On a raison de critiquer et à juste titre notre système de santé public, mais le privé (même doté de ses cliniques ultra modernes) reste très en deçà, lui aussi, des exigences les plus minimalistes de patients ballottés de tous côtés. En allant consulter un ophtalmologue très reconnu sur la place d'Alger, je ne m'attendais pas à me retrouver encadré de deux flics de la circulation et obligé de leur faire un laïus sur la déontologie médicale. Après avoir poiroté plus de deux heures dans une salle d'attente, archi comble, d'une clinique transformée en bunker et sous haute surveillance vidéo, j'ai pu enfin être intronisé dans le cabinet du maître en ophtalmologie en personne. Ce dernier l'air agacé par cet afflux massif de malades, sirotait doucement un café en faisant un bruit d'enfer. Rien d'anormal, ou presque jusqu'à présent. Mais grande fût ma surprise lorsque le professeur demanda à quatre malades (j'étais le deuxième) à s'asseoir côte à côte, sur des chaises en plastique, pour leur intimer l'ordre de raconter leurs « histoires ». Sans faire d'esclandres, je fis remarquer au toubib qu'il était en train de violer de façon flagrante le secret médical et ainsi j'ai refusé de participer à une telle mascarade. Surpris, il commença à vociférer des menaces et autres argumentaires qui ne tenaient pas la route. J'ai du donc élever la voix et le débat s'anima lourdement à tel point que l'assistante du boss croyant à faire à un » terroriste djihadiste », fit déclencher les alarmes et demanda à un patient d'aller chercher les agents de police qui stationnaient au coin de la rue. Je vous fais grâce de toutes les palabres et autres explications que j'ai dû fournir à des représentants de la loi qui étaient à mille lieux de toutes notions concernant la déontologie ou l'éthique médicale. Plus inquiétant, les autres patients se sont indignés ouvertement, devant mon comportement irresponsable. Et n'allez surtout pas leur dire le contraire car les « disciples » d'Hippocrate dans ce bled ont tous les droits et mieux possèdent une cour inculte pour les défendre. Echappant de peu à une arrestation en règle et pire à un « lynchage populaire », j'ai quitté sans remords ces lieux où le laser dernière génération (et autres technologie de pointe) côtoie malheureusement l'esprit pécuniaire et les mentalités de petits épiciers de nos nababs en blouses blanches complètement déshumanisés. Connaissant les us et coutumes du pays, je me suis épargné l'effort fastidieux d'écrire une lettre au conseil de l'ordre, car la bataille était perdue d'avance. Enfin, pour que ce témoignage ne paraisse pas comme un jugement de valeur contre toute une profession, je dois reconnaître que beaucoup de médecins sont irréprochables et, donc très loin de telles pratiques mercantiles.