A Montréal, on fait comme à Alger. Parce que dans pareilles situations, on ressent, plus qu'à d'autres moments, un besoin impérieux de communier avec les siens. Je me propose d'en parler prochainement parce que là n'est pas l'objet du présent billet. Il y en a qui trouvent que les marches et rencontres hebdomadaires tournent à la kermesse et appellent, par conséquent, à passer à autre chose. Autrement dit à plus sérieux. Comment réagir autrement quand on a perdu le goût de la plus innocente des récréations ? J'avais très envie de regarder un peu du côté des pisse-froid. Certes, les temps sont graves et mériteraient une prise en charge plus responsable. Mais qu'est-ce qui permet de douter de l'efficacité de cette forme-ci ? Qu'est-ce qui permet d'affirmer que jouer du tambour, marcher et chanter en sillonnant le pays est infructueux ? Jouer les rabat-joie, ce n'est pas ce que personnellement je recommanderais dans la conjoncture que nous traversons. Du coup, je dis tant mieux si les gens éprouvent le besoin de faire la fête en récupérant un espace qui leur a jusque-là été usurpé. Qu'il est important que les algériens renouent avec le sourire et la fête. En le faisant, ils réalisent le temps qu'on leur a fait perdre en leur confisquant jusqu'à l'envie de célébrer la vie. En verbalisant l'injustice, ils renforcent leur intention de se libérer de toute tentation de prolonger l'oppression. Les marcheurs avertissent ceux qui refusent de prendre au sérieux leurs sommations, qu'elles soient chantées en chœur ou déclamées à l'unisson, qu'ils ne seront plus vulnérables et encore moins sensibles aux chants des sirènes. Les revendications sont sérieuses. Les millions de manifestants qui réclament à coups de slogans toujours plus audacieux et révélateurs du génie algérien la liberté de choisir leurs représentants et le droit de peser dans la gestion du pays ne renonceront pas à leur besoin urgent d'évoluer autrement. De s'épanouir dans un univers dont ils ont été privés par ceux-là mêmes qui continuent à en jouir en les narguant. Assainir l'espace de ce que l'on ne veut plus subir permet de mieux appréhender la suite. M. B.