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Briser la loi de l'omerta
Harcèlement sexuel en milieu professionnel
Publié dans Le Midi Libre le 29 - 07 - 2008

Moralement réprouvé, légalement réprimé, socialement incriminé, le harcèlement sexuel s'étend en toute impunité dans les entreprises privées et les administrations publiques en Algérie. Il y a de quoi dresser un tableau noir de la situation. Les victimes en parlent peu, pour ne pas dire pas du tout. Et pourtant, des textes réprimant la pratique existent. Ignorance juridique ou culture du silence ?
Moralement réprouvé, légalement réprimé, socialement incriminé, le harcèlement sexuel s'étend en toute impunité dans les entreprises privées et les administrations publiques en Algérie. Il y a de quoi dresser un tableau noir de la situation. Les victimes en parlent peu, pour ne pas dire pas du tout. Et pourtant, des textes réprimant la pratique existent. Ignorance juridique ou culture du silence ?
Les causes sont nombreuses, mais le résultat est toujours le même : la fréquence de ces crimes impunis rend la vie infernale à de nombreuses femmes. Le harcèlement est légalement puni. Une réalité qu'ignorent beaucoup de victimes. Une ignorance qui leur coûte souvent cher, risquant de mettre en péril leur équilibre psychique et social.
Combien sont-elles à subir le harcèlement sexuel ? Nous ne détenons pas de chiffres précis sur cet état de fait. Mais, ce qui est certain est que les propensions que prend ce fléau sont aujourd'hui inquiétantes. Favorisé par le silence complice, la peur de la stigmatisation, la hantise de perdre son gagne-pain, ce mal est en train de gangrener l'entreprise algérienne. Qu'est ce qui sous-tend actuellement ce phénomène ? Quelle lecture donnent les hommes de loi sur la question ? Quel regard portent les femmes victimes sur leur vécu ? Comment contrecarrer ce fléau dévastateur ?
Mme Ibouchoukane, avocate près la Cour d'Alger, attribue, en premier lieu la fréquence des cas de harcèlement sexuel en milieu de travail au manque de culture juridique de la société civile, soulignant que «nombreuses sont les victimes qui ne savent pas que ce comportement est classé par le législateur algérien, sous le volet délit et est, par conséquent, pénalisé».
S'exprimant sur la pénalisation du harcèlement, Mme Ibouchoukane affirme que ce comportement est considéré par le code pénal algérien comme un délit lourdement sanctionné. Aussi, continue-t-elle, «la législation algérienne vient récemment de s'enrichir de dispositions pénales réprimant le harcèlement sexuel en milieu de travail, (article 341 bis du code pénal, loi n° 04-15 du 10 novembre 2004 complétant le code pénal). L'avocate atteste également qu'en vertu de ce nouvel amendement, toute personne qui est convaincue de harcèlement sexuel, risque une peine allant de 2 mois à 1 an de prison ferme assortie d'une amende de 50.000 à 100.000 DA.
Pallier le manque de culture juridique
Sur les raisons de la fréquence des cas de harcèlement sexuel en milieu professionnel malgré la pénalisation de ce comportement par des textes de loi rigoureux, notre interlocutrice attribue cela à l'ignorance de la société civile de ses droits. «Ce qui est désolant dans notre société, est que la femme algérienne n'est pas au fait de ses droits. Bien que la loi soit foncièrement intransigeante, nombreuses sont celles qui continuent à subir en silence les suites du harcèlement sexuel», appuie-t-elle.
Elle ajoute, sur un autre chapitre, que « le citoyen algérien ignore jusqu'à la présence de textes de loi qui sanctionnent même les embêtements qui ne s'accompagnent pas de propos déplacés sous le volet ‘'délit de séduction'' par le texte 347 du code pénal, ainsi que la violation de la décence publique dans l'article 333 du code pénal». Elle tient à souligner que les deux articles de loi figurant dans la section VI du Code pénal algérien portant sur la violation de la décence publique, notamment le premier article, pénalisent d'un emprisonnement allant de 6 mois à deux ans assorti d'une amende de 1000 à 20.000 DA toute personne reconnue coupable pour avoir incité à la débauche une autre verbalement, ou par écrit. «L'article, poursuit-t-elle, se conforme au cas de conduite de drague qu'adoptent certains jeunes aujourd'hui».
En vue de mettre un terme à la propagation de ce fléau, Mme Ibouchoukane préconise de mener de larges campagnes de sensibilisation à l'attention des femmes dans le but de les informer sur leurs droits. Par ailleurs, ces campagnes viseront, souligne-t-elle, à «prévenir le harcèlement qui implique l'interdiction des comportements et les commentaires insultants, blessants ou humiliants, pas les simples blagues, les flirts entre adultes consentants et les réprimandes légitimes».
«Le silence de la femme, implique son consentement», selon Leila, une jeune femme âgée de 30 ans. Secrétaire depuis 5 ans dans une boîte pharmaceutique, cette belle brune, élégante s'est attiré des ennuis monstres au boulot. Pour cause, son silence légendaire quant aux avances émanant de son directeur. «Au départ, j'ai mis ses remarques sur le compte de l'admiration. Après, son comportement avait pris une autre tournure. Il ne ratait aucune occasion pour se rapprocher de moi. Au bureau, il se mettait à mes côtés, plaçait ses mains sur mon épaule, me chuchotait des mots à l'oreille. J'avais tellement honte de moi. Je ne savais pas quoi faire pour le remettre à sa place. Un jour, il est alleé bien loin en essayant de me violer. Je me suis mise à crier et c'était tous les collègues qui sont arrivés sur les lieux. Rouge de honte et confuse, j'essayais d'expliquer ce qui s'était déroulé. Mon patron a clairement signifié à tous que j'étais consentante. Il a même dit que je le provoquais par mes tenues sexy. J'ai perdu mon boulot et j'ai failli détruire mon mariage parce que je n'ai pas su dire non quand il le fallait.»
Dire basta au harcèlement sexuel
Leila n'est certainement pas la seule femme victime de harcèlement sexuel et qui n'arrive pas à le dénoncer. Elles sont nombreuses à subir, en silence, cette situation. Pour Mme Ibouchoukane, le silence ne sert absolument à rien. Au contraire, certains hommes croient que la femme, par son silence, est consentante. Chose qui aggrave la situation. Sur un autre chapitre, l'avocate met l'accent sur les conduites inconvenantes à l'égard des femmes qui vont des actes obscènes qui sont perpétrés dans les rues, les transports en commun et même sur les lieux de travail, empêchant ainsi les femmes de mener une vie active normale. Appelant, en outre, les femmes algériennes à dénoncer le harcèlement sexuel et l'abus de pouvoir en milieu professionnel, l'avocate souligne que «le silence des femmes, quel qu'en soient ses raisons, encourage ce fléau et le sous-tend». Ainsi, ajoute-t-elle, pour contrecarrer ce fléau, il est extrêmement urgent de dénoncer ces agissements haut et fort. Mine défaite, voix enrouée par la douleur au souvenir de sa mésaventure avec le chef du département qui a récemment pris ses fonctions dans l'entreprise où elle est salariée depuis cinq ans, Amel, une jeune femme la trentaine, mariée, mère d'un enfant de trois ans, raconte son douloureux vécu. «Pendant quatre ans, je remplissais convenablement ma tâche de secrétaire de direction. Tout a basculé le jour où mon supérieur a démissionné et qu'un autre homme est venu occuper son poste. Ma vie a versé dans le cauchemar. J'étais journellement exposée à des pressions insupportables. Mon chef me faisait comprendre qu'il me voulait et que si je me soumettais à ses caprices, je serais généreusement payée. J'étais écœurée par son attitude, mais que faire ? J'avais peur d'être mal vue par mon entourage, par mes collègues si je le dénonçais. J'ai demandé ma mutation, il a refusé. J'ai alors choisi de prendre un congé de maladie, le temps de pouvoir trouver une solution», confie Amel. Le harcèlement sexuel est tabou dans notre société. «La femme est souvent condamnée et placée au ban des accusés, c'est ce qui motive son silence. Ainsi, bien que la législation algérienne prononce de sévères peines à l'égard de l'auteur du harcèlement, la loi du silence persiste et joue en faveur de ces hommes indignes», souligne Mme Ibouchoukane, avocate près de la Cour d'Alger.
A ce propos, Mme Ibouchoukane affirme que «près de 90 % des femmes victimes de harcèlement sexuel taisent leur vécu pour différents motifs». Elle souligne, par ailleurs, qu'outre le nombre restreint de personnes qui témoignent, il y en a très peu qui dénoncent leurs assaillants en justice. L'avocate explique que lorsque certaines viennent la consulter pour lui demander de l'aide, et que la machine est enclenchée, ce sont les mêmes victimes qui demandent à abandonner. Motifs ? Procédures jugées trop longues. Peur de voir étalée au grand jour sa vie privée. Le regard de la société peut freiner l'élan d'autres. «La société a toujours des réflexions rétrogrades malgré le fait qu'elle se réclame moderne. Il faut que les femmes sachent que le silence n'est pas une solution. Elles doivent commencer par avoir confiance en elles, se défendre et dénoncer», conseille-t-elle.
Centre d'écoute pour femmes victimes de harcèlement sexuel
En Décembre 2003, un centre d'écoute et d'assistance aux femmes victimes de harcèlement sexuel a vu le jour, à l'initiative de la Commission nationale des femmes travailleuses (CNFT) de l'UGTA. L'ouverture de ce centre d'écoute et d'aide (CEA) aux victimes du harcèlement sexuel a porté secours à de nombreuses femmes qui ont enfin pu rompre le silence sur un vécu pénible. Ce centre, qui a activé pendant près de cinq ans, a permis de mesurer, un tant soit peu, l'ampleur de ce phénomène dans notre pays. Sur les 942 appels de femmes recensés durant la période d'une année (de janvier à décembre 2004) au centre d'écoute animé par les deux psychologues consultantes, Hassani Wahiba et Achouri Wahiba, travaillant sous la houlette de Soumia Salhi, 388 sont des appels liés au motif de harcèlement avec témoignages directs émis par les victimes elles-mêmes. Ce nombre vient s'ajouter aux témoignages indirects de femmes qui préfèrent faire allusion à leur vécu que de le dévoiler.
Aujourd'hui, il est à signaler que ce centre d'écoute, ô combien salvateur pour les femmes victimes, est gelé. Un état qui ne fait que durer depuis près d'une année, pour des raisons, financières, nous signale-t-on de source fiable. Les femmes victimes de harcèlement se voient donc tournées vers les centres d'écoute qui existent dont le réseau Wassila d'aide aux femmes victimes de violence, le centre de SOS femmes en détresse ainsi que celui du centre Darna «Kahina» chapoté par l'association Rachda. Il mérite de conclure, à la fin, que tant que les victimes du harcèlement sexuel continuent à garder le silence pour une quelconque raison, ce fléau ne fera qu'amplifié rendant la vie toxique à plusieurs.
Les causes sont nombreuses, mais le résultat est toujours le même : la fréquence de ces crimes impunis rend la vie infernale à de nombreuses femmes. Le harcèlement est légalement puni. Une réalité qu'ignorent beaucoup de victimes. Une ignorance qui leur coûte souvent cher, risquant de mettre en péril leur équilibre psychique et social.
Combien sont-elles à subir le harcèlement sexuel ? Nous ne détenons pas de chiffres précis sur cet état de fait. Mais, ce qui est certain est que les propensions que prend ce fléau sont aujourd'hui inquiétantes. Favorisé par le silence complice, la peur de la stigmatisation, la hantise de perdre son gagne-pain, ce mal est en train de gangrener l'entreprise algérienne. Qu'est ce qui sous-tend actuellement ce phénomène ? Quelle lecture donnent les hommes de loi sur la question ? Quel regard portent les femmes victimes sur leur vécu ? Comment contrecarrer ce fléau dévastateur ?
Mme Ibouchoukane, avocate près la Cour d'Alger, attribue, en premier lieu la fréquence des cas de harcèlement sexuel en milieu de travail au manque de culture juridique de la société civile, soulignant que «nombreuses sont les victimes qui ne savent pas que ce comportement est classé par le législateur algérien, sous le volet délit et est, par conséquent, pénalisé».
S'exprimant sur la pénalisation du harcèlement, Mme Ibouchoukane affirme que ce comportement est considéré par le code pénal algérien comme un délit lourdement sanctionné. Aussi, continue-t-elle, «la législation algérienne vient récemment de s'enrichir de dispositions pénales réprimant le harcèlement sexuel en milieu de travail, (article 341 bis du code pénal, loi n° 04-15 du 10 novembre 2004 complétant le code pénal). L'avocate atteste également qu'en vertu de ce nouvel amendement, toute personne qui est convaincue de harcèlement sexuel, risque une peine allant de 2 mois à 1 an de prison ferme assortie d'une amende de 50.000 à 100.000 DA.
Pallier le manque de culture juridique
Sur les raisons de la fréquence des cas de harcèlement sexuel en milieu professionnel malgré la pénalisation de ce comportement par des textes de loi rigoureux, notre interlocutrice attribue cela à l'ignorance de la société civile de ses droits. «Ce qui est désolant dans notre société, est que la femme algérienne n'est pas au fait de ses droits. Bien que la loi soit foncièrement intransigeante, nombreuses sont celles qui continuent à subir en silence les suites du harcèlement sexuel», appuie-t-elle.
Elle ajoute, sur un autre chapitre, que « le citoyen algérien ignore jusqu'à la présence de textes de loi qui sanctionnent même les embêtements qui ne s'accompagnent pas de propos déplacés sous le volet ‘'délit de séduction'' par le texte 347 du code pénal, ainsi que la violation de la décence publique dans l'article 333 du code pénal». Elle tient à souligner que les deux articles de loi figurant dans la section VI du Code pénal algérien portant sur la violation de la décence publique, notamment le premier article, pénalisent d'un emprisonnement allant de 6 mois à deux ans assorti d'une amende de 1000 à 20.000 DA toute personne reconnue coupable pour avoir incité à la débauche une autre verbalement, ou par écrit. «L'article, poursuit-t-elle, se conforme au cas de conduite de drague qu'adoptent certains jeunes aujourd'hui».
En vue de mettre un terme à la propagation de ce fléau, Mme Ibouchoukane préconise de mener de larges campagnes de sensibilisation à l'attention des femmes dans le but de les informer sur leurs droits. Par ailleurs, ces campagnes viseront, souligne-t-elle, à «prévenir le harcèlement qui implique l'interdiction des comportements et les commentaires insultants, blessants ou humiliants, pas les simples blagues, les flirts entre adultes consentants et les réprimandes légitimes».
«Le silence de la femme, implique son consentement», selon Leila, une jeune femme âgée de 30 ans. Secrétaire depuis 5 ans dans une boîte pharmaceutique, cette belle brune, élégante s'est attiré des ennuis monstres au boulot. Pour cause, son silence légendaire quant aux avances émanant de son directeur. «Au départ, j'ai mis ses remarques sur le compte de l'admiration. Après, son comportement avait pris une autre tournure. Il ne ratait aucune occasion pour se rapprocher de moi. Au bureau, il se mettait à mes côtés, plaçait ses mains sur mon épaule, me chuchotait des mots à l'oreille. J'avais tellement honte de moi. Je ne savais pas quoi faire pour le remettre à sa place. Un jour, il est alleé bien loin en essayant de me violer. Je me suis mise à crier et c'était tous les collègues qui sont arrivés sur les lieux. Rouge de honte et confuse, j'essayais d'expliquer ce qui s'était déroulé. Mon patron a clairement signifié à tous que j'étais consentante. Il a même dit que je le provoquais par mes tenues sexy. J'ai perdu mon boulot et j'ai failli détruire mon mariage parce que je n'ai pas su dire non quand il le fallait.»
Dire basta au harcèlement sexuel
Leila n'est certainement pas la seule femme victime de harcèlement sexuel et qui n'arrive pas à le dénoncer. Elles sont nombreuses à subir, en silence, cette situation. Pour Mme Ibouchoukane, le silence ne sert absolument à rien. Au contraire, certains hommes croient que la femme, par son silence, est consentante. Chose qui aggrave la situation. Sur un autre chapitre, l'avocate met l'accent sur les conduites inconvenantes à l'égard des femmes qui vont des actes obscènes qui sont perpétrés dans les rues, les transports en commun et même sur les lieux de travail, empêchant ainsi les femmes de mener une vie active normale. Appelant, en outre, les femmes algériennes à dénoncer le harcèlement sexuel et l'abus de pouvoir en milieu professionnel, l'avocate souligne que «le silence des femmes, quel qu'en soient ses raisons, encourage ce fléau et le sous-tend». Ainsi, ajoute-t-elle, pour contrecarrer ce fléau, il est extrêmement urgent de dénoncer ces agissements haut et fort. Mine défaite, voix enrouée par la douleur au souvenir de sa mésaventure avec le chef du département qui a récemment pris ses fonctions dans l'entreprise où elle est salariée depuis cinq ans, Amel, une jeune femme la trentaine, mariée, mère d'un enfant de trois ans, raconte son douloureux vécu. «Pendant quatre ans, je remplissais convenablement ma tâche de secrétaire de direction. Tout a basculé le jour où mon supérieur a démissionné et qu'un autre homme est venu occuper son poste. Ma vie a versé dans le cauchemar. J'étais journellement exposée à des pressions insupportables. Mon chef me faisait comprendre qu'il me voulait et que si je me soumettais à ses caprices, je serais généreusement payée. J'étais écœurée par son attitude, mais que faire ? J'avais peur d'être mal vue par mon entourage, par mes collègues si je le dénonçais. J'ai demandé ma mutation, il a refusé. J'ai alors choisi de prendre un congé de maladie, le temps de pouvoir trouver une solution», confie Amel. Le harcèlement sexuel est tabou dans notre société. «La femme est souvent condamnée et placée au ban des accusés, c'est ce qui motive son silence. Ainsi, bien que la législation algérienne prononce de sévères peines à l'égard de l'auteur du harcèlement, la loi du silence persiste et joue en faveur de ces hommes indignes», souligne Mme Ibouchoukane, avocate près de la Cour d'Alger.
A ce propos, Mme Ibouchoukane affirme que «près de 90 % des femmes victimes de harcèlement sexuel taisent leur vécu pour différents motifs». Elle souligne, par ailleurs, qu'outre le nombre restreint de personnes qui témoignent, il y en a très peu qui dénoncent leurs assaillants en justice. L'avocate explique que lorsque certaines viennent la consulter pour lui demander de l'aide, et que la machine est enclenchée, ce sont les mêmes victimes qui demandent à abandonner. Motifs ? Procédures jugées trop longues. Peur de voir étalée au grand jour sa vie privée. Le regard de la société peut freiner l'élan d'autres. «La société a toujours des réflexions rétrogrades malgré le fait qu'elle se réclame moderne. Il faut que les femmes sachent que le silence n'est pas une solution. Elles doivent commencer par avoir confiance en elles, se défendre et dénoncer», conseille-t-elle.
Centre d'écoute pour femmes victimes de harcèlement sexuel
En Décembre 2003, un centre d'écoute et d'assistance aux femmes victimes de harcèlement sexuel a vu le jour, à l'initiative de la Commission nationale des femmes travailleuses (CNFT) de l'UGTA. L'ouverture de ce centre d'écoute et d'aide (CEA) aux victimes du harcèlement sexuel a porté secours à de nombreuses femmes qui ont enfin pu rompre le silence sur un vécu pénible. Ce centre, qui a activé pendant près de cinq ans, a permis de mesurer, un tant soit peu, l'ampleur de ce phénomène dans notre pays. Sur les 942 appels de femmes recensés durant la période d'une année (de janvier à décembre 2004) au centre d'écoute animé par les deux psychologues consultantes, Hassani Wahiba et Achouri Wahiba, travaillant sous la houlette de Soumia Salhi, 388 sont des appels liés au motif de harcèlement avec témoignages directs émis par les victimes elles-mêmes. Ce nombre vient s'ajouter aux témoignages indirects de femmes qui préfèrent faire allusion à leur vécu que de le dévoiler.
Aujourd'hui, il est à signaler que ce centre d'écoute, ô combien salvateur pour les femmes victimes, est gelé. Un état qui ne fait que durer depuis près d'une année, pour des raisons, financières, nous signale-t-on de source fiable. Les femmes victimes de harcèlement se voient donc tournées vers les centres d'écoute qui existent dont le réseau Wassila d'aide aux femmes victimes de violence, le centre de SOS femmes en détresse ainsi que celui du centre Darna «Kahina» chapoté par l'association Rachda. Il mérite de conclure, à la fin, que tant que les victimes du harcèlement sexuel continuent à garder le silence pour une quelconque raison, ce fléau ne fera qu'amplifié rendant la vie toxique à plusieurs.


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