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Parcelles de vérité
«Minuit passé de douze heures, écrits journalistique 1947/1989» de Kateb Yacine
Publié dans Le Midi Libre le 17 - 04 - 2008

Kateb, on en redemande. Sous toutes les formes que son génie emprunte. Cette publication récente des éditions Chihab a quelque chance de répondre à la soif qui se saisit du lecteur, une fois qu'il a goûté aux écrits de cette plume fondatrice.
Kateb, on en redemande. Sous toutes les formes que son génie emprunte. Cette publication récente des éditions Chihab a quelque chance de répondre à la soif qui se saisit du lecteur, une fois qu'il a goûté aux écrits de cette plume fondatrice.
«Minuit passé de douze heures» a été édité une première fois aux éditions du Seuil à l'occasion du dixième anniversaire du décès de Kateb Yacine en 1989, à l'âge de 70 ans.
Poète, romancier, dramaturge et véritable icône de l'expression artistique algérienne, Kateb Yacine a également marqué ses compatriotes par ses chroniques, articles et commentaires journalistiques, généreusement égrenés tout au long d'une vie à l'art consacrée. Rassemblés par son fils Amazigh, l'ouvrage met à la disposition du lecteur 42 ans de cette écriture qui sont autant d'expressions différentes de la sensibilité de l'auteur tant aimé.
«La valeur n'attend pas le nombre des années» dit l'adage doublement vérifié et par le parcours de l'émir Abd-el-Kader et par celui qui en fait le sujet de sa conférence à l'âge de 17 ans. Paru pour la première fois en 1948, aux éditions En-Nahda d'Alger, ce texte sur lequel s'ouvre l'ouvrage, est celui de la conférence que l'adolescent a prononcé le 24 mai 1947 à la salle des Sociétés savantes à Paris.
Mais encore interne au lycée de Sétif, ayant assisté aux massacres du 8-Mai 1945, goûté aux tortures et à la prison et vu sa mère perdre la raison à l'annonce de sa mort, Kateb était-il encore adolescent ? Précocement mûri par le malheur extrême qui touche des milliers de ses contemporains et lui-même, le jeune homme est déjà de plain pied dans le monde de l'écriture. «C'est par la vérité qu'on apprend à connaître les hommes, et non par les hommes qu'on connaît la vérité…» C'est par cette citation de l'émir Abd-el-Kader, tirée de son «Rappel à l'intelligent», que le lycéen choisit de commencer sa conférence. «Cette parole suffit à éclairer le fond même de la vie et de l'action d'Abdelkader», souligne l'intervenant. Ne suffit-elle pas pareillement à éclairer son propre itinéraire ? La passion identitaire de Kateb à travers sa quête des ancêtres et celle de la justice et de la vérité ne sont-elles pas les éléments fondateurs de son œuvre, tout entière dictée par le souci de désaliénation ? «Aucune langue n'est étrangère, à condition de pratiquer d'abord, sa propre langue» écrivait-il en 1975. «Je m'exprime aujourd'hui en arabe dialectal, dans la langue du peuple algérien. J'apprends aussi à balbutier en langue dite berbère, la langue des ancêtres. C'est un double saut périlleux. Il faut le faire ou se résigner à l'aliénation.»
L'indépendance d'esprit la plus totale est le point commun de toutes ces parcelles d'écriture que «Minuit passées de douze heures» nous offre de parcourir.
De la virée qu'il fait à l'âge de 20 ans en Arabie Saoudite, où il se rend en bateau, Kateb Yacine livre à Alger républicain une série d'articles qui décrivent les conditions du pèlerinage dans les années 1940/1950. Escales à Port-Saïd, au lac Ismaïlia et enfin, à Djedda sont prétexte à des récits colorés et attentifs au moindre détail. Le «diagnostic» que le reporter fait de cet élan qui pousse des musulmans du monde entier vers les lieux de pèlerinage sonne comme la prémonition de combats à venir. «Le hadj n'est pas seulement l'homme pieux irrésistiblement attiré par la terre sainte, c'est aussi l'homme qui s'en va à la recherche de son passé, de son histoire. Il sait qu'il retrouvera là-bas des frères inconnus, venus de contrées lointaines auxquelles il n'a cessé de rêver, mais qu'il sait proches de lui pour avoir endurer les mêmes peines, nourri le même espoir. Pour lui, ce départ est le moyen de laisser en arrière pour quelques jours, le cauchemar de la servitude. Ce qu'il cherche sur les traces du Prophète, à la source de l'épopée qui reste sa fierté, c'est la fraternité des peuples nés au même berceau, opprimés par les mêmes régimes.» L'accueil brutal des policiers saoudiens
surprend le journaliste qui n'en perd pas une miette. La détresse des enfants qui fouillent dans les poubelles pour pouvoir manger ne lui échappe pas. Kateb dénonce également les pratiques de l'esclavage et de l'exploitation qui sont monnaie courante au Hadramaout. Dans ces chroniques mecquoises, le reporter ne craint pas de faire des retours au passé et de narrer la vie du Prophète, (Qsssl) et de ses compagnons, révélant la fibre romanesque de son écriture.
Plus loin, revenu en Algérie, Kateb croque le portrait de Mechouar, vieux cordonnier analphabète qui attend tous les matins avec impatience qu'on lui lise son journal. «Un fantôme andalou sur les murs de Madrid» est un article où l'auteur se félicite du fait que Yerma, l'une des plus belles tragédies de Federico Garcia Lorca, poète fusillé par Franco, soit à l'affiche à Madrid. Dans «Nos frères les Indiens», Kateb Yacine donne libre cours à son imagination tout en reprenant scrupuleusement des faits historiques qui ont eu lieu lors de l'atroce conquête de l'Amérique par les visages pâles. Ses récits tragiques le lient à tous ceux qui se sont tant identifiés aux Indiens à travers les bandes dessinées de leur enfance.
Des reportages croustillants de séjours en URSS et dans d'autres pays, des poèmes, des textes variés épousant toutes les causes de la justice et de la révolution dans le monde, telle est la féconde moisson réunie par Amazigh Kateb et proposée au lecteur. Ainsi, de la biographie de l'émir Abd-el-Kader à l'affaire Rushdie, le lecteur pourra suivre, pas à pas, une vie mouvementée, riche et féconde qui a comme fil conducteur le goût de la justice et de la liberté.
Il faut pourtant regretter qu'un pareil ouvrage soit publié sans préface et sans table des matières. Le lecteur aurait été bien aise d'avoir à sa disposition ces deux outils nécessaires à l'approche d'une compilation de cette qualité.
«Minuit passé de douze heures, écrits journalistiques 1947/1989», Editions Chihab, 2007, 360 pages, prix public : 650 dinars.
«Minuit passé de douze heures» a été édité une première fois aux éditions du Seuil à l'occasion du dixième anniversaire du décès de Kateb Yacine en 1989, à l'âge de 70 ans.
Poète, romancier, dramaturge et véritable icône de l'expression artistique algérienne, Kateb Yacine a également marqué ses compatriotes par ses chroniques, articles et commentaires journalistiques, généreusement égrenés tout au long d'une vie à l'art consacrée. Rassemblés par son fils Amazigh, l'ouvrage met à la disposition du lecteur 42 ans de cette écriture qui sont autant d'expressions différentes de la sensibilité de l'auteur tant aimé.
«La valeur n'attend pas le nombre des années» dit l'adage doublement vérifié et par le parcours de l'émir Abd-el-Kader et par celui qui en fait le sujet de sa conférence à l'âge de 17 ans. Paru pour la première fois en 1948, aux éditions En-Nahda d'Alger, ce texte sur lequel s'ouvre l'ouvrage, est celui de la conférence que l'adolescent a prononcé le 24 mai 1947 à la salle des Sociétés savantes à Paris.
Mais encore interne au lycée de Sétif, ayant assisté aux massacres du 8-Mai 1945, goûté aux tortures et à la prison et vu sa mère perdre la raison à l'annonce de sa mort, Kateb était-il encore adolescent ? Précocement mûri par le malheur extrême qui touche des milliers de ses contemporains et lui-même, le jeune homme est déjà de plain pied dans le monde de l'écriture. «C'est par la vérité qu'on apprend à connaître les hommes, et non par les hommes qu'on connaît la vérité…» C'est par cette citation de l'émir Abd-el-Kader, tirée de son «Rappel à l'intelligent», que le lycéen choisit de commencer sa conférence. «Cette parole suffit à éclairer le fond même de la vie et de l'action d'Abdelkader», souligne l'intervenant. Ne suffit-elle pas pareillement à éclairer son propre itinéraire ? La passion identitaire de Kateb à travers sa quête des ancêtres et celle de la justice et de la vérité ne sont-elles pas les éléments fondateurs de son œuvre, tout entière dictée par le souci de désaliénation ? «Aucune langue n'est étrangère, à condition de pratiquer d'abord, sa propre langue» écrivait-il en 1975. «Je m'exprime aujourd'hui en arabe dialectal, dans la langue du peuple algérien. J'apprends aussi à balbutier en langue dite berbère, la langue des ancêtres. C'est un double saut périlleux. Il faut le faire ou se résigner à l'aliénation.»
L'indépendance d'esprit la plus totale est le point commun de toutes ces parcelles d'écriture que «Minuit passées de douze heures» nous offre de parcourir.
De la virée qu'il fait à l'âge de 20 ans en Arabie Saoudite, où il se rend en bateau, Kateb Yacine livre à Alger républicain une série d'articles qui décrivent les conditions du pèlerinage dans les années 1940/1950. Escales à Port-Saïd, au lac Ismaïlia et enfin, à Djedda sont prétexte à des récits colorés et attentifs au moindre détail. Le «diagnostic» que le reporter fait de cet élan qui pousse des musulmans du monde entier vers les lieux de pèlerinage sonne comme la prémonition de combats à venir. «Le hadj n'est pas seulement l'homme pieux irrésistiblement attiré par la terre sainte, c'est aussi l'homme qui s'en va à la recherche de son passé, de son histoire. Il sait qu'il retrouvera là-bas des frères inconnus, venus de contrées lointaines auxquelles il n'a cessé de rêver, mais qu'il sait proches de lui pour avoir endurer les mêmes peines, nourri le même espoir. Pour lui, ce départ est le moyen de laisser en arrière pour quelques jours, le cauchemar de la servitude. Ce qu'il cherche sur les traces du Prophète, à la source de l'épopée qui reste sa fierté, c'est la fraternité des peuples nés au même berceau, opprimés par les mêmes régimes.» L'accueil brutal des policiers saoudiens
surprend le journaliste qui n'en perd pas une miette. La détresse des enfants qui fouillent dans les poubelles pour pouvoir manger ne lui échappe pas. Kateb dénonce également les pratiques de l'esclavage et de l'exploitation qui sont monnaie courante au Hadramaout. Dans ces chroniques mecquoises, le reporter ne craint pas de faire des retours au passé et de narrer la vie du Prophète, (Qsssl) et de ses compagnons, révélant la fibre romanesque de son écriture.
Plus loin, revenu en Algérie, Kateb croque le portrait de Mechouar, vieux cordonnier analphabète qui attend tous les matins avec impatience qu'on lui lise son journal. «Un fantôme andalou sur les murs de Madrid» est un article où l'auteur se félicite du fait que Yerma, l'une des plus belles tragédies de Federico Garcia Lorca, poète fusillé par Franco, soit à l'affiche à Madrid. Dans «Nos frères les Indiens», Kateb Yacine donne libre cours à son imagination tout en reprenant scrupuleusement des faits historiques qui ont eu lieu lors de l'atroce conquête de l'Amérique par les visages pâles. Ses récits tragiques le lient à tous ceux qui se sont tant identifiés aux Indiens à travers les bandes dessinées de leur enfance.
Des reportages croustillants de séjours en URSS et dans d'autres pays, des poèmes, des textes variés épousant toutes les causes de la justice et de la révolution dans le monde, telle est la féconde moisson réunie par Amazigh Kateb et proposée au lecteur. Ainsi, de la biographie de l'émir Abd-el-Kader à l'affaire Rushdie, le lecteur pourra suivre, pas à pas, une vie mouvementée, riche et féconde qui a comme fil conducteur le goût de la justice et de la liberté.
Il faut pourtant regretter qu'un pareil ouvrage soit publié sans préface et sans table des matières. Le lecteur aurait été bien aise d'avoir à sa disposition ces deux outils nécessaires à l'approche d'une compilation de cette qualité.
«Minuit passé de douze heures, écrits journalistiques 1947/1989», Editions Chihab, 2007, 360 pages, prix public : 650 dinars.


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