Participation de l'APN à la réunion périodique du Groupe Technologie et Innovation du PA à Amman    Investir dans la production des matières premières pour réduire la facture des importations    Lancement prochain d'une vaste opération d'ensemencement d'alevins en eau douce dans les barrages    Signature d'un accord-cadre de partenariat entre les ministères de l'Environnement et de la Culture    Machaâl Echahid commémore le 20e anniversaire de la disparition du moudjahid Rabah Bitat    Ouargla: le nouveau wali prend ses fonctions    Oran: ouverture du 4ème Salon international du recyclage "Recycling Expo"    Le président de la République passe en revue l'expérience algérienne en matière de développement socioéconomique    Entretien téléphonique entre Attaf et son homologue sénégalaise    Le président de la République reçoit l'ambassadeur du Portugal à Alger    Le G3 est né à Carthage: Le Maghreb de l'action succède au Maghreb des slogans    «Faire avorter les plans et menaces qui guettent l'Algérie sur les plans interne et externe»    Un avion d'affaires utilisé par le Mossad a atterri à Riyad    Le président de la République décide d'attribuer à certains magistrats à la retraite le titre de «Magistrat honoraire»    L'adhésion de l'Algérie à la Nouvelle banque de dévelop-pement sera bientôt finalisée    Arrestation de plusieurs individus lors d'une vaste opération    Des expériences de première main et les dernières innovations    «Le haut commandement attache un grand intérêt au moral des personnels»    C'est une question de souveraineté nationale et d'hommes de parole    Le développement entravé par 1.120.392.119 DA d'impayés    Les manifestations contre le génocide gagnent les campus européens    Exemples de leurs faits et gestes d'amour !    Vingt nouveaux établissements scolaires    165 étudiants participent à la 14ème édition de la manifestation nationale universitaire « Marcher en Montagne »    Des pluies à partir de lundi soir sur plusieurs wilayas    Ligue de diamant 2024 : L'Algérien Slimane Moula sacré sur 800 m à Suzhou    Les favoris au rendez-vous    Trois nouvelles médailles pour l'Algérie    Valoriser le patrimoine architectural du vieux Ksar    Conférence sur «130 ans de cinéma italien à travers le regard des critiques»    Tiaret: lancement prochain du projet de réaménagement du centre équestre Emir Abdelkader    Coupe de la CAF : RS Berkane continue dans sa provocation, l'USMA se retire    Festival du film méditerranéen : "une occasion rêvée de fidéliser le public au cinéma"    Armée sahraouie : nouvelles attaques contre les positions des forces de l'occupant marocain dans les secteurs d'El Mahbes et El Farsia    Constantine : l'hôtel Cirta, réhabilité et modernisé, rouvrira ses portes "dans les prochains jours"    Ligue 1 Mobilis : le MCO bat le CRB et respire pour le maintien    Megaprojet de ferme d'Adrar : « elmal ou Etfer3ine »    ALORS, MESSIEURS LES DIRIGEANTS OCCIDENTAUX : NE POUVEZ-VOUS TOUJOURS PAS VOIR LES SIGNES ANNONCIATEURS DUN GENOCIDE A GAZA ?    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80        Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Le diktat des autodidactes    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



YVES LACOSTE AU SOIR D�ALG�RIE :
�Les jeunes immigr�s ignorent l�Histoire de leurs parents�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 12 - 06 - 2010

G�ographe et g�opoliticien, Yves Lacoste est n� en 1929 au Maroc o� son p�re exer�ait la fonction de g�ologue. Au d�but des ann�es 1950, avec sa femme Camille Lacoste-Dujardin, anthropologue sp�cialiste des Berb�res, il travaille en Alg�rie o� il effectue sa premi�re th�se d�Etat sous la direction de Jean Dresch. Il prend contact, lors de ce s�jour, avec des militants anticolonialistes.
Membre du PCF qu�il ne quittera qu�en 1956, il r�digera des articles pour la presse communiste alg�rienne, notamment sur Ibn Khaldoun qu�il fera par la suite conna�tre en France puis en Europe. Il cr�e au d�but des ann�es 1960 la revue H�rodote � qui existe encore � et lance un pav� dans la mare avec son ouvrage La g�ographie, �a sert d�abord � faire la guerre. Il r�introduit la g�opolitique en France, la d�barrassant de l�image de �science nazie�. Dans ce livre, il distingue trois g�ographies : 1) Scolaire et universitaire. 2) �spectacle� 3) �instrument de pouvoir�. Les deux premi�res cachent la troisi�me. Ce livre r�sulte de son s�jour au Vietnam en 1972 � l�issue duquel il a accus�, dans un article, les Etats-Unis d�avoir bombard� les soubassements des digues des deltas du fleuve Rouge afin de provoquer la destruction du barrage et de faire passer les morts pour les victimes d�une catastrophe naturelle. Yves Lacoste ajoute � la g�ographie les concepts de territorialit� et repr�sentations (id�es, perceptions, imaginaires collectifs). On ne peut pas, selon lui, consid�rer les facteurs g�ographiques hors du contexte politique. De m�me, il critique l�ob�issance des cartes aux seules lois �conomiques en dehors de la topographie et l�impact politique sur l�espace. Dans La question post-coloniale, une analyse g�opolitique (Fayard), son dernier ouvrage en date, Yves Lacoste va a contre-courant de l�approche inspir�e des postcolonial studies am�ricaines, elles-m�mes inspir�es des th�ories de la d�construction de Jacques Derrida et Michel Foucault. Ces approches, selon Yves Lacoste, consid�rent la colonisation et l�esclavage comme un p�ch� originel de l�Occident sans tenir compte des r�alit�s historiques qui d�clinent des situations sp�cifiques � chaque pays et � chaque �poque. Pour cela, Yves Lacoste d�crit la sp�cificit� de chaque colonisation et surtout de chaque lutte pour l�ind�pendance. Les colonisations de l�Inde et de l�Alg�rie, pour prendre deux exemples, ne peuvent �tre inscrites dans la m�me conclusion tant elles sont diff�rentes � tous points de vue. Comme les choses sont loin d��tre manich�ennes de sorte � entrer dans des sch�mas commodes, Yves Lacoste montre, dans ce livre iconoclaste d�une certaine mani�re, que l�immigration post-coloniale en France a �t� principalement alg�rienne. Il est difficile de r�pondre aux jeunes des banlieues qui se sont soulev�s en 2005 qui demandent pourquoi leurs parents, surtout les Alg�riens, patriotes, d�fendant l�ind�pendance de l�Alg�rie, sont venus d�s s�installer en France. La r�ponse � cette question est ce �non-dit (est) l�une des raisons profondes pour lesquelles la question post-coloniale prend depuis peu les formes d�une crise grave�. Yves Lacoste propose une relecture �rudite, rigoureuse et audacieuse du colonialisme et des ind�pendances, nourrie par une vie de r�flexion et de travail sur les enjeux g�opolitiques. Il r�pond ici � quelques-unes des questions que soul�ve la lecture de son livre.
Interview r�alis�e par Arezki Metref

Le Soir d�Alg�rie : La question post-coloniale : de quoi parle-t-on ?
Yves Lacoste : On a commenc� � parler de la question post-coloniale en France, bien apr�s l�ind�pendance de l�Alg�rie, et surtout depuis les grandes �meutes qui se sont produites en novembre 2005 dans la plupart des banlieues des grandes villes fran�aises. Le terme de �question� indique qu�il ne s�agit pas d�un fait pr�cis, mais d�un ensemble de ph�nom�nes plus ou moins bien d�finis sur lesquels, dans les m�dias, on s�interroge quant � leur nature pr�cise. Il ne s�agit donc pas de d�signer tous les changements (�conomiques, sociaux, d�mographiques, politiques, culturels) qui se sont produits depuis l�ind�pendance des colonies � celle de l�Inde date de 1946 � aussi bien dans les ex-m�tropoles coloniales que dans les pays qui ont �t� colonis�s. Dans chacun de ces derniers, on ne parle pas d��poque post-coloniale, on dit depuis l�ind�pendance. C�est dans les pays qui avaient des colonies, que l�on parle aujourd�hui de question post-coloniale. Ne pas confondre question post-coloniale telle que je la d�finis dans mon dernier livre et les am�ricaines postcolonial studies (sans tiret entre post et colonial). Celles-ci sont apparues, plus t�t, dans les ann�es 1970 aux Etats- Unis dans les d�partements de litt�rature (et non d�histoire) de certaines universit�s. Les personnes qui ont lanc� postcolonial studies n��taient pas originaires de Cuba, de Porto-Rico ou des Philippines, des pays qui avaient �t� plus ou moins sous domination am�ricaine, mais principalement de l�Union indienne et d�autres anciennes colonies britanniques. Ces personnes ont surtout des pr�occupations philosophiques, et assez peu le souci de pr�cisions historiques ou g�opolitiques. La premi�re � avoir entrepris des postcolonial studies est Mme Gayatri Chakravorty (�pouse Spivak)) venue de Calcutta pour faire une th�se sur un grand po�te irlandais Yeats, prix Nobel de litt�rature qui avait r�clam� l�ind�pendance de son pays encore domin� par les Anglais. Mais Mme Gayatri s�est ensuite orient�e sur des consid�rations litt�raires et philosophiques beaucoup plus vastes, sous l�influence de philosophes fran�ais � la mode, Michel Foucault, Derrida, Deleuze, etc. qui ne s�int�ressent gu�re � la question de l�ind�pendance, mais surtout � l�influence culturelle des id�es occidentales, m�me dans des pays asiatiques qui n�ont jamais �t� colonis�s. Les postcolonial studies ne s�int�ressent pas tellement aux questions historiques et g�opolitiques, mais � des concepts � la mode difficilement d�finissables tels que la post-modernit�, le post-national, le post-industriel, le post-marxisme, le post-structuralisme, etc. Ces discours des postcolonial studies commencent � se r�pandre en France depuis 2005. Mais je n�en parle gu�re dans le livre que je viens de publier sur La question postcoloniale (avec un tiret entre post et colonial) et qui traite de probl�mes politiques tr�s concrets dans les Etats europ�ens qui ont domin� des pays colonis�s jusqu�� l�ind�pendance de ceux-ci. A mes yeux, la question g�opolitique de l�ind�pendance est capitale et c�est une grande diff�rence avec les postcolonial studies qui sont un discours tr�s g�n�ral. Dans les diff�rents Etats europ�ens qui furent des m�tropoles coloniales, ce que l�on appelle aujourd�hui la question post-coloniale ne s�est pas pos�e tout de suite apr�s les ind�pendances de leurs colonies, mais vingt ans plus tard. Cette question post-coloniale traduit dans les anciennes m�tropoles coloniales les difficult�s d�int�gration des enfants et petits-enfants des premiers immigrants venus des anciennes colonies. Ceux-ci sont venus dans leur ancienne m�tropole coloniale parce qu�ils parlaient la langue de leurs anciens colonisateurs. Les �migrants des anciennes colonies britanniques (devenues assez facilement ind�pendantes) sont venus en Angleterre o� ils eurent en principe les m�mes droits que les citoyens britanniques n�s en Grande-Bretagne. Les �migrants des anciennes colonies o� les colonisateurs parlaient fran�ais sont venus en France ou en Belgique. Les �migrants des anciennes colonies portugaises (o� les luttes pour l�ind�pendance furent tr�s dures) sont venus au Portugal. Dans les premiers temps, ces immigrations en provenance de ces ex-colonies ne pos�rent pas de grands probl�mes dans les ex-m�tropoles coloniales, car � cette �poque, il y avait encore de grands besoins de maind��uvre. C�est vingt � trente ans plus tard, alors que le ch�mage s�accroissait en Europe occidentale, que l�on commen�a � consid�rer que cette immigration en provenance des colonies pouvait poser des probl�mes : les petits-enfants des premiers immigr�s, lorsqu�ils �taient concentr�s dans certains quartiers, commenc�rent � manifester violemment contre les discriminations � l�emploi dont ils �taient victimes, bien qu�ils aient la nationalit� du pays europ�en o� ils sont n�s. En France, la premi�re de ces manifestations bruyantes et spectaculaires se produisit en 1981, aux Minguettes, un quartier populaire pr�s de Lyon, peu apr�s la victoire �lectorale de la gauche et l��lection � la pr�sidence de Fran�ois Mitterrand et l�on a pu croire alors que ces �meutes avaient �t� foment�es par des agents provocateurs pay�s par la droite. Ce n��tait, semble-t-il, pas le cas. Depuis, ces manifestations tumultueuses et le plus souvent nocturnes de �jeunes issus de l�immigration� postcoloniale se succ�dent, s�par�ment, jusqu'� novembre 2005 o�, pendant plusieurs semaines, elles se sont produites simultan�ment dans la plupart des quartiers populaires des banlieues. A noter que le terme de banlieue est trop g�n�ral, car les communes de banlieue doivent �tre distingu�es les unes des autres, selon qu�elles sont tr�s riches (comme Neuilly pr�s de Paris) ou habit�es par des classes moyennes, ou d�habitats populaires anciens ou modernes.
A quoi reconna�t-on ce que vous nommez le �paradoxe fran�ais� dans l�appr�hension g�opolitique de la question post-coloniale en France ?
C�est seulement depuis quelques ann�es que certains commencent � penser qu�il y a un paradoxe de la question postcoloniale en France. Durant les ann�es 1960-1970 , la plus grande partie de l�opinion fran�aise (� l�exception des �rapatri�s �) consid�rait comme normale la pr�sence en France d�Alg�riens install�s avec leur famille l� o� ils avaient pu trouver � se loger tant bien que mal (y compris dans les bidonvilles), car � l��poque les Fran�ais avaient encore beaucoup de mal � trouver un appartement. Les �harkis� qui avaient pu fuir l�Alg�rie en 1962 �taient retenus dans des camps , car le gouvernement du g�n�ral de Gaulle craignait qu�ils servent d�auxiliaires aux ultra-colonialistes de l�OAS. A bien y r�fl�chir aujourd�hui, cette installation en France de familles alg�riennes (les Marocains et les Tunisiens viendront plus tard) �tait assez paradoxale, apr�s la terrible guerre qui s��tait d�roul�e entre l�arm�e fran�aise et les combattants. On pouvait s�en f�liciter, ce fut mon cas, et y voir la preuve que des relations nouvelles s��tablissaient entre la France et l�Alg�rie. C��tait aussi le cas, plusieurs ann�es apr�s la Seconde Guerre mondiale, entre la France et l�Allemagne, mais de nombreux Fran�ais n�all�rent pas pour autant s�installer en Allemagne, ni des Allemands en France. Les �meutes de plus en plus nombreuses qui sont d�sormais men�es dans les banlieues fran�aises, principalement par des �jeunes issus de l�immigration �, sont la preuve que tout n�est pas apais� dans les relations franco-alg�riennes. Ces jeunes de parents alg�riens qui sont de nationalit� fran�aise, puisqu�ils sont n�s en France, se plaignent, non sans raison, de discrimination en mati�re d�emploi, de l�attitude de la police � leur �gard, mais ils �prouvent aussi un grand malaise affectif : ils ne comprennent pas pourquoi ils sont n�s en France, et pourquoi ils parlent la langue des colonialistes qui ont opprim� l�Alg�rie et martyris� tant de patriotes alg�riens. Ils ne comprennent pas pourquoi leurs grands-p�res sont venus en France juste apr�s la fin de la guerre d�Alg�rie. Le paradoxe encore tr�s peu connu de la question post-coloniale en France est qu�apr�s cette guerre si longue et si cruelle, ce sont des patriotes alg�riens, qui pour beaucoup avaient lutt� contre l�arm�e ou la police fran�aise, qui sont d�abord venus ou revenus en France. Il ne faut �videmment pas les confondre avec les harkis qui avaient �t� oblig�s de s�associer � l�arm�e fran�aise. Alors que l�on aurait pu penser qu�apr�s cette si cruelle guerre, les Alg�riens dans leur ensemble ne voudraient plus jamais venir en France ,ni m�me parler fran�ais ou entendre parler de la France, le paradoxe est que des patriotes alg�riens sont venus en France d�s 1962. Ils y ont profit� des lois d�amnistie promulgu�es par le g�n�ral de Gaulle, lois d�abord destin�es � passer l��ponge sur les crimes d�ultra-colonialistes contre des Alg�riens, mais aussi contre des Fran�ais qui avaient voulu la fin de cette guerre. Pour comprendre ce paradoxe, il faut tenir compte que la guerre d�Alg�rie a eu des aspects tr�s complexes et m�me contradictoires, tant du c�t� fran�ais que du c�t� alg�rien.
L�Arm�e de lib�ration nationale (ALN) qui avait pu se constituer en Tunisie et au Maroc, sous le commandement du colonel Boumedi�ne avec des volontaires alg�riens et des armes fournies par les pays arabes, n�avait pas pu p�n�trer sur le territoire alg�rien, en raison des barrages �lectrifi�s �tablis par l�arm�e fran�aise. Lorsque ces barrages furent lev�s, l�ALN se heurta en juillet 1962, aux environs d�Alger, avec les combattants kabyles de la Wilaya III et une s�rie de malentendus provoqu�rent de violents combats, et l�ann�e suivante, une insurrection kabyle qui fut aussi bris�e. Pour �viter d��tre captur�s, des combattants de la Wilaya III choisirent d�aller en France et d�y attendre la venue d�un autre r�gime en Alg�rie, ce qui ne fut pas le cas, le colonel Boumedi�ne ayant pris le pouvoir en 1965. De surcro�t, d�autres Alg�riens parvinrent � partir en France. On sait �videmment qu�en 1954, le mouvement national alg�rien se divisa en deux tendances, celle du vieux parti PPA qui se d�nomma MNA et un nouveau parti, le FLN. On sait, h�las, que ces deux tendances se livr�rent � une lutte tr�s dure, attis�e par les services secrets fran�ais. Apr�s 1962, des partisans du MNA qui avait pu �chapper au FLN, partirent eux aussi en France. Beaucoup d�Alg�riens s�y trouvaient d�j� car leur nombre avait doubl� durant le temps de la guerre d�Alg�rie, le FLN ayant souhait� qu�ils aillent gagner de l�argent en France, pour alimenter ses finances. L� aussi, une lutte tr�s dure opposa les militants du FLN � ceux du MNA . Aussi beaucoup d��migr�s alg�riens ne sont pas retourn�s dans leur pays, pour �viter d�y subir un pouvoir aussi autoritaire, et ils se sont fix�s en France, en attendant que les tensions s�apaisent en Alg�rie. Les jeunes �issus de l�immigration alg�rienne� ne sont pas au courant de tout cela, car leurs p�res et leurs grands-p�res ne leur ont pas parl� de ces questions p�nibles que le gouvernement alg�rien a longtemps �vit� d��voquer. Plus r�cemment, � partir de 1992, les �v�nements tr�s graves qui se sont d�roul�s en Alg�rie jusqu�� la fin de la d�cennie, les chefs de l�arm�e alg�rienne s�opposant aux mouvements islamistes qui voulaient prendre le pouvoir, ont provoqu� un nouvel exode d�Alg�riens vers la France. Certes, depuis 1975 l�immigration n�y est en principe plus possible, mais elle continue de fa�on notable selon le principe du �regroupement familial� mis en place en 1976. La question post-coloniale se pose de fa�on tr�s diff�rente dans les autres pays d�Europe occidentale qui ont domin� des territoires coloniaux. En effet, les colonies britanniques et tout d�abord l�Inde � qui �tait par sa population, la plus importante de toutes les colonies � sont devenues ind�pendantes sans conflit majeur. D�s 1946, le gouvernement britannique a proclam� sa volont� de pousser l�Inde � devenir au plus vite ind�pendante et il a envoy� une importante d�l�gation mettre en �uvre cette d�cision, ce qui fut fait en 1947. Les Anglais ne voulaient pas se trouver m�l�s et avoir � intervenir dans les luttes qui commen�aient en Inde entre hindous et musulmans, ce qui a provoqu� la �partition� entre l�Union indienne et le Pakistan. Les colonies britanniques d�Afrique sont devenues ind�pendantes de la m�me fa�on et en 1960, le g�n�ral de Gaulle a d�cid� de faire de m�me pour les colonies d�Afrique tropicale. En France, la question postcoloniale se pose aussi de fa�on tr�s particuli�re en raison de la concentration dans certains quartiers d�une notable proportion d�origine immigr�e. Ce n�est pas le cas dans les autres exm�tropoles coloniales.
Un des rep�res g�opolitiques de la filiation entre la question coloniale et la question post-coloniale, ce sont les �grands ensembles�, les banlieues. En quoi et de quoi sont-ils signifiants ?
Le paradoxe de la question post-coloniale en France est qu�elle r�sulte pour une grande part de la forte concentration g�ographique des probl�mes qu�elle pose. Cette concentration dans ce que l�on appelle les �grands ensembles� de logements sociaux (HLM) ne r�sulte pas, quoi qu�en disent certains, d�une volont� de �ghetto�ser� les immigr�s et leurs familles. C�est bien plus la cons�quence de l��volution des probl�mes urbains en France. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il y avait en France une tr�s grande p�nurie de logements, non seulement � cause des destructions de la guerre, mais aussi parce que dans l�entre-deux-guerres, on avait tr�s peu construit en France, � cause du d�clin d�mographique. De ce fait, la main-d��uvre qualifi�e dans les m�tiers de la construction est pass�e dans d�autres activit�s et industries, et elle n�existait plus apr�s la guerre. Pour pallier cette tr�s grave p�nurie de logements et de main-d��uvre qualifi�e, on a d�cid� de construire en s�rie de grands groupes de logements (comptant parfois plusieurs milliers), des barres et des tours sur des terrains bon march�. Ceci a permis de baisser leur prix de revient, tout en leur donnant un tr�s bon standard d��quipement. Ces logements dont les loyers n��taient pas n�gligeables ont �t� attribu�s � des jeunes m�nages de classe moyenne. Jusqu�� ce que le gouvernement, � la fin des ann�es soixante, d�cide de favoriser le logement des familles nombreuses, en leur accordant des indemnit�s de logement au prorata du nombre de leurs enfants. Dans le m�me temps, les locataires des grands ensembles ont �t� inform�s que leur loyer serait d�sormais major�. Ils ont donc pr�f�r� acheter � cr�dit (sur 25-30 ans) un pavillon dans les grands lotissements qui �taient en construction dans la grande banlieue. Aussi, en tr�s peu de temps, le peuplement des grands ensembles a compl�tement chang�, les premiers occupants �tant remplac�s par des familles ayant un grand nombre d�enfants, c�est-�-dire principalement des familles immigr�es, notamment d�origine alg�rienne. Ce sont, en effet, des Alg�riens qui ont longtemps form� la majeure partie de l�immigration maghr�bine en France. Pour cette population nouvelle des �grands ensembles�, les premi�res ann�es ont �t� favorables. Mais � partir de 1975, le ch�mage a beaucoup augment� et il s�est particuli�rement fait sentir dans les �grands ensembles� et pour beaucoup de familles la ressource a �t� fournie par les �allocations familiales� qui versent des sommes importantes quand il y a six ou sept enfants. Mais ceux-ci, apr�s avoir grandi, ont rencontr� les difficult�s du ch�mage et n�ont gu�re trouv� de travail � l�ext�rieur. Les �grands ensembles� ont donc connu une forte croissance d�mographique, une tr�s forte proportion de jeunes qui ne vont gu�re � l�ext�rieur, un surpeuplement des logements qui peu � peu se sont d�grad�s. Sont apparues, presque dans chaque grand ensemble, des �bandes de jeunes� plus ou moins rivales, qui ont chacune �leur� territoire et qui ne veulent surtout pas que s�y exerce une autre autorit� que la leur, surtout s�il s�agit de la police. Des incidents �clatent, sous des pr�textes divers, qui tournent � l��preuve de force avec la police. Celle-ci n�aime pas intervenir dans ces �grands ensembles� dont elle ne conna�t pas la topographie souterraine (les caves) et o� elle est expos�e � des jets de divers mat�riaux du haut des tours. Pour manifester leur col�re, les �jeunes�ont pris l�habitude syst�matique de mettre le feu � la nuit �a se voit mieux � aux automobiles gar�es au pied des tours et des barres. Les cha�nes de t�l�vision filment ces �v�nements spectaculaires, ce qui a pour effet de faire croire � l�ensemble de l�opinion que les �jeunes issus de l�immigration � sont incontr�lables, et ce qui a aussi pour effet d�accro�tre la discrimination dont ils se plaignent. Le fait qu�ils aient pris l�habitude, dans les stades, de siffler La Marseillaise, au d�but des comp�tions de football, est tr�s peu appr�ci� par l�ensemble des Fran�ais, d�autant que le parti d�extr�me droite tire argument de ce genre d�incidents. Toutes les populations �issues de l�immigration� ne sont pas d�origine alg�rienne (les Marocains sont d�sormais plus nombreux) et toutes ne vivent pas dans les �grands ensembles� que nombre de familles souhaitent quitter. Il y a environ 700 grands ensembles en France, ce qui fait � peu pr�s quatre � cinq millions d�habitants, soit presque la moiti� du total approximatif de la population issue de l�immigration : cinq millions de musulmans d�origine maghr�bine auxquels s'ajoutent presque autant de gens en provenance d�Afrique sub-saharienne qui sont aussi pour beaucoup des musulmans. Le nombre des uns et des autres s�accroissant par le �regroupement familial�. Il ne faut pas n�gliger les personnes d�ascendance africaine venues des Antilles et de la R�union, et ne pas oublier les Vietnamiens. A propos de ceux-ci, on peut se reposer d�une autre fa�on la question suivante : la gravit� de la question post-coloniale en France r�sulte-t-elle de la duret� et de la longueur de la guerre d�Alg�rie? La guerre du Vietnam (1947-1954) dura autant et elle fut aussi tr�s dure. On sait qu�elle se termina par la victoire spectaculaire et indiscutable de Dien Bien Phu sur le corps exp�ditionnaire fran�ais. La conf�rence internationale de Gen�ve divisa alors le Vietnam en deux moiti�s, l�une au nord, laiss�e aux communistes, l�autre au sud qui passa sous influence am�ricaine. Les catholiques du nord qui, avec les Fran�ais, avaient combattu les communistes, s�exil�rent au sud. Quelques-uns partirent en France, mais il n�y eut alors que tr�s peu de Vietnamiens � venir en France. D�abord, � cause de l��loignement et surtout parce qu�ils voulaient avec les Am�ricains continuer de combattre contre les communistes, ce qui fut le cas jusqu�� la victoire communiste de 1975. Beaucoup de Vietnamiens anti-communistes all�rent aux Etats-Unis, d�autres vinrent en France. Ils y furent bien accueillis et on les logea � Paris dans un groupe d�immeubles qui venaient tout juste d��tre achev�s (pr�s de la place d�Italie). Ces Vietnamiens qui �taient notamment des Chinois fortun�s du Vietnam rachet�rent bient�t ces immeubles puis les commerces voisins : d�o� la formation d�un v�ritable quartier chinois et d�un centre commercial chinois tr�s actif. Th�oriquement, cette immigration sino-vietnamienne est elle aussi post-coloniale, mais diff�r�e de trente ans apr�s la fin de la colonisation fran�aise. Ces sino-vietnamiens progressent discr�tement dans d�autres quartiers (o� fonctionnent plus ou moins clandestinement des entreprises et des commerces chinois), mais ne connaissent pas les difficult�s des autres immigrations post-coloniales en France.
Les conflits entre les jeunes des ghettos et la police sont-ils des affrontements qui restent dans le droit fil des conflits coloniaux ?
La comparaison est souvent faite dans des journaux et des discours d�extr�me-gauche et les �jeunes� des grands ensembles en sont persuad�s. Mais personnellement, je ne le crois pas, car c�est oublier la violence qu�avaient les conflits coloniaux. Dans les luttes pour l�ind�pendance, les indig�nes n�ont aucun droit face aux troupes coloniales et celles-ci agissent pour tuer. Et plus elles tuent d�adversaires et plus elles sont f�licit�es. Cela n�a rien � voir avec les incidents qui se d�roulent dans les banlieues entre les forces de police et les jeunes qui sont officiellement fran�ais. Ils re�oivent au pire des coups de matraque, s�ils sont bless�s, ils sont imm�diatement transport�s � l�h�pital ; s�ils sont arr�t�s, ils ont bient�t pour les d�fendre un avocat ; compte tenu de leur jeunesse, s�ils sont convaincus de d�lits graves, c�est dans un tribunal pour enfants qu�ils sont jug�s. Dans ces �meutes, la mort dans un affrontement avec la police, d�un �jeune� de banlieue, fait tr�s exceptionnel jusqu�� pr�sent, provoque � juste titre dans les m�dias de gauche un v�ritable scandale et le gouvernement est fort embarrass� devant l�opinion fran�aise et internationale. Mais il me para�t tr�s abusif et m�me dangereux de laisser entendre qu�aujourd�hui ces affrontements avec la police de jeunes d�origine maghr�bine sont la cons�quence de ce qu�ont subi les patriotes alg�riens dans leur lutte pour l�ind�pendance.
Qui sont aujourd�hui les �indig�nes de la R�publique� ?
En janvier 2005, un groupe de jeunes intellectuels �issus de l�immigration� ont publi� un manifeste dans lequel ils d�non�aient les discriminations dont sont victimes l�ensemble des jeunes eux aussi �issus de l�immigration �. Selon ce manifeste, ces �jeunes� seraient aujourd�hui trait�s en France comme les indig�nes �taient autrefois trait�s dans les colonies. L�expression �les indig�nes de la R�publique� fait choc d�autant plus qu�elle souligne la contradiction avec les principes de Libert�, d�Egalit� et de Fraternit� auxquels se r�f�re la R�publique fran�aise. Mais il est faux et dangereux de pr�tendre que les personnes �issues de l�immigration� et de nationalit� fran�aise sont trait�es comme l��taient autrefois les indig�nes dans les colonies fran�aises. Ceux-ci n��taient pas citoyens fran�ais et pendant longtemps ils n�ont eu aucun des droits des citoyens fran�ais, et notamment pas de droit de vote. Ce fut, entre autres, longtemps le cas en Alg�rie, qui �tait en principe trois d�partements fran�ais officiellement, mais en fait une colonie. Les �indig�nes n�y avaient pas le droit de vote (ils n�avaient donc pas � faire le service militaire), ils n��taient pas citoyens fran�ais, mais �sujets fran�ais�. Cependant en 1947, le nouveau statut de l�Alg�rie les a proclam�s citoyens fran�ais, mais pour �lire les d�put�s � une Assembl�e alg�rienne, soi-disant autonome, les Europ�ens et musulmans �taient divis�s en deux �coll�ges�. Les musulmans �lisaient le m�me nombre de d�put�s que les Europ�ens, alors que les premiers �taient presque dix fois plus nombreux que les seconds. L�in�galit� �tait donc �vidente. En France, les personnes �issues de l�immigration � et de nationalit� fran�aise ont les m�mes droits que tous les autres Fran�ais, droit de vote (mais pour le moment elles ne votent gu�re, ce qui est dommage), allocations familiales importantes pour les familles nombreuses, indemnit�s de ch�mage. Les immigr�s qui ne sont pas de nationalit� fran�aise et qui ne sont pas des �clandestins� b�n�ficient d�ailleurs aussi des allocations familiales et indemnit�s de ch�mage. Tout cela n�existait gu�re autrefois dans les colonies. Le manifeste des indig�nes de la R�publique se termine par l��vocation des �massacres de S�tif� qui ont suivi les �meutes du 8 Mai 1945, le jour de la fin de la Seconde Guerre mondiale, o� de nombreux volontaires alg�riens, marocains, tunisiens, africains avaient courageusement combattu notamment pour la lib�ration de la France. C�est ce qu�a rappel� r�cemment le beau film Indig�nes et j�avais regrett� qu�� la fin, il ne fasse aucune allusion � ces �meutes de S�tif. Les massacres qui ont suivi sont un �pisode tragique et scandaleux dans l�histoire des relations de la France avec l�Alg�rie et il me para�t juste et utile de le rappeler. Mais il faut les replacer pr�cis�ment dans le contexte. Il faut rappeler que d�s 1940, la grande majorit� des Fran�ais d�Alg�rie ont �t� tr�s favorables au r�gime du mar�chal P�tain. Ils ont approuv� des mesures plus graves que celles qui ont �t� d�cid�es en France contre les Juifs d�Alg�rie (sauf �videmment que ceux-ci n�ont pas �t� d�port�s par les Allemands). Lorsque apr�s le d�barquement am�ricain en Afrique du Nord, le g�n�ral de Gaulle a install� � Alger le gouvernement provisoire de la R�publique fran�aise, il a supprim� les mesures d�cid�es par P�tain, au grand m�contentement des Europ�ens d�Alg�rie. Ils ont �t� encore plus m�contents lorsque de Gaulle a promis aux Alg�riens musulmans qu�ils deviendraient apr�s la guerre citoyens fran�ais, pour encourager nombre de jeunes Alg�riens � combattre pour la France, ce qu�ont fait beaucoup d�entre eux. Ceux-ci, la guerre �tant termin�e, devaient regagner l�Alg�rie et ils y auraient r�clam� ce qu�avait promis de Gaulle. Mais celui-ci, en ao�t 1944, avait regagn� Paris lib�r�, avec son gouvernement et le 8 mai 1945, les Europ�ens d�Alg�rie et les autorit�s militaires laiss�es sur place ont tir� pr�texte des �meutes de S�tif pour mener une terrible r�pression, afin de dissuader � l�avance les soldats d�mobilis�s qui allaient revenir de France, d�exiger l�application des r�formes promises par de Gaulle. Celui-ci n�a gu�re �t� inform� des massacres qui se produisaient alors en Alg�rie et apr�s coup, la commission d�enqu�te qu�il envoya pour faire la lumi�re sur ce drame, fut emp�ch�e d�agir. Il faut rappeler ce drame de S�tif et expliquer tout cela. Contrairement � ce que proclament les �Indig�nes de la R�publique� ce n�est pas la France qui a massacr� des Alg�riens, c�est un groupe de colonialistes qui avaient �t� favorables au r�gime de Vichy qui �collaborait� alors avec le r�gime hitl�rien.
Sur quoi se basent les repr�sentations g�opolitiques du colonialisme dans l��re postcoloniale ?
Aujourd�hui, en France, dans l�ensemble de l�opinion, le colonialisme fait l�objet de graves critiques, parce que les Fran�ais dans leur grande majorit� ont �t� soulag�s par la fin de la guerre d�Alg�rie et parce que d�s l�ind�pendance de l�Alg�rie, ils ont repouss� toute id�e d�intervenir dans les affaires de l�Alg�rie. Aussi on ne veut plus entendre parler en France de la colonisation et le plus souvent l�id�e qu�on s�en fait est tout � fait simpliste. On ignore que la plupart des conqu�tes coloniales furent en v�rit� assez faciles et qu�elles se sont faites (notamment en Inde) avec la complicit� de notables indig�nes qui ont profit� des changements juridiques introduits par la colonisation, pour s�approprier les terres ; ils n�avaient auparavant que le pouvoir de lever l�imp�t au nom du souverain. Ce ne fut cependant pas du tout le cas en Alg�rie et la conqu�te de celle-ci par une grande partie de l�arm�e fran�aise fut beaucoup plus longue et plus difficile que dans la plupart des autres pays. La lutte des Alg�riens pour l�ind�pendance fut, avec celle des Vietnamiens, la plus longue de toutes et une des plus meurtri�res.
L��cho des probl�mes politiques externes retentit en France. Comment agit-il ?
Le probl�me g�opolitique ext�rieur qui a le plus d��chos dans les banlieues fran�aises est �videmment le probl�me isra�lo-palestinien.
Vous parlez d�une singularit� g�opolitique de la Kabylie. Qu�est-ce � dire ?
La singularit� g�opolitique de la Kabylie r�sulte de causes anciennes et de causes r�centes. Parmi les causes anciennes, il faut d�abord tenir compte que la Grande Kabylie ou Kabylie du Djurjura, est un massif montagneux (900-1000 m�tres d�altitude) extr�mement peupl� , avec des densit�s de population de l�ordre de 200 habitants au kilom�tre carr�, ce qui serait d�j� tr�s important dans une r�gion rurale de plaine bien cultiv�e. Le massif de Grande-Kabylie est intens�ment cultiv� (oliviers, figuiers) par une population paysanne habitant de gros villages. Deuxi�me originalit� g�opolitique, la Grande- Kabylie se trouve relativement proche du centre politique qu�est Alger, depuis la domination turque au XVIe si�cle et malgr� cela les Kabyles ont gard� leur ind�pendance, ils ont conserv� leur langue berb�re et refusaient de payer l�imp�t. Aussi les Kabyles �taient-ils retranch�s dans leurs montagnes et ne descendaient dans les plaines avoisinantes que pour labourer, semer des c�r�ales et faire la moisson, en �tant organis�s de fa�on guerri�re pour repousser le pouvoir qui chercherait � s�emparer de leur moisson. Malgr� cet apport, les Kabyles n�avaient pas assez pour nourrir cette importante population montagnarde et ils avaient une importante activit� artisanale et presque industrieuse (bijoux, sabres, socs de charrue, tissus, de l�huile, des figues s�ch�es, etc.) qu�ils allaient vendre dans diverses r�gions du pays. La Grande-Kabylie n��tait donc pas une r�gion isol�e, elle avait de nombreux contacts notamment avec Alger et les Kabyles avaient une solide r�putation guerri�re. C�est ce qui a dissuad� les Fran�ais d�attaquer la Grande- Kabylie, et ils ne l�ont fait qu'en 1857 apr�s que la totalit� de l�Alg�rie ait d�j� �t� sous leur domination. Mais la conqu�te de la Grande-Kabylie s�est faite de fa�on tr�s diff�rente de celle de la plupart des r�gions d�Alg�rie. Dans celles-ci, les troupes fran�aises ont impos� leur domination � coups de massacres, de destructions de r�coltes et de b�tail pour briser la r�sistance des populations qui, � l��poque, vivaient surtout sous la tente pour suivre les d�placements de leurs troupeaux, et celles-ci ont repris � plusieurs reprises leur r�sistance. Elles ont �t� presque totalement an�anties dans la partie occidentale d�Alg�rie, o� Abd el-Kader a men� la guerre. Par contre, apr�s que les Fran�ais eurent mass� des troupes nombreuses autour de la Grande-Kabylie, leur offensive a �t� courte et brutale, et apr�s qu�ils eurent transport� des canons � un point dominant du massif (Larba� N�ait Iraten) d�o� ils pouvaient bombarder tous les villages sur les autres sommets, les tribus kabyles ont d� faire leur reddition. Elles se sont r�volt�es en 1871, lors de la crise que provoquait chez les Fran�ais la chute du Second Empire, mais elles ont �t� vaincues. L�autre originalit� g�opolitique de la Grande-Kabylie, c'est qu'elle est presque la seule r�gion d�Alg�rie o�, � la fin du XIXe si�cle, des �coles primaires fran�aises ont �t� implant�es et o� un assez grand nombre d�enfants ont appris � parler fran�ais, � lire et � �crire en fran�ais. Cela aura d�importantes cons�quences car de ce fait les Kabyles qui savaient un peu le fran�ais ont �t� les premiers � aller travailler en France. En effet, dans les autres r�gions d�Alg�rie, y compris Alger, les Europ�ens ne voulaient pas que les �indig�nes� apprennent le fran�ais. Ce refus paradoxal s�explique par le fait qu�un grand nombre de petits colons qui avaient plant� de la vigne (apr�s que le vignoble fran�ais eut �t� d�truit par un insecte, le phylloxera) ont �t� ruin�s, lorsque se sont effondr�s les prix du vin apr�s la reconstitution du vignoble fran�ais. Les petits colons ont �t� en quelque sorte prol�taris�s et ils sont partis vers les villes et surtout vers Alger pour y avoir quelques emplois dans des commerces ou des bureaux. C�est pourquoi ils voulaient �viter la concurrence des Arabes et que ceux-ci sachent lire et �crire en fran�ais. Comme en Kabylie, il n�y avait gu�re de colons, ceux-ci ne purent pas s�opposer � la cr�ation des �coles, comme ils le faisaient dans les autres r�gions d�Alg�rie. Aussi, des Kabyles furent parmi les premiers Alg�riens � aller travailler en France et ils y furent aussi parmi les premiers � participer au d�but du mouvement qui r�clamait l�ind�pendance de l�Alg�rie. Les premiers instituteurs alg�riens furent pour la plupart des Kabyles et parmi leurs enfants, nombre d�entre eux devinrent professeurs ou m�decins. Mais les Kabyles ont eu ensuite un r�le tr�s important dans le mouvement d�ind�pendance et dans la guerre de lib�ration. La Grande-Kabylie avait une forte importance strat�gique en raison de sa proximit� d�Alger, de l�importance de sa population et de ses opinions politiques. Mais, malheureusement, cela explique aussi les heurts en 1962 aux environs d�Alger entre l�ALN et les maquis de Kabylie (Willaya III) et la r�volte de Kabylie en 1963, ce qui, par la suite, a �t� une des causes du mouvement r�gionaliste kabyle� Il s�agit � mon sens non pas d�un mouvement s�paratiste, car le sentiment d�unit� nationale alg�rien est tr�s fort. Par contre, � partir de 1991-92, la Grande- Kabylie a �t� la r�gion la moins touch�e par le mouvement islamiste et par le GIA.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.