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Tunis Connection : enquête sur les réseaux franco-tunisiens sous Ben Ali
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 29 - 01 - 2012

Le Point.fr – Publié le 19/01/2012 à 07:29 – Modifié le 19/01/2012 à 07:48
Corruption, réseaux politiques, « Tunis connection » révèle les dessous des relations franco-tunisiennes. Rencontre avec les auteurs.
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C'est le livre événement en Tunisie. Sorti le 5 janvier, Tunis Connection : enquête sur les réseaux franco-tunisiens sous Ben Ali (1) était, dix jours plus tard, en rupture de stock dans deux librairies du centre de Tunis. Compromissions, corruption, affairisme ou encore réseaux politiques, les auteurs, Lénaïg Bredoux et Mathieu Magnaudeix, journalistes à Mediapart, ont mené une enquête d'envergure qui lève le voile sur les complicités de la France avec le régime de Ben Ali.
Depuis le soulèvement populaire qui a conduit à la fuite de l'ancien président, il y a un an, les langues se sont déliées. Plus d'une centaine d'entretiens ont été conduits pendant plus de six mois, pour révéler un système « où tout se mêle et s'entremêle ». Un système où diplomates, entreprises, mais aussi médias ont caressé dans le sens du poil le régime de Ben Ali, au nom, notamment, de la lutte contre le terrorisme.
Rencontrés à Tunis à l'occasion de leur visite du 11 au 15 janvier, Lénaïg Bredoux et Mathieu Magnaudeix reviennent sur ces « connections ».
À la lecture de votre livre, on se rend compte que la France était beaucoup plus impliquée qu'on ne pouvait le croire dans le système Ben Ali. Hommes politiques, diplomatie, entreprises, médias… Comment est-ce possible ?
Lénaïg Bredoux : Effectivement, on a découvert dans cette enquête qu'il y avait des ramifications dans tous les domaines : chez les intellectuels, au niveau de la presse avec le système d'invitation de certains journalistes, mais aussi dans le domaine économique, politique ou encore au sein de la diplomatie avec la décadence de l'ambassade de France à Tunis. Tout se mêle et s'entremêle lors de la visite de Nicolas Sarkozy, en 2008. Il était venu proposer de gros contrats, mais il a aussi prononcé cette phrase – que Henri Guaino reconnaît pour la première fois qu'elle était une erreur – : « Les libertés progressent. »
Mathieu Magnaudeix : Sur le plan économique, les entreprises ont joué le jeu. Par exemple, Havas. En octobre 2010, Jacques Séguéla [vice-président de Havas, NDLR] assurait avoir trouvé un partenaire formidable en la personne de Slim Zarrouk [un gendre de Ben Ali, NDLR]. Ce qu'avoue Séguéla maintenant, c'est qu'en gros il ne le connaît pas et qu'on lui a mis dans les pattes. Autre exemple : Orange. Pour s'implanter, l'opérateur a réalisé un montage financier qui n'était pas illégal, mais, disons, baroque. On acceptait de survaloriser une des parties prenantes. Là, ce n'est pas n'importe quelle partie prenante : il s'agit d'un autre gendre, Marouane Mabrouk. Aujourd'hui, ces deux entreprises sont toujours en Tunisie et Havas a racheté la partie qui appartenait à Slim Zarrouk. En l'occurrence, le départ de Ben Ali leur a vraiment permis de s'installer, mais en même temps, il est difficile de les déloger parce qu'il y a beaucoup d'emplois à la clé.
Quel a été le rôle des médias ?
L. B. : Ils sont le reflet de ces relations. Mais il y avait une vraie stratégie de la Tunisie à leur égard. Les autorités tunisiennes avaient compris qu'il fallait se mettre la presse dans la poche. Un jour, Hervé de Charette [député de Maine-et-Loire, NDLR] nous a raconté que Ben Ali, lors de sa visite officielle à Paris, était obsédé par le traitement journalistique en France. D'où la création de l'ATCE [Agence tunisienne de la communication extérieure, NDLR], d'où ce système mis en place avec Image 7 [un cabinet de relations publiques créé par Anne Méaux, NDLR]. Ben Ali savait très bien qu'une partie de sa survie se jouait sur son image à l'étranger. Et, d'un côté, les journalistes avaient toutes les peines du monde à venir travailler en Tunisie. Il y en a qui l'ont fait et qui l'ont très bien fait, assez courageusement d'ailleurs. Et d'autres pour qui c'était plus ambigu. Il y a une journaliste d'un titre du groupe Lagardère qui, un jour, a proposé un sujet sur la Tunisie, et on lui a dit : « Mais tu sais où tu travailles ? »
On nous a raconté aussi que certains articles ont été censurés parce que ce n'était pas la ligne éditoriale. Sans compter tous les reportages sur mesure sur les droits des femmes, sur le miracle économique, préparés par Image 7. On ne sortait pas des sentiers battus. Cela a participé à cette image de carte postale. Et puis il y a eu des prises de position éditoriale très claires, comme lorsqu'un hebdomadaire a écrit « plutôt Ben Ali que les barbus ». C'est un choix qui se défend, mais à cela, il fallait ajouter aussi ce petit milieu où ce sont toujours les mêmes qui intervenaient sur la Tunisie, comme Eric Raoult, Pierre Lellouche ou encore Bertrand Delanoë.
Dans le chapitre 8, vous confirmez que les autorités tunisiennes opéraient sur le sol français. Vous avez eu accès aux archives de Botzaris, que révèlent-elles ?
M. M. : Les archives de Botzaris révèlent l'intention d'un maillage important. Les autorités tunisiennes espionnaient sur le sol français les islamistes, mais aussi les militants et les membres de l'opposition, comme lorsque Hamma Hammami est venu en 2003. Ensuite, elles établissaient des rapports.
L. B. : À n'importe quel rassemblement de l'opposition tunisienne à Paris, il y avait des flics du consulat. Et les ministres français le savaient pertinemment et laissaient faire tant qu'il n'y avait pas de perturbations. Tout ce que la France voulait éviter, c'était une affaire Ben Barka bis [opposant du régime marocain disparu en 1965, NDLR]. Il y avait une coopération policière entre les deux pays. La déclaration de Michèle Alliot-Marie n'est pas tombée du ciel. Pourquoi a-t-elle proposé, le 11 janvier, le savoir-faire français en matière de maintien de l'ordre ? Parce qu'il y a toujours eu une coopération policière entre les deux pays, sous la droite comme sous la gauche. Jean-Pierre Chevènement, quand il était ministre de l'Intérieur, parlait, lui aussi, de lutte contre l'islamisme grâce une coopération policière. Des listes de présumés terroristes étaient établies par les autorités tunisiennes et transmises à la France. Et elle les acceptait sans rechigner.
Vous terminez votre livre en parlant d'une « nouvelle indépendance », que voulez-vous dire ? Quels types de relations peuvent être désormais construites ?
M. M. : On a du mal à voir ce qui peut se mettre en place. « On n'a pas fait assez », a avoué Henri Guaino. Pour le moment, on est dans l'accompagnement verbal de la révolution. C'est le moins que l'on puisse faire. Maintenant, des gestes restent à faire, surtout qu'il y a des signaux contradictoires entre les propos d'Alain Juppé et ceux de Claude Guéant. Sur l'affaire des migrants de Lampedusa, on a réduit le montant de l'aide au retour [de 2 000 à 300 euros, NDLR] pour éviter de créer un appel d'air. Cela été mal perçu en Tunisie, surtout que ce petit pays a accueilli des milliers de réfugiés libyens.
L. B. : La France est restée un partenaire privilégié de la Tunisie, mais les rapports n'étaient pas égalitaires. La Tunisie est un pays en développement et qui dépend beaucoup des relations internationales. Avec le passé postcolonial, la France a développé l'image de carte postale un peu cliché. On a rencontré des gens qui nous disaient « la Tunisie et la France, c'est une histoire d'amour qui se finit mal ». Il faudrait peut-être développer des relations moins affectives, moins chargées de complaisance et plus égalitaires. Les Tunisiens connaissent bien la France, mais la France ne connaît pas la Tunisie.
(1) « Tunis Connection : enquête sur les réseaux franco-tunisiens sous Ben Ali », éditions Seuil, 250 p, 17,50 euros


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