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Huit morts sans langue
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 31 - 03 - 2021

Mais d'où nous vient cette langue illisible en ce début du 21ème siècle, qui méprise tout ce qui est petit ? Mais d'où vient cette langue envahissante, écrasante, étouffante, qui ne se chante qu'à l'infini. Dans cette nouvelle langue tout est immense : "l'Algérie", "le peuple", "l'armée", "le système", "le pouvoir", "le hirak", c'est une langue gluante, elle condamne à rester collés les uns aux autres, à la queue leu leu, sans queue, ni tête.
A l'horizontale comme une grande rue où l'on se perd sans jamais pouvoir sauver ni l'un, ni l'autre. A force de mesurer la grandeur, la force, elle ignore le mot "petit", "petits chemins" que fabriquent les "petits pas" à force de marcher "chaque jour", "un" par "un" sur la terre qui change comme les saisons, elle ne sait pas prendre la mesure de la température des volcans qui s'allument et s'éteignent dans le mystère de la complexité. Mais d'où vient cette langue si petite, si pressée, si éthérée qu'elle gomme le mot "responsabilité".
Dans cette langue "le peuple" n'a pour "mission" que de faire "pression" comme une mousse qui pousse les portes de l'avenir qu'on lui promet glorieux. "Il faut un pouvoir légitime pour prendre des mesures impopulaires" a dit un faiseur d'avenir. Il n'a pas triché, il l'a dit sans se cacher, ni même murmurer, et les médias se le sont arrachés. Visible puis invisible, depuis il a disparu….le temps passe. Après cette langue s'étonne que "les mesures impopulaires" marchent à reculons. Cette langue marche sur sa tête, alors que nous sommes sortis pour faire entendre celle de nos pieds.
Le "peuple" de cette langue n'est qu'un objet qui ne se pose que dans la Rue pour "vendredire". Quelle horreur ce mot. Quelle horreur Vendre/ Dire, c'est un mot de bateleur sur les marchés, avec cette sono qui grésille le temps de se faire arnaquer. Dans le calendrier de cette langue, les autres jours de la semaine n'existent pas, et le monde est né le 22 février 2019. Les oracles ont dit : "c'est ce jour là que l'Algérie nouvelle est née".
Après, le samedi, le dimanche, le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi, les jours du travail, de l'établi et de l'étable, ces jours où il ne se passe rien, rien d'autre que la mort de huit hommes d'un coup, ensemble étouffés dans l'horreur d'une fosse septique d'une prison sans aucune protection, sans syndicat, ni même un frère pour leur dire " ne descendez pas sans au moins une bougie, si elle s'éteint, remontez" comme les mineurs des temps anciens, morts de fatalité un mercredi, un de ces jours où l'Algérie réelle peut rentrer chez elle et retourner dans ses casernes, ses portes blindées, ses cauchemars enflammés et prier pour que le miracle s'accomplisse le vendredi. Ce pays de la semaine qui existe vraiment, palpable comme les corps de huit travailleurs anonymes perdus dans la solitude des pêcheurs de merde.
Ce-n'est-pas-le-moment mais c'était leur heure. Quelle honte, quel déshonneur, ils sont partis et nous ne saurons rien ni de leur désespoir, ni de leur espoir. C'est quoi cette langue qui ne conjugue pas la liberté, l'honneur, la justice avec travail, chômage, exclus, invisibles, femmes, économie, inégalités ? Les oracles ont dit : "désormais il n'y a plus d'idéologie, il n'y a plus ni nord, ni sud, ni est, ni ouest, il n'y a plus ni des arabes, ni des kabyles, ni des hommes, ni des femmes", nous ne sommes plus qu'un, à l'image de Dieu. Il n'y a plus que des frères entassés qui font pression sur l'utérus de l'Algérie ancienne qui bientôt va accoucher de la nouvelle. Il n'y a plus de points cardinaux, ni nous n'enfantons, ni nous ne sommes enfantés, nous ne connaissons ni nos mères, ni nos pères, nous venons du ciel et la terre est plate : un peuple extraordinaire est né.
UN tsunami, UN raz de marée. Des vents aveugles, terribles, qui ne laissent derrière eux que l'effroi et la sidération, le deuil de ce qui a été bâti par des petits de femmes et de leurs hommes qui cherchent encore dans les ruines les traces de ce qui a eu lieu, de tout ce qui s'est bel et bien passé et qu'aucun vent ne pourra effacer. Quand nous inventerons une langue où l'homme et celle qui n'est pas sa femme seront au centre de l'histoire, quand nous inventerons une langue qui se coltinera l'Algérie réelle née le 5 juillet 1962, cette terre qui tangue et donne le vertige, alors nous ferons révolution, le dimanche, le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi et même le samedi. Et le vendredi nous serons enfin libres de parler des malheurs sans être convoqués par la police, et nous pourrons enfin enterrer nos morts, tous nos morts, quelle que soit la couleur de nos cœurs.


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