Quand, au premier vendredi de protestation, il donnait l'impression de ne pas prendre encore la mesure de ce qui se passait autour de lui, sous-estimant l'ampleur du mouvement de masse et ignorant la nature de la demande populaire, le pouvoir, même ébranlé, est resté dans ses certitudes et a produit le discours qui allait avec. Benyounès et Ouyahia «concédaient» ainsi aux Algériens la liberté d'exprimer leur avis mais les invitaient au final à traduire cela… dans l'urne, ce qui est la forme la plus cynique pour dire que sur l'essentiel, il n'est pas question de reculer. Un peu plus tard, quand les étudiants sont entrés en scène, avec le volume, la détermination et l'apaisement constatés, «ils» n'ont pas trouvé mieux que de jouer aux papas réjouis par la vigueur et la saine passion de leur progéniture. C'est tout juste s'ils ne nous avaient pas dit qu'ils ont été les inspirateurs bienveillants de leur colère. Rien n'indiquait qu'ils avaient enfin compris mais on pouvait tout de même l'espérer. Au deuxième vendredi de la révolte, on pouvait espérer un peu plus. Une marée humaine dans les rues d'une trentaine de villes du pays, une détermination à toute épreuve, une organisation sans encadrement visible et pourtant sans faille, des mots d'ordre qui vont à l'essentiel dans leur clarté et une sérénité rassurante sur le caractère pacifique des manifestations. Pour autant, le pouvoir n'a pas fait mieux dans ses réactions. Les médias publics qui commençaient quelques jours plus tôt à ouvrir une lucarne avaient retrouvé vendredi soir leur mission en ouvrant sur quelques escarmouches anecdotiques et en guise d'initiative politique d'«apaisement», c'est le ministre de… l'Intérieur qu'on avait envoyé en service commandé pour menacer par… la rigueur de la loi ! Cela annonçait déjà ce qui allait se passer au jour limite pour le dépôt des dossiers de candidature. Les Algériens ne se faisaient pas vraiment d'illusion sur son issue mais ils l'attendaient quand même, histoire d'en avoir le cœur net. La totale : Abdelaziz Bouteflika est toujours hospitalisé à Genève, avec la thèse du «bilan de routine» tombée en désuétude, le dossier de candidature a été déposé et, comme seule réponse politique à la révolte populaire, les Algériens ont eu droit à deux promesses, «s'il est élu» : il va réformer, puis organiser une présidentielle anticipée où il ne sera pas candidat. Si le pouvoir nous dit que la victoire sera forcément au bout, il ne nous apprend rien. Mais c'est quand même une cynique provocation en la circonstance, puisqu'il reprend ce que disaient il y a peu, dans l'emphase et l'arrogance Sidi Saïd et Haddad qui prédisaient une «simple formalité». S'il envisage sincèrement une «défaite», ce dont on ne peut pas le… soupçonner, il convient de se demander à quoi peuvent bien servir ses engagements, prétendument destinés à dénouer la situation. Dans les deux cas, le pouvoir s'enfonce. S. L.