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Comment la bureaucratie tue-t-elle l'humain en Algérie?
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 10 - 10 - 2015

Le titre de la présente chronique ne vise pas le sensationnel, il n'est guère non plus dans l'ordre de la provocation. Car dire qu'aujourd'hui l'administration algérienne est une grande machine bureaucratique coule de source. En effet, bien que toute machine ait un fonctionnement mécanique, elle n'a pas en elle-même ni esprit ni conscience sociale, moins encore une intelligence humaine capable de la guider et stimuler une certaine «psychologie des foules» pour reprendre la propre expression de Gustave Le Bon (1841-1931). Le bureau est la première cellule de la bureaucratie en ce qu'il est aussi bien un lieu d'espoir qu'un tombeau des ambitions individuelles et collectives. Souvent également le centre vers lequel convergent des files d'attente de demandeurs d'emplois, de prestations et de services en quête de ce quelque chose qui allège leur impatience, soulage leurs âmes et promette une issue à leur impasse. Mais, hélas, ce bureau-là n'est pas toujours au rendez-vous des espérances des uns et des autres. Réservoir d'archives et de documents de toutes sortes, la paperasse quoi, il symbolise pour beaucoup d'entre mes compatriotes un horizon fermé où beaucoup de facteurs entrent en jeu : réseau de connaissances, cercle informel, clientélisme, pots-de-vins, dessous-de table, etc. Pour preuve, combien d'algériens se plaignent-ils chaque jour des dysfonctionnements récurrents de leur administration? De l'arrogance, de l'indiscipline ou du manque du civisme d'un ou même de plusieurs fonctionnaires à leur égard dans une salle d'embarquement d'un port ou d'un aéroport, un bureau de poste, un centre de paiement, une agence d'assurance, ou une caisse de retraite ou de maladie? Du type de cette femme, chef d'escale de son état, qui criait face à son compatriote sur le quai d'un aéroport national dans une vidéo relayée sur Yotube «ana li n'decidi» (c'est moi qui décide)! Je n'en ai pas de statistiques exactes mais, sans doute, il y en a plein. Qui a tort et qui a raison? Peut-être les deux à la fois (le fonctionnaire et l'usager) et pas un seul en même temps.
C'est que, chez nous, le problème est complexe parce que d'abord lié à l'absence criante dans la vie quotidienne de la culture de la politesse, de la ponctualité, du respect, du savoir-vivre et surtout de la connaissance des droits et des devoirs citoyens. La bureaucratie, ou je préfère dire, la pathologie bureaucratique— ce terme-là semble en effet le plus proche pour désigner ce mal de désorganisation, d'inversion des repères, de concentration de pouvoirs, et de mauvaise gestion au sein de nos entreprises ou organismes étatiques— est dans la tête de certains responsables un vice nécessaire, voire un modèle de gestion des biens de la collectivité. Bref, un système de médiocrité qu'ils tissent en toile d'araignée afin de sauvegarder leurs intérêts et écraser le génie. Filet dont la première victime ne serait autre que le pauvre citoyen. Quand un dossier traîne dans les tiroirs d'une mairie, d'une daîra ou d'une wilaya, ceux-là en invoquent devant ce dernier diverses raisons : il n'est pas encore traité, il est peut-être égaré, en instance d'instruction, ou ils nient même sa réception malgré l'existence de l'outil informatique, terrible! D'aucuns ont évoqué même un «terrorisme administratif». Des méthodes bien connues par quelques bureaucrates véreux qui tentent de se recentrer dans un jeu psychologique malsain, créateur d'un semblant d'autorité morale et symbolique vis-à-vis de l'usager du service public. S'ajoute à cette complexe équation : le facteur d'incompétence. A proprement parler, depuis que l'Algérie a arabisé son système administratif, nombre d'embûches se sont dressées en face des usagers au rang desquelles on trouve les erreurs dans les extraits de naissance, les registres du mariage, les actes de propriété, les services du cadastre, etc. Pour cause, l'élite francophone des années 60-70 fut incapable de s'adapter rapidement au « délire identitaire» de nos gouvernants. Ces derniers ont décidé de tourner du jour au lendemain la page, en remplaçant le français administratif par l'arabe classique! Conséquence: anarchie totale au grand bonheur des fraudeurs et des tricheurs. Or pour changer l'ossature des structures administratives, il faudrait de prime abord imprégner une certaine philosophie linguistique, culturelle, éducative dans les mentalités, etc. Et puis, comment espère-t-on convertir, en si peu de temps, un fonctionnaire qui ne connaît rien ou presque à la langue arabe classique en un bilingue confirmé? Le même problème s'est posé au niveau des universités où des centaines de profs à 100% francophones étant obligés de dispenser leurs cours en arabe, dans les sciences sociales en particulier. C'est comme si l'on s'est aventuré sur un coup de tête en Algérie à changer tout le fonctionnement (administratif, idéologique, politique, social, etc) du pays et non pas l'humain qui le sous-tend.
Or c'est à ce dernier qu'il faudrait s'attaquer en premier lieu pour toucher aux points sensibles de l'administration, de l'architecture sociale, des mentalités, etc. D'autant que l'important dans l'existence d'une nation n'est pas la promotion matérielle ou idéologique de ses citoyens mais leur développement personnel. Ce qui leur garantit des valeurs sûres et un ascenseur psychologique solide « tous les sociologues vous le diront, écrit Lætitia Rugeaud : au sommet de la pyramide de Maslow, à l'acmé de tout épanouissement humain, ne se situe pas la possession d'une Ferrari ou d'une Rolex mais celle d'un jardin » (Y-a-t-il une vie à la périph, Eyrolles, 2015). Bien sûr, le jardin dont il est question dans cette citation rime avec sécurité intérieure, équilibre mental, moral extraverti, bonheur, joie, etc. Dans un concept de gestion né aux Etats Unis,« holocratie », du grec holos (qui est simultanément un tout et une partie d'un tout) et de kratos (pouvoir), « l'embrigadement des grandes pensées collectives » érigé en modus vivendi par l'ancienne génération est battu en brèche. En ce sens que cette méthode jusque-là inédite implique un double changement de mentalité : le manager d'une société, coopérative, entreprise ou organisme d'Etat est un parmi d'autres et ses collaborateurs n'ont plus de référents. En quelque sorte, ces derniers sont eux-mêmes leur propre chef. Ce mode de gestion est appliqué par exemple à Rennes en France par la société «Scarabée Biocoop». Celle-ci gère avec ses 130 salariés quatre magasins, trois restaurants et un traiteur. Dotée de cercles de projets pilotés par un manager provisoire, ladite société a réalisé sa mutation en «holocratie» grâce à Bernard Marie Chiquet, spécialiste en Hexagone de ce concept américain. Ce système de «holocratie» permet en effet à tout un chacun de proposer ses idées, de coopérer positivement avec les autres, faciliter les procédures, fluidifier la communication, etc. Le «je» y est prioritaire, l'individualité est mise en évidence, l'esprit d'initiative est un axe de travail bien prisé. De plus, tout s'appuie sur la confiance, l'interaction et la coopération à l'intérieur du groupe sans leadership ni freins bureaucratiques.
Dans la même veine, on trouve le concept de «l'entreprise libérée», importé des Etats Unis par Isaac Getz. Le mode de roulement de cette dernière est d'une grande simplicité. Jean François Zobrist, un retraité depuis 2009 ayant dirigé pendant 30 ans la société Picard Favi, un équipementier automobile fort de ses 400 salariés est parti d'un leitmotiv riche en symboles «c'est l'ouvrier heureux qui fait le client heureux et c'est le client heureux qui fait l'actionnaire heureux». D'abord, il a retiré de sa société les pointeuses et les services internes (ressources humaines, planning, méthodes, entretiens, qualité, etc.). Ainsi a-t-il donné plus de liberté à ses ouvriers pour s'organiser en équipes autonomes. Genre « petites usines » de 10 à 40 personnes dont chacune décide seule des horaires de l'organisation, des investissements dans son secteur, des congés, des augmentations en cooptant un responsable. Celui-ci coordonne la mini-usine et assure lui-même le lien avec la direction. Pas de pyramide ni d'ego exacerbé, tout est horizontal dans le relationnel. De même, aucune place n'est laissée à l'assistanat ni à la fuite des responsabilités. Ce qui a amélioré la rentabilité (3% de productivité par un dans un secteur commercial très concurrentiel). Et dans certaines années, la société a pu payer d'avance jusqu'à 18 mois de salaires à son personnel! Chose irréalisable dans les hiérarchies pyramidales qui favorisent la stagnation dans la fonction publique, les nominations au long cours et les contrats C.D.I au détriment des compétences nouvelles dans un champ économique en perpétuel changement. La bureaucratie crée un taux de stress très élevé chez les fonctionnaires, lequel peut mener jusqu'au suicide. Ne dit-on pas d'ailleurs que la meilleure façon de tuer un homme, c'est de le payer à ne rien faire? La routine, le manque de motivation et le sens directif quasi répétitif qui prime dans les relations entre fonctionnaires renforce l'échec. Car le management hiérarchique ne fait que cultiver le carriérisme où la culture du chef est trop prégnante, un sacerdoce quoi! Ce qui rend les relations entre le supérieur et ses subordonnés rigides et multiplie, voire complique les démarches administratives. Dans ce cas, la D.R.H (Direction des Ressources Humaines) n'est autre qu'une instance de contrôle et de supervision, loin de la réalité du terrain. De même, les conflits d'intérêts et les abus d'autorité font entrer à chaque fois en compétition les arbitrages de «l'inspection du travail», ce qui est étouffant et stressant à la fois. La hiérarchie est lourde, frustrante pour le personnel et coûte très cher. Il est même une forme de « nounoucratie » dont l'objectif est de protéger et non de laisser les employés se débrouiller d'eux-mêmes. La nounoucratie, c'est lorsque les employeurs croient qu'il est plus important pour l'employé d'évoluer dans la douceur, de ne pas être compétitif ni affronter les difficultés de front. Le fonctionnaire se sent alors bon dans son cocon, son bureau ou derrière son guichet à attendre la fin des mois pour percevoir son salaire et compter les heures passer. L'humain n'a jamais été placé au cœur des systèmes bureaucratiques dans la mesure où il n'y a eu guère d'articulation entre le « je » individuel et le « moi » collectif en vue d'arriver à la performance, l'amour du client et l'esprit d'ouverture.
Kamal GUERROUA, universitaire


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