaculaires", rappelle Jean-Charles Deniau."En exploitant à fond les résultats obtenus en ‘bousculant les gus', comme dit Massu, c'est-à-dire sous la torture, ils font tomber une à une les caches d'armes du FLN dans la Casbah". Le mouvement indépendantiste alors affaibli, l'armée française concentre ses efforts contre le Parti communiste algérien (PCA) et sa cellule armée, qu'elle accuse de soutenir le FLN.
Une série d'attentats meurtriers commis au début de juin 1957 dans le centre d'Alger vient conforter la conviction du général Massu. D'autant que la sophistication de ces attaques à la bombe laisse penser qu'elles n'ont pu être menées qu'avec l'aide des "cocos".
"Reste une épine de taille dans le pied de Massu : les Européens engagés dans la lutte armée pour l'indépendance de l'Algérie", rapporte Jean-Charles Deniau. "Il lui faut briser une fois pour toute cette ‘cinquième colonne' qui frappe les militaires français dans le dos depuis trop longtemps."
Tué sous la torture ?
Professeur de mathématiques à la faculté d'Alger et militant communiste, Maurice Audin, soupçonné d'héberger des membres actifs du PCA, est alors arrêté le 11 juin 1957. Le lendemain, Henri Alleg, ancien directeur du journal Alger républicain et futur auteur de La Question, ouvrage dénonçant la torture, rejoint à son tour les geôles du centre d'El-Biar.
Si ce dernier sort vivant des terrifiantes séances d'interrogatoire, le jeune mathématicien, lui, ne donne plus signe de vie. Il faudra toute la persévérance de Josette Audin, l'épouse du disparu, pour obtenir de la "grande muette" une version que les autorités militaires ne démentiront jamais : Maurice Audin s'est évadé lors de son transfèrement vers un autre centre de détention.
Plus jamais il ne réapparaîtra. En métropole, l'affaire fait grand bruit et devient, après la guerre, le symbole de la pratique de la torture en Algérie. Plusieurs journalistes, historiens et proches du disparu soutiennent la thèse selon laquelle Maurice Audin aurait été tué par ses tortionnaires. D'autres affirment que l'ordre avait été donné de supprimer Alleg mais que les sous-officiers chargés de l'exécution l'ont confondu avec Audin. Depuis toutes ces années, l'armée, elle, s'en tient à son récit originel.
Tandis que toutes les actions, notamment judiciaires, entreprises par Josette Audin pour faire éclater la vérité resteront sans effet. Las, les archives de l'armée que le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, fait remettre à la veuve en janvier 2013 n'offrent aucun élément nouveau sur l'affaire. "Mme Audin disait ne pas s'attendre à trouver grand-chose dans ces documents et elle exhortait ‘ceux qui savent, et il y en a encore quelques-uns, à parler'", indique l'enquête de Jean-Charles Deniau.
"Pour l'exemple"
Du fond de sa retraite alsacienne, Paul Aussaresses, qu'une cataracte a fini de rendre aveugle, entend l'appel. Et, sous l'impulsion de son épouse Elvire, visiblement touchée par le combat de Josette Audin, se décide à passer une dernière fois aux aveux.
Après des heures et des heures d'entretiens émaillés de longues digressions sur l'intervention française au Mali ou la mort de Margaret Thatcher ("Quelle salope, celle-là !", lance-t-il à propos de la Dame de fer), le reporter récolte les ultimes confidences dans la demeure du général. "La vérité, c'est qu'on a tué Audin", lâche un jour l'ancien commandant de la 10e division parachutiste. Et d'ajouter, après plusieurs hésitations : "Bien sûr, j'ai obéi à Massu."
Pourquoi exécuter un jeune homme dont l'engagement dans la lutte armée était certes avéré mais somme toute limité ? interroge le journaliste. "Pour l'exemple, tranche Aussaresses. Oui, [Massu] a dit, c'est pour les faire réfléchir. Pour qu'ils s'arrêtent de faire des attentats spectaculaires." Selon les faits rapportés par Aussaresses, Maurice Audin a été tué au couteau par l'un de ses sous-fifres, puis enterré de nuit dans l'une des fosses de la lointaine banlieue algéroise régulièrement utilisée par les hommes du général Massu. Une version que confirme, dans le livre, le sergent Pierre Misiri, un ancien para de la 10e division.
Lequel essaiera même, par téléphone, de guider Jean-Charles Deniau jusqu'à l'endroit où Maurice Audin "repose probablement" avec une partie des 3 000 portés disparus durant la bataille d'Alger". Un récit qui n'a pas convaincu Josette Audin. Interrogée par France Inter, la veuve du militant communiste a mis en doute la validité des confessions d'Aussaresses. "Il a passé sa vie à mentir quand il ne la passait pas à tuer des Algériens. Comment croire, dans ces conditions qu'il a pu dire la vérité ?"
Sous la carcasse du militaire inoxydable
Reste un mystère : qu'est-ce qui a bien pu pousser le général tortionnaire, que les précédentes révélations ont voué à l'opprobre national, à délivrer son dernier secret ? "Je pense que Paul Aussaresses a parlé parce qu'il n'était pas comme les autres et que, sous sa carcasse de militaire inoxydable, il est tourmenté au fond de lui depuis bien longtemps.
Dissiper le mystère qui entoure la mort de Maurice Audin sera peut-être l'ultime révélation dont il voudra se libérer avant de tirer sa révérence", présume le journaliste alors que le militaire hésite encore à se confesser. Loin de vouloir disculper l'ancien exécuteur des basses œuvres du général Massu, l'enquête de Jean-Charles Deniau s'attache à montrer comment des hommes "anesthésiés par une trop longue pratique de la guerre ont fini par se laisser entraîner, avec le consentement de leur hiérarchie et du gouvernement, dans une spirale de violence.
"Nous touchons là le fond du problème, estime Jean-Charles Deniau. Paul Aussaresses a passé sa vie à obéir, pour le meilleur et pour le pire. Le temps passant, il n'a plus fait de différence entre les deux. Sa carrière, qui a souvent été inscrite dans la clandestinité, l'illégalité, parfois même la lutte à mort, a été marquée par la violence". Et l'auteur de La vérité sur la mort de Maurice Audin de citer la philosophe Hannah Arendt : "Il s'est consacré à son devoir sans penser à la fin de son action : il n'aurait eu mauvaise conscience que s'il n'avait pas exécuté les ordres".
Au moment de la disparition à l'âge de 95 ans de Paul Aussaresses, le 3 décembre dernier, journalistes et historiens s'accordaient à dire que le tortionnaire "sans remords, ni regrets" de la guerre d'Algérie n'avait pas révélé tous ses secrets. Il en est un de taille, pourtant, que le général aurait divulgué peu de temps avant sa mort, levant le voile sur l'une des dernières grandes énigmes de cette période trouble de l'Histoire française récente.
Dans La vérité sur la mort de Maurice Audin, le journaliste Jean-Charles Deniau raconte, dans un récit à la première personne, comment Aussaresses, alors au crépuscule de sa vie, consent à lui avouer ce qui constitue un crime d'Etat : non, le militant communiste Maurice Audin ne s'est pas évaporé dans la nature après son évasion en juin 1957, mais a été exécuté avec "la couverture pleine et entière du pouvoir politique". Une retentissante révélation qui fait pièce aux versions officielle et officieuse d'une affaire alimentant la chronique historico-politique depuis plus de 55 ans. Retour sur les faits.
En 1957, la guerre d'Algérie, que les autorités de Paris s'évertuent alors à appeler "les événements", s'est intensifiée. La 10e division parachutiste de l'armée française est engagée dans la terrible bataille d'Alger qui l'oppose aux indépendantistes du Front de libération nationale (FLN). À la tête du bataillon, le général Jacques Massu charge le lieutenant-colonel Roger Trinquier et le commandant Paul Aussaresses de mener "la contre-terreur à Alger". Militaire dévoué, ce dernier est connu de ses supérieurs pour l'application avec laquelle il mène les "interrogatoires renforcés", terme dont on sait aujourd'hui qu'il signifiait "torture".
"Bousculer les gus"
Décharges électriques par la "gégène", administration de penthotal (un puissant barbiturique appelé "sérum de vérité"), exécutions sommaires... Au début des années 2000, Aussaresses avait détaillé les méthodes utilisées par ses troupes pour "éradiquer" les réseaux indépendantistes algériens. Des pratiques dont l'armée, à l'époque, se félicite de l'efficacité.
"Le trio Massu, Trinquier, Aussaresses et leurs paras obtiennent très vite des résultats spectaculaires", rappelle Jean-Charles Deniau."En exploitant à fond les résultats obtenus en ‘bousculant les gus', comme dit Massu, c'est-à-dire sous la torture, ils font tomber une à une les caches d'armes du FLN dans la Casbah". Le mouvement indépendantiste alors affaibli, l'armée française concentre ses efforts contre le Parti communiste algérien (PCA) et sa cellule armée, qu'elle accuse de soutenir le FLN.
Une série d'attentats meurtriers commis au début de juin 1957 dans le centre d'Alger vient conforter la conviction du général Massu. D'autant que la sophistication de ces attaques à la bombe laisse penser qu'elles n'ont pu être menées qu'avec l'aide des "cocos".
"Reste une épine de taille dans le pied de Massu : les Européens engagés dans la lutte armée pour l'indépendance de l'Algérie", rapporte Jean-Charles Deniau. "Il lui faut briser une fois pour toute cette ‘cinquième colonne' qui frappe les militaires français dans le dos depuis trop longtemps."
Tué sous la torture ?
Professeur de mathématiques à la faculté d'Alger et militant communiste, Maurice Audin, soupçonné d'héberger des membres actifs du PCA, est alors arrêté le 11 juin 1957. Le lendemain, Henri Alleg, ancien directeur du journal Alger républicain et futur auteur de La Question, ouvrage dénonçant la torture, rejoint à son tour les geôles du centre d'El-Biar.
Si ce dernier sort vivant des terrifiantes séances d'interrogatoire, le jeune mathématicien, lui, ne donne plus signe de vie. Il faudra toute la persévérance de Josette Audin, l'épouse du disparu, pour obtenir de la "grande muette" une version que les autorités militaires ne démentiront jamais : Maurice Audin s'est évadé lors de son transfèrement vers un autre centre de détention.
Plus jamais il ne réapparaîtra. En métropole, l'affaire fait grand bruit et devient, après la guerre, le symbole de la pratique de la torture en Algérie. Plusieurs journalistes, historiens et proches du disparu soutiennent la thèse selon laquelle Maurice Audin aurait été tué par ses tortionnaires. D'autres affirment que l'ordre avait été donné de supprimer Alleg mais que les sous-officiers chargés de l'exécution l'ont confondu avec Audin. Depuis toutes ces années, l'armée, elle, s'en tient à son récit originel.
Tandis que toutes les actions, notamment judiciaires, entreprises par Josette Audin pour faire éclater la vérité resteront sans effet. Las, les archives de l'armée que le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, fait remettre à la veuve en janvier 2013 n'offrent aucun élément nouveau sur l'affaire. "Mme Audin disait ne pas s'attendre à trouver grand-chose dans ces documents et elle exhortait ‘ceux qui savent, et il y en a encore quelques-uns, à parler'", indique l'enquête de Jean-Charles Deniau.
"Pour l'exemple"
Du fond de sa retraite alsacienne, Paul Aussaresses, qu'une cataracte a fini de rendre aveugle, entend l'appel. Et, sous l'impulsion de son épouse Elvire, visiblement touchée par le combat de Josette Audin, se décide à passer une dernière fois aux aveux.
Après des heures et des heures d'entretiens émaillés de longues digressions sur l'intervention française au Mali ou la mort de Margaret Thatcher ("Quelle salope, celle-là !", lance-t-il à propos de la Dame de fer), le reporter récolte les ultimes confidences dans la demeure du général. "La vérité, c'est qu'on a tué Audin", lâche un jour l'ancien commandant de la 10e division parachutiste. Et d'ajouter, après plusieurs hésitations : "Bien sûr, j'ai obéi à Massu."
Pourquoi exécuter un jeune homme dont l'engagement dans la lutte armée était certes avéré mais somme toute limité ? interroge le journaliste. "Pour l'exemple, tranche Aussaresses. Oui, [Massu] a dit, c'est pour les faire réfléchir. Pour qu'ils s'arrêtent de faire des attentats spectaculaires." Selon les faits rapportés par Aussaresses, Maurice Audin a été tué au couteau par l'un de ses sous-fifres, puis enterré de nuit dans l'une des fosses de la lointaine banlieue algéroise régulièrement utilisée par les hommes du général Massu. Une version que confirme, dans le livre, le sergent Pierre Misiri, un ancien para de la 10e division.
Lequel essaiera même, par téléphone, de guider Jean-Charles Deniau jusqu'à l'endroit où Maurice Audin "repose probablement" avec une partie des 3 000 portés disparus durant la bataille d'Alger". Un récit qui n'a pas convaincu Josette Audin. Interrogée par France Inter, la veuve du militant communiste a mis en doute la validité des confessions d'Aussaresses. "Il a passé sa vie à mentir quand il ne la passait pas à tuer des Algériens. Comment croire, dans ces conditions qu'il a pu dire la vérité ?"
Sous la carcasse du militaire inoxydable
Reste un mystère : qu'est-ce qui a bien pu pousser le général tortionnaire, que les précédentes révélations ont voué à l'opprobre national, à délivrer son dernier secret ? "Je pense que Paul Aussaresses a parlé parce qu'il n'était pas comme les autres et que, sous sa carcasse de militaire inoxydable, il est tourmenté au fond de lui depuis bien longtemps.
Dissiper le mystère qui entoure la mort de Maurice Audin sera peut-être l'ultime révélation dont il voudra se libérer avant de tirer sa révérence", présume le journaliste alors que le militaire hésite encore à se confesser. Loin de vouloir disculper l'ancien exécuteur des basses œuvres du général Massu, l'enquête de Jean-Charles Deniau s'attache à montrer comment des hommes "anesthésiés par une trop longue pratique de la guerre ont fini par se laisser entraîner, avec le consentement de leur hiérarchie et du gouvernement, dans une spirale de violence.
"Nous touchons là le fond du problème, estime Jean-Charles Deniau. Paul Aussaresses a passé sa vie à obéir, pour le meilleur et pour le pire. Le temps passant, il n'a plus fait de différence entre les deux. Sa carrière, qui a souvent été inscrite dans la clandestinité, l'illégalité, parfois même la lutte à mort, a été marquée par la violence". Et l'auteur de La vérité sur la mort de Maurice Audin de citer la philosophe Hannah Arendt : "Il s'est consacré à son devoir sans penser à la fin de son action : il n'aurait eu mauvaise conscience que s'il n'avait pas exécuté les ordres".


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