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Manifestations du 11 Décembre 1960 : un seul héros, le peuple...
Publié dans Le Soir d'Algérie le 10 - 12 - 2019


Par Djamal Kharchi (*)
Les manifestations du 11 Décembre 1960 revêtent une importance toute particulière dans la longue liste des dates historiques qui ont jalonné les sept années qu'aura duré la révolution armée déclenchée le 1er Novembre 1954 contre le pouvoir colonial français implanté en Algérie depuis juillet 1830.
Il y a cinquante-neuf ans, ce jour-là à Alger et sa proche banlieue, les quartiers arabes, comme on les appelait à l'époque dans le langage colon, vont faire l'actualité. Belcourt, Le Ruisseau, Clos-Salembier, Climat-de-France, La Casbah, Birkhadem, Kouba, El-Harrach... sont le théâtre de manifestations de grande ampleur pour revendiquer le droit du peuple algérien à l'autodétermination et à l'indépendance.
D'Alger, les manifestations s'étendent comme une traînée de poudre aux grandes villes du pays : Oran, Blida, Constantine, Sidi Bel-Abbès, Bône, Orléansville... Des foules immenses se rassemblent peu impressionnées par les dispositifs de sécurité.
Des manifestants déferlent par milliers dans les rues et bravent les forces de l'ordre qui leur font barrage. Portés par un même élan, ils arborent le drapeau algérien, brandissent des banderoles et crient à l'unisson des slogans politiques. Tous ces manifestants sont en écho avec le FLN. Ils expriment leur adhésion indéfectible à la révolution. Peuple et FLN sont en osmose totale face à la métropole et sa politique de louvoiement pour le maintien du statu quo colonial.
Les slogans fusent sans relâche sur fond de trilles de youyous lancés par des manifestantes en haïks immaculés : «Vive l'ALN », «Le FLN vaincra», «Vive l'Algérie musulmane indépendante», «Vive le GRPA», «Tête-à- tête de Gaulle-Abbas», «Négociations immédiates» et d'autres dans la même veine.
Ces manifestations sont une démonstration de force magistrale.
A Alger, elles signent la résurgence de l'organisation urbaine du FLN après la sanglante répression dont ses chefs furent la cible lors de la bataille d'Alger, ce qui réduisit considérablement ses activités clandestines.
Ce puissant mouvement populaire que le pouvoir colonial n'a pas vu venir l'aura surpris tant par son ampleur que sa détermination. Une semaine durant, du 11 au 18 décembre, les manifestations se répètent jour après jour, avec la même ardeur, malgré la répression qui s'abat sur les hommes et les femmes, sans distinction. Gardes mobiles dans leur véhicules blindés, appelés du contingent, policiers et CRS sont débordés par des manifestants déterminés qui, parfois, feront des incursions dans les quartiers européens où ils se heurtent aux activistes pieds-noirs dits «ultras» dont plusieurs d'entre eux périront dans les échauffourées.
Pour la première fois, reporters, cameramen et photographes étrangers sont témoins des événements auxquels ils donnent une résonance planétaire. La dure réalité du colonialisme français en Algérie éclate au grand jour. Le peuple algérien suscite la sympathie des nations dans son juste combat pour la liberté.
Manifestations du 8 Mai 1945 - Manifestations du 11 Décembre 1960 : contextes et revendications
Après les nombreuses insurrections qui se sont succédé tout au cours du XIXe siècle, dont celle de l'Emir Abdelkader fut la plus longue dans le temps et la plus étendue dans l'espace, le combat contre l'ordre colonial va prendre une tout autre forme que la lutte par les armes avec la création de partis politiques dits nationalistes qui vont mener une action politique revendicative dans le cadre des institutions de la république française. Aussi, les manifestations du 8 Mai 1945 s'inscrivent-elles dans une logique de militantisme partisan à caractère purement pacifique.
Le 8 Mai 1945 marque la fin des hostilités de la Seconde Guerre mondiale à laquelle 150 000 Algériens ont participé, mobilisés sous le drapeau tricolore. Ce jour-là, à Sétif plus précisément, une manifestation est organisée par «Les Amis du manifeste et de la liberté», sous l'égide de Ferhat Abbas et de militants du PPA (Parti du peuple algérien) de Messali Hadj. La fin de la guerre a suscité moult espoirs parmi les populations algériennes.
Les banderoles portent divers slogans : «Algérie libre », «A bas le colonialisme», «Nous sommes vos égaux», «Libérez Messali», ce dernier ayant été déporté, le 25 avril 1945, à Bakouma, au Congo-Brazzaville.
Dans une clameur de slogans scandés en chœur et de chants patriotiques, le cortège de manifestants s'ébranle en direction du monument aux morts pour y déposer une gerbe de fleurs. Les Algériens ont payé un lourd tribut à la guerre. En retour, ils attendent que le gouvernement de la métropole tienne ses promesses faites pendant le conflit, à savoir l'octroi d'un statut identique à celui des Européens en termes de droits et de libertés. La manifestation a été organisée à cette seule et unique fin. Pour la première fois, le drapeau du PPA, qui va devenir l'emblème national, apparaît en tête de cortège brandi par un jeune Scout musulman. Ce geste lui coûtera la vie. Il est froidement abattu par les forces de sécurité. Sitôt la manifestation tourne à l'émeute, puis au carnage.
La répression est impitoyable, meurtrière. Les civils européens, la police et l'armée se livrent à des exécutions massives et des représailles collectives. Les manifestants arrêtés sont torturés avant d'être pour la plupart exécutés sommairement. C'est une tragédie inouïe. Désignés par euphémisme «Evénements ou troubles du Nord- Constantinois», les massacres du 8 mai 1945 à Sétif, Kherrata, Bougie ou Guelma laissent le peuple algérien anéanti. Les autorités coloniales parleront de 1165 musulmans tués.
Un rapport des services secrets américains à Alger estima le nombre de morts à 17 000. Les populations victimes des violences décomptent 45 000 morts. Des chiffres éloignés les uns des autres de plusieurs ordres de grandeur.
En comparaison, les Européens eurent 102 morts et 110 blessés. La commission d'enquête présidée par le général Tubert désignée par le gouvernement n'ira pas au terme de sa mission, tandis que l'impunité est accordée aux tueurs.
A la différence des manifestations du 8 Mai 1945 où militaires et policiers firent usage de leurs armes à volonté, il en alla tout autrement pour celles du 11 Décembre 1960. Les autorités coloniales évitèrent autant que possible le bain de sang. Et pour cause. La France était dans une position délicate au plan diplomatique. Le 25 juillet 1960, vingt-cinq pays afro-asiatiques ont signé une demande d'inscription de la question algérienne à l'ordre du jour de la XVe session de l'Assemblée générale des Nations unies qui, traditionnellement, s'ouvre le 20 septembre et s'achève à la mi-décembre. Cette procédure était engagée pour la sixième fois consécutive. En novembre 1955, elle donna lieu à une déclaration d'incompétence.
En février 1957 et les fois suivantes, ce fut des résolutions «neutres» sans impact significatif, puisqu'il était laissé aux parties en conflit le soin de trouver ensemble une solution. La France restait fidèle à la thèse de l'incompétence des Nations unies, au motif que l'Algérie était partie intégrante de la France et qu'à ce titre il s'agissait d'une question purement interne de maintien de l'ordre. Elle estimait en outre que l'ingérence de l'ONU ne faisait que compliquer et retarder la solution du problème algérien. Mais en cette année 1960, le Conseil de sécurité de l'ONU s'annonçait particulièrement favorable à l'émancipation des peuples colonisés et au droit à l'autodétermination. Contrairement aux manifestations du 11 Décembre 1960, celles de Sétif et des autres villes du Constantinois n'avaient pas bénéficié d'une couverture médiatique étrangère qui aurait permis de porter à la connaissance de la communauté internationale les exactions commises par les milices de colons avec la complicité des forces de sécurité et de l'armée, si bien que le gouvernement français a pu, à sa guise, minimiser la gravité des événements et réduire à quelques centaines le nombre des victimes algériennes qui se comptaient alors par milliers. Il faut bien souligner que le contexte de l'année 1945 était totalement différent de celui des années 60. Le 8 Mai 1945, jour de la Victoire, le monde sortait exsangue de la Seconde Guerre mondiale avec plus de 50 millions de morts et des destructions incommensurables. Par ses proportions, une telle catastrophe ne pouvait qu'occulter les massacres commis dans l'Est algérien, quelle qu'en fût leur ampleur.
De la pacification à outrance à la politique de fraternisation
Dès son retour au pouvoir en juin 1958, de Gaulle ne va guère lésiner sur les moyens pour mettre fin aux «événements d'Algérie», expression consacrée par le gouvernement français pour désigner la révolution armée. Jamais la France n'aura déployé autant de forces militaires avec l'appui de l'Otan pour atteindre son but, pas même lors de la guerre d'Indochine dont nombre d'officiers supérieurs et officiers généraux qui y participèrent rejoignirent les champs de bataille d'Algérie.
En 1959, de Gaulle parraine des opérations de pacification de grande envergure en vue d'une victoire décisive sur l'ALN. En février, c'est le «Plan Challe» ou «Opération couronne», à travers tout le pays. Début juillet, c'est les opérations «Etincelles» dans le Hodna. A la fin juillet suivent les opérations «Jumelles» en Grande Kabylie. Aucune de ces opérations militaires n'apportera la victoire tant espérée, à l'instar de celles qui ont précédé l'arrivée du général de Gaulle au pouvoir, telles que les opérations Eckmühl, Oiseau bleu, Aloés, Véronique ou Violette. Du 27 au 31 août 1959, au plus fort de la guerre d'Algérie, de Gaulle effectue une visite d'inspection militaire, que la presse métropolitaine appela la «Tournée des popotes», au cours de laquelle il va insister sur la nécessité d'une victoire complète de la France et sur son droit à rester en Algérie. Il parle alors d'une Algérie algérienne liée à la France. D'ailleurs, il aura cette phrase rude et sans équivoque : «Moi vivant, jamais le drapeau du FLN ne flottera sur l'Algérie !» Et pourtant... Le 9 décembre 1960, le général de Gaulle effectue son huitième voyage en Algérie depuis son retour au pouvoir. Il entame la première étape de sa visite à Aïn-Témouchent, la ville coloniale par excellence, où le vignoble a fait la prospérité d'une caste de grands propriétaires terriens. Pendant six jours, et ce jusqu'au 14 décembre, il va prendre le pouls du pays à travers plusieurs villes: Tlemcen, Orléansville, Cherchell, Blida, Tizi-Ouzou, Bougie. Cette visite intervient à un moment crucial où le devenir de la colonie polarise les esprits dans la communauté européenne farouchement hostile à sa politique algérienne qu'elle juge trop conciliante avec la communauté musulmane.
En fait, c'est l'heure de vérité pour le général de Gaulle face au front de l'Algérie française incarné par des extrémistes actifs partisans de l'action violente d'un côté, et de l'autre le peuple algérien fidèle à la cause nationale.
Avec l'armée, ses relations se sont corsées depuis un moment. Sa visite en Algérie vise à rassurer les chefs militaires sur ses intentions et à promouvoir auprès des deux communautés son projet de «troisième voie», résumé dans la formule «Algérie algérienne», calqué sur le modèle mis en œuvre dans les anciennes colonies françaises. Celui-ci consiste à céder le pouvoir à une classe politique autochtone prédisposée à rester dans le giron de la France. La domination coloniale sous sa forme traditionnelle aura de la sorte emprunté un nouveau visage. En somme un néo-colonialisme qui ne dirait pas son nom.
Le 8 décembre 1960, à la veille de sa visite en Algérie, le général de Gaulle annonçait dans un discours l'organisation d'un référendum à la date du 8 janvier 1961 sur «l'autodétermination des populations algériennes». Aussitôt, le GRPA, par la voix de son président, Ferhat Abbas, rejetait l'idée même d'un référendum, au motif que le choix du peuple algérien quant à son devenir ne pouvait être subordonné à la consultation du peuple français.

En conséquence de quoi, le GRPA se déclara déterminé à faire échec à «la sinistre mascarade du référendum», selon ses propres termes. Il s'en tenait strictement au principe de négociations directes entre les deux gouvernements, ce qui impliquait la reconnaissance du GRPA comme légitime représentant du peuple algérien. En effet, de Gaulle comptait associer le MNA (Mouvement national algérien), ce parti créé par Messali Hadj au lendemain du 1er Novembre spécialement pour contrer la révolution. Il deviendra un instrument aux mains de la France qui ne manquera pas de l'actionner dans les maquis selon ses objectifs du moment.
Partout où il se déplace lors de sa visite en Algérie, de Gaulle tient pratiquement le même discours. Il s'adresse aux deux communautés, française et musulmane, et les invite à coopérer pour construire ensemble l'Algérie de demain. A la communauté musulmane, il dit que c'est à elle qu'il appartient de prendre des responsabilités algériennes qui correspondent à sa valeur et son importance. A la communauté de souche française et européenne, il dit que l'Algérie ne peut se faire comme il faut, c'est à dire fraternelle et moderne, sans son concours éminent, sans sa participation résolue avec la communauté voisine. Et la France, elle, est prête à continuer à apporter son appui et son concours, et à le faire fraternellement.
Tout au long de son périple algérien ponctué de discours dans la même veine, de Gaulle est acclamé par une toute petite minorité de la population musulmane, composée d'élus locaux acquis à la France en grande tenue d'apparat, burnous, turbans et babouches ; de pauvres paysans crédules tirés de leurs douars-gourbis, de citadins solubles à la politique d'assimilation, de spectateurs plus curieux que conquis, et en la circonstance, d'enfants des écoles indignés tous munis de drapeaux tricolores qu'il agitent innocemment à son paysage. La communauté européenne, elle, ne montre aucun enthousiasme à la visite de de Gaulle qu'elle accueille fraîchement. D'ailleurs, il ne se rendra ni à Alger ni à Oran où depuis plusieurs jours des confrontations sanglantes opposaient pieds-noirs et forces de l'ordre.
Une telle situation semblait laisser entendre à l'opinion mondiale que si la communauté européenne d'Algérie était en ébullition, cela tenait au fait que la population musulmane qui accueillait chaleureusement de Gaulle, cette minorité que les caméras de l'époque filmaient en gros plan, lui était reconnaissante pour ses bienfaits à son égard. Une propagande qui risquait de fortement discréditer le FLN dans sa revendication du droit à l'autodétermination. La riposte ne se fera guère attendre. Les manifestations populaires du 11 décembre 1960 vont apporter un cinglant démenti à la propagande officielle. Ce sera une bataille pour l'opinion publique internationale et la suite des événements par contrecoup. La mobilisation massive du peuple algérien a été un facteur-clé de ce grand bras de fer entre le gouvernement français et le GRPA qui en sortira vainqueur.
La mort du mythe
de l'Algérie française
Si les manifestations du 8 Mai 1945 et la répression sauvage qui s'ensuivit ont été le prélude au déclenchement de la révolution du 1er Novembre 1954, du fait de la radicalisation irréversible des militants du mouvement national, celles du 11 Décembre 1960 seront le catalyseur qui ouvrira la voie à l'indépendance de l'Algérie. Leur impact fut immense à plus d'un titre. Elles marquent un tournant majeur dans le cours de la guerre. Les manifestations massives du 11 décembre ont mis à nu les atermoiements du général de Gaulle avec le GPRA, représentant incontestable du peuple algérien en lutte. Le peuple algérien a toujours réclamé son indépendance totale et rien n'aura pu le détourner de son objectif, ni le miroir aux alouettes de l'ambitieux plan de développement économique et social que le général de Gaulle annonça dans son discours de Constantine du 30 octobre 1958, ni le chant des sirènes de la fraternisation entre communautés. La volonté du peuple algérien s'était en toutes circonstances affirmée sans détours : libérer le pays du joug colonial, ce rêve qu'il nourrissait depuis 1830.
Faute de pouvoir amorcer un dialogue constructif avec les combattants nationalistes, faute aussi de trouver un interlocuteur valable dans une «troisième voie» que le peuple algérien accréditerait de sa confiance, le général de Gaulle se trouve alors au milieu du gué et il n'est pas au bout de ses peines.
Le 14 décembre 1960, l'Assemblée générale des Nations unies délibère sur la question algérienne qu'elle a inscrite à l'ordre du jour de sa XVe session placée sous le signe de la décolonisation.
Les résolutions 1514 et 1541 qu'elle a adoptées portent respectivement sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux et sur la définition des trois options pour l'autodétermination. Ces résolutions sont une véritable exhortation en direction des puissances coloniales pour «permettre aux peuples colonisés d'exercer pacifiquement et librement leur droit à l'indépendance complète». L'ONU se reconnaissait la responsabilité de contribuer à ce que le droit de libre détermination soit mis en œuvre avec succès et justice sur la base de l'unité et l'intégrité territoriale des pays concernés. Dès lors, de Gaulle est dans l'impasse. C'est la mort du mythe de l'Algérie française.
A la fin de l'année 1960, contraint et forcé par les circonstances, de Gaulle n'a d'autre choix que de reconnaître le GRPA et d'engager des négociations directes avec ses représentants. Malgré plusieurs interruptions, les négociations reprendront et se poursuivront jusqu'à la déclaration d'indépendance de l'Algérie.
Un seul héros, le peuple...
Le peuple algérien a écrit les plus belles pages de notre roman national. Sous l'ère coloniale, aux heures les plus sombres de son histoire, il a toujours répondu présent à l'appel de la patrie. Il a toujours respecté ce lien sacré qui l'unit à la terre des ancêtres dont il n'a jamais trahi l'attachement et la dévotion qu'il lui voue au-delà de toute limite. Ce peuple a été de toutes les luttes et de tous les combats. A l'appel du 1er Novembre, il s'est levé comme un seul homme, grand, droit et inflexible. Il a su garder fierté et dignité lorsque tout semblait perdu. S'il a parfois fléchi, jamais il n'a cédé à la résignation, ni abdiqué dans l'adversité. Il a toujours su se relever, confiant en sa foi, fort de ses principes dont il ne s'en est jamais départi. Il a toujours su prendre la mesure des enjeux et défis. Un peuple de trempe, de feu et de cœur. Riche de son passé, fier de ses racines, imbu d'orgueil et de justice, il a su donner à la Révolution de Novembre ses plus belles lettres de noblesse. Il a su impulser la dynamique du lien national et changer le cours de l'histoire. Il est le seul et unique héros de la révolution. Et en tant que tel, il mérite honneur et respect. Comment se peut-il qu'un tel peuple ait pu être marginalisé une fois le pays libéré? Que sa volonté et ses aspirations profondes, celles-là mêmes qui lui insufflèrent la force du combat anticolonial, furent ignorées à l'heure où se décidait l'avenir de la nation et de ses enfants?
Comment se peut-il qu'un tel peuple qui a connu 132 années d'injustices ait pu en subir de bien plus pires, une fois l'indépendance acquise?
«Un seul héros, le peuple» a été le slogan du 5 Juillet 1962. Pour quel résultat ? Hélas, la vérité m'oblige à répondre : «Le mépris sous toutes ses formes.» Dès la proclamation de l'indépendance, la compétition pour le pouvoir entre militaires et politiques fut d'une férocité inqualifiable. Des affrontements sanglants opposèrent les partisans de chacun des deux camps.
Encore une fois, le peuple sortit dans la rue et appela à la raison dans son fameux slogan «Sept ans, ça suffit !», en ce sens que la guerre d'indépendance avait fait couler suffisamment de sang. Ces événements occultèrent totalement le débat sur la forme du pouvoir de l'Etat national restauré, tandis que le peuple fut bien vite mis sous tutelle du FLN par le truchement du régime du parti unique. Inéluctablement, le pays était condamné à la dérive et aux turpitudes de ses dirigeants, en l'absence d'un dispositif institutionnel dédié à la sanction populaire. Si le FLN a été l'instrument de rassemblement du peuple algérien pour combattre l'ennemi commun, en l'occurrence le colonisateur français, après l'indépendance, il n'était plus le moyen politique approprié pour assurer le gouvernement d'une nation et l'épanouissement d'une société qu'il enferma dans le carcan de la pensée unique. Un système à contre-sens de cette liberté chèrement acquise dont le peuple peut se flatter de la grandeur de son sacrifice. Force est de reconnaître que le FLN post-indépendance a enterré les idéaux du peuple algérien, et en cela il n'a plus de raison d'être.
L'Etat-nation a-t-il perdu le souffle de son propre peuple ? Peuple et dirigeants ne sont-ils plus de la même trempe ? L'amnésie, le reniement ont-ils eu raison de ce lien sacré qui aurait dû les unir à tout jamais, comme le rêvaient les martyrs de Novembre ? Ces hommes dont la postérité retiendra les valeurs hautement morales pour lesquelles ils se sont sacrifiés ?
Le peuple souverain, source de tout pouvoir, tel que consacré dans la Constitution, autant que la devise : «Par le peuple et pour le peuple» inscrite au fronton des administrations publiques, n'ont eu de prolongement concret dans la vie politique nationale. Et même le principe du multipartisme introduit dans la Constitution de février 1989 ne put traduire ses vertus démocratiques dans une alternance au pouvoir.
Le peuple reste et demeure le grand absent au sein des institutions représentatives de l'Etat. Ses droits souverains ont été usurpés. Ce peuple, corps de la nation, artisan de Novembre, a été évincé de la scène politique. A ce jour, sa voix reste et demeure inaudible dans les arcanes du pouvoir. Sera-t-il entendu un jour? Une nouvelle aube politique, source d'une renaissance nationale dans l'esprit des valeurs de Novembre, s'ouvrira-t-elle demain sur l'Algérie ? Le peuple pourra-t-il un jour se réapproprier ses marges de souveraineté et occuper la place centrale qui lui revient dans le fonctionnement de l'Etat ? Seul l'avenir nous le dira.
D. K.
(*) écrivain, ex-directeur général de la Fonction publique, docteur en sciences juridiques


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