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Doha vs Riyad, Abu Dhabi, Manama et Le Caire : les raisons de la colère
Publié dans Le Soir d'Algérie le 30 - 12 - 2019


Par Mostefa Zeghlache, ancien diplomate
Riyad, le 10 décembre 2019. Le commentateur de la chaîne de télévision publique Al Akhbariya lance un «bienvenue au peuple du Qatar» et y ajoute «bienvenue dans votre deuxième pays», comme s'il s'adressait directement au Premier ministre de l'émirat du Qatar, le cheikh Abdallah ben Nasser Al Thani, arrivé à Riyad pour représenter son pays aux travaux du 40e sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Propos inhabituels ? C'est le moins que l'on puisse dire, depuis le printemps 2017.
Pour preuve, l'accueil réservé au dirigeant qatari lors du sommet extraordinaire du CCG tenu à La Mecque en mai 2019 avait été qualifié de «glacial» par les observateurs. Par ailleurs, le souverain saoudien avait boudé le sommet ordinaire du 5 décembre 2017 tenu à Koweït pour lequel il n'avait dépêché que son ministre des Affaires étrangères. Ce sommet s'était tenu dans le sillage d'une grave crise politique qui s'était produite en mai-juin 2017 et mis en jeu le Qatar face à trois des six membres du CCG, l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et le Bahreïn, pays auxquels s'était associée l'Egypte du maréchal Sissi.
Peu de jours après la visite de Donald Trump en Arabie Saoudite, le site Qatar News Agency publiait, le 23 mai 2017, un commentaire conciliant attribué à l'émir du Qatar sur l'Iran, le Hezbollah et Hamas. La réaction des autorités saoudiennes soutenues par Abu Dhabi et Manama a été prompte et vive, malgré le démenti de Doha qui a accusé Abu Dhabi d'avoir sciemment piraté le site de l'agence qatarie. C'était la goutte qui avait fait déborder le vase. En effet, la veille, en avril 2017, le Qatar avait payé à des miliciens chiites irakiens soutenus par Téhéran une forte somme d'argent contre la libération d'otages sunnites. La transaction avait été considérée par Riyad comme douteuse et destinée à financer des «terroristes».
C'est dans cette ambiance délétère que l'Arabie Saoudite, ses deux alliés du CCG et l'Egypte mettent en œuvre, le 5 juin 2017, une vaste opération «punitive» contre le Qatar. Ils rompent leurs relations diplomatiques avec l'émirat accusé de soutenir et de financer le terrorisme et de contribuer à déstabiliser la région en raison de ses relations avec l'Iran. De même, ils décrètent un blocus terrestre, aérien et maritime contre le Qatar, dont la seule frontière terrestre est avec l'Arabie Saoudite.
Le 22 juin, la diplomatie koweitienne, chargée de la médiation, transmet à Doha une liste de treize exigences, devenues plus tard six, formulées par le quatuor comme conditions sine qua non à un retour à des relations normalisées. Parmi ces conditions figurent le réexamen des relations avec l'Iran, l'expulsion de tous les dirigeants de la confrérie des Frères musulmans, qualifiée par ces pays, notamment l'Egypte du putschiste Sissi, d'organisation terroriste, l'arrêt de la coopération militaire avec la Turquie qui possède une base militaire dans le petit émirat, la fermeture de la chaîne d'Al-Jazeera, considérée comme subversive, notamment depuis 2011 et le Printemps arabe…
Le Qatar refuse de s'y plier et un vent de panique commença à souffler sur Doha où l'on a enregistré une ruée sur les supermarchés. Mais le malaise cessa rapidement et la situation se normalisa progressivement grâce, en particulier, aux importantes réserves financières de l'émirat et au soutien providentiel de l'Iran et de la Turquie pour contourner le blocus.
En effet, l'Iran envoya, dès le 11 juin, d'importantes quantités de produits de large consommation au Qatar et ouvrit son espace aérien aux vols commerciaux à destination ou en provenance de Doha, puisque la flotte de la compagnie Qatar Airways n'était pas autorisée à survoler l'espace des quatre pays susmentionnés. Cette crise a ouvert une brèche dans les rangs des pays du CCG, bénéfique pour l'Iran, isolé dans la région. Auparavant, les relations entre le Qatar et l'Iran étaient axées sur la sphère économique et plus particulièrement l'exploitation du gisement gazier qu'ils partagent (South Pars avec des réserves de 215 milliards de barils de pétrole et 14 000 m3 de gaz, 8/% des réserves mondiales). Même si avec la Russie et l'Iran le Qatar contrôle près de 50% des réserves mondiales de gaz, les relations commerciales restent moindres avec l'Iran en comparaison à celles entretenues entre ce pays et les Emirats arabes unis (EAU) qui sont les seconds importateurs de biens iraniens dans le monde, après la Chine.
Au plan politique, ces relations étaient plutôt «fraîches». En effet, on se rappelle qu'en janvier 2016, la Qatar avait rappelé son ambassadeur à Téhéran suite à l'attaque contre l'ambassade saoudienne. Et à l'issue du sommet de la Ligue arabe tenu en mai 2019 (en parallèle avec les sommets du CCG et de l'OCI), organisé à La Mecque pour contrer l'influence iranienne dans la région, seul l'Irak avait refusé d'endosser le communiqué commun très critique à l'égard de Téhéran. Ensuite, la crise aidant, le Qatar a décidé de rouvrir son ambassade à Téhéran le 24 août 2017.
S'agissant de l'accord sur le nucléaire iranien, le Qatar l'a considéré comme «une étape importante sur la voie de la paix et de la stabilité dans la région, contrairement à l'Arabie Saoudite et les EAU qui l'avaient sévèrement critiqué.
Mais c'est l'attitude turque qui défraya la chronique.
En effet, dès l'annonce des mesures coercitives contre le Qatar, la Turquie s'investit pleinement dans le processus enclenché pour, d'abord manifester ses regrets, ensuite lancer des appels à la retenue et proposer sa médiation et, enfin, dénoncer une «ingérence dans les affaires du Qatar». Dans la foulée, on se rappela l'existence d'un accord de coopération de défense signé avec le Qatar à Ankara, en décembre 2014 et ratifié par le parlement turc le 27 mars 2015 pour réunir ce dernier qui vota, le 7 juin, et en procédure accélérée, l'envoi de militaires et de blindés vers la base turque dans l'émirat.
Collectivement, et en août 2017, Doha, Ankara et Téhéran signent une convention mettant en place des mécanismes de réduction des coûts et de la durée de transit des marchandises. Pourquoi un tel engagement et de cette nature d'Ankara qui, le moins que l'on puisse dire, est qu'il risquait de lui aliéner ses intérêts avec les autres pays du CCG, à l'exception du Koweït et d'Oman, deux pays ayant manifesté leur neutralité, et de lui ôter toute chance de jouer le rôle de médiateur auquel elle aspirait ? Ce qui d'ailleurs est souligné par l'ambassadeur saoudien à Ankara, Walid Al-Khuraiji, au Daily Sabah : «Nous espérions qu'Ankara reste impartial afin de conserver de bonnes relations avec tous les pays du Golfe.
En soutenant Doha, Ankara a renoncé à sa neutralité et perdu son statut d'acteur impartial pour une médiation.» Une attitude plus surprenante encore lorsqu'on se rappelle que c'est l'ensemble du CCG qui accorda, en septembre 2008, à la Turquie, la distinction de «partenaire stratégique», attribuée pour la première fois à un pays hors du Golfe.
Il faut savoir aussi que, jusqu'au début des années 2000, les relations turco-qataries ne se singularisaient pas par un aspect stratégique particulier, gérées qu'elles étaient par deux principaux accords de coopération signés en mars 1985 et portant sur la coopération économique, technique et culturelle.
Le 25 décembre 2001, le Cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani effectue une visite officielle à Ankara et trace la voie à une coopération économique et culturelle plus conséquente. C'est avec l'ascension du parti islamiste ­—Parti de la justice et du développement — fondé en 2001 par Tayyip Erdogan, lui-même devenu Premier ministre en 2003 et président de la République en 2014, que la Turquie entame un véritable redéploiement vers le Moyen-Orient qui constituait l'essentiel de l'Empire ottoman dont l'héritage est revendiqué par l'AKP et surtout son chef, Erdogan.
Dans ce contexte, certains rappellent qu'une crise similaire, avec les spécificités de l'époque et de moindre envergure, s'était produite en… 1871 et y voient un certain «continuum historique» avec celle de… 2017 ! En effet, en 1867, les Qataris se révoltent contre l'emprise de la famille bahreïnie des Al Khalifa qui lancent une opération punitive contre eux. Et c'est grâce à l'intervention diplomatique britannique que le Qatar obtient un statut distinct de Bahreïn, sous la direction d'un riche cheikh nommé Mohammed ben Thani qui fonde ainsi la «dynastie» des Al Thani qui règne toujours sur le Qatar.
A cette date et dans le contexte de la rivalité anglo-ottomane pour le contrôle de la région et contestant les prétentions hégémoniques des dirigeants saoudiens et bahreinis, la famille Al Thani sollicita l'assistance de Nedim Pacha qui décida l'envoi de 3 000 hommes à Ras Tanura, en Arabie Saoudite, destinés à assurer l'intégrité territoriale et l'autonomie du Qatar. Certains analystes trouvent là une relative similitude de situations à un intervalle de près d'un siècle et demi. En tout cas, si les évènements de 1871 ont «trotté» dans l'esprit de Tayyip Erdogan et de son allié Tamim ben Hamad Al Thani, on comprendrait mieux l'attitude turque en 2017. Mais là n'est pas la question et l'histoire ancienne ne peut expliquer seule celle d'aujourd'hui marquée par la recherche de l'influence géopolitique et surtout la convergence des intérêts économiques.
Dans ce contexte, les deux pays signent, en juillet 2012, un accord de formation militaire. Avec l'accord de défense de décembre 2014, un comité stratégique suprême a été institué. Un an après, en décembre 2015, Erdogan effectue une visite officielle au Qatar à l'issue de laquelle 15 accords sont signés et la base militaire inaugurée. Entre 2011 et 2014, la coopération militaire a rapporté à la Turquie pas moins de 120 millions de dollars. Depuis, la coopération économique s'est intensifiée au point où le Qatar, avec plus de 20 milliards de dollars d'investissements directs, est devenu le second investisseur étranger dans ce pays.
L'organisation par le Qatar de la Coupe du monde de football en 2022 offre une grande opportunité pour les entreprises turques qui ont raflé d'importants contrats.
Mais l'aspect politico-idéologique des relations turco-qataries est un des fondamentaux qui éclairent le mieux l'alliance stratégique entre Ankara et Doha. Il s'agit de la question de la confrérie des Frères musulmans.
S'agissant des Frères musulmans, il y a lieu de se rappeler que les disciples de Hassan Al Banna et de Sayed Qutb qui fuyaient, dans les années 50 et 60 du siècle passé, la répression du régime nassérien avaient trouvé, et en nombre, refuge auprès des monarchies arabes du Golfe où ils ont constitué l'ossature humaine de l'essor économique et social de ces pays. C'est à la suite de l'irruption du Printemps arabe, que ces monarchies craignaient comme la peste, mais que le Qatar et la Turquie supportaient, du moins dans son aspect islamiste, que les divergences apparurent.
Elles atteignent leur summum lorsque le putschiste Sissi renversa le 3 juillet 2013 le président islamiste démocratiquement élu, Morsi, et lança une répression féroce à l'égard non seulement les Frères musulmans mais aussi contre l'opposition laïque égyptienne.
Le coup d'Etat de Sissi fut sévèrement critiqué par Doha et Ankara, mais encouragé et soutenu par Riyad et Abu Dhabi. Nombreux parmi les leaders islamistes à avoir trouvé refuge au Qatar. Le soutien politique, financier et médiatique (via Al Jazeera) de Doha à ces opposants irrita les dirigeants saoudiens et les Emiratis. Ce qui n'empêche pourtant pas la coalition menée par l'Arabie Saoudite de se battre aux côtés des groupuscules islamistes sunnites contre les Houthis au Yémen.
La convergence stratégique turco-qatarie s'étend à d'autres organisations islamistes dans des pays comme la Tunisie et la Libye. La victoire d'Ennahdha en Tunisie avait été saluée, comme ce fut le cas pour le parti Justice et Liberté de Morsi en Egypte, comme la victoire du peuple musulman contre l'autoritarisme séculier et du conservatisme laïc des régimes en place. En Libye, le Gouvernement d'union nationale (majoritairement islamiste) établi à Tripoli trouve soutien politique et assistance militaire auprès d'Ankara et Doha. Tandis que Le Caire, Abu Dhabi et Riyad soutiennent le camp adverse.
Autre grief d'Ankara contre Riyad et ses alliés a été le retard de Riyad et d'Abu Dhabi pour condamner la tentative de coup d'Etat du 15 juillet 2016 contre Erdogan, contrairement à la promptitude de Doha.
A travers l'épisode, toujours en cours, de la tension entre Doha et les 4 autres capitales, nous voyons émerger une volonté manifeste d'Ankara à vouloir jouer un rôle de puissance régionale tout en acceptant la contrainte d'un alignement ouvert sur les thèses de Doha. Le propre d'une puissance régionale est non seulement d'avoir les moyens de s'affirmer et d'être reconnue comme telle par les autres, mais surtout acceptée par eux.
Or, ce n'est pas le cas de la Turquie avec l'ensemble des pays du CCG. L'ère de l'Empire ottoman est bien révolue. D'autres plus puissants encore l'ont remplacé avec à leur tête l'empire américain.
Fidèle à sa réputation de président «ambivalent», le président Donald Trump a soufflé le chaud et le froid dans le dos des dirigeants qataris. Au déclenchement de la crise, il prit fait et cause pour les Saoudo-Emiratis en déclarant, lors d'une conférence de presse avec son homologue roumain, le vendredi 9 juin, que la «nation du Qatar, malheureusement, a historiquement financé le terrorisme à un très haut niveau». La déclaration surprit non seulement les dirigeants qataris mais déstabilisa l'appareil diplomatique américain au point où le secrétaire d'Etat d'alors, Rex Tillerson, dû se prêter à un exercice périlleux de «colmateur de brèches». Il tenta de jouer l'apaisement entre les protagonistes et lança un appel pour l'allègement du blocus. Sa tentative de médiation échoua au même titre que celles de certains hommes politiques occidentaux dont ceux de France et d'Allemagne. Les dirigeants saoudiens tentaient de forcer la main à Trump pour un soutien franc de leur «cause» en lui faisant rappeler les importants contrats signés avec lui, pour un montant de 380 milliards, à l'issue de sa visite à Riyad les 20 et 21 mai 2017.
Alors, et pour ne pas décevoir ses 4 alliés qui attendaient beaucoup de lui et sans vouloir s'aliéner le partenaire qatari, Trump fit signer à Doha, le 11 juillet 2017, par son secrétaire d'Etat Tillerson et son homologue qatari, Mohamed ben Abderrahmane Al-Thani, un accord destiné à «empêcher le financement du terrorisme».
L'accord est, à l'évidence, considéré «insuffisant» par le «quatuor boycotteur» qui, soit dit en passant, a exprimé sa gratitude aux dirigeants américains pour leurs «efforts». Pour sa part, le ministre qatari a tenu à souligner que cet accord n'a rien à voir avec la crise en cours.
Cependant, pour les Etats-Unis, le Qatar représente plus que la base militaire d'Al Udeid avec 10 000 hommes, la plus importante de la région. Les intérêts américains sont appréciables au Qatar. Les échanges commerciaux s'élèvent à 185 milliards de dollars.
L'importance de ce minuscule émirat pour les USA est évidente. En témoigne la deuxième visite du Cheikh Tamim à Washington le 11 juillet 2017 qui s'est achevée par la signature de 5 accords concernant l'achat de 5 avions Boeing 777 Freighters, d'avions Gulfstream, de réacteurs de GE pour Qatar Airways, la construction et l'exploitation d'un complexe pétrochimique par Chevron-Phillips Chemical et surtout l'acquisition, par le ministère qatari de la Défense, de systèmes Nasam et Patriot de Raytheon. Pour rappel, le Qatar avait exprimé son intérêt pour l'acquisition de missiles russes S400, tout comme la Turquie. Les discussions à ce sujet étaient avancées jusqu'à ce qu'intervienne Washington et «impose» ses missiles Nasam.
De plus, signalons que Moscou et Doha avaient signé le 25 octobre un accord de coopération militaire et un mémorandum d'entente sur la défense antiaérienne.
Enfin, signalons que c'est à Doha que Washington mène ses pourparlers avec les Talibans. Par ailleurs, le Qatar avait salué l'accord international sur le programme nucléaire iranien qualifié par le ministère qatari des Affaires étrangères d'«importante étape sur la voie de la paix et de la stabilité dans la région». Dénoncé unilatéralement par Donald Trump en mai 2018, l'accord est devenu source de tension dans la région. Une tension que le Qatar souhaite faire éviter à la région en appelant au dialogue et en plaidant en faveur d'un Moyen-Orient «zone exempte d'armes nucléaires».
Néanmoins, si aujourd'hui certains parlent de relatif réchauffement dans les relations entre le Qatar et les 4 autres pays, il n'est pas évident que ce soit là le résultat des seules pressions américaines. D'autres facteurs endogènes et exogènes à la région expliquent ce processus.
Pour rappel, le Qatar et Bahreïn étaient pressentis pour faire partie de la coalition de pays qui devait former, le 2 décembre 1971, ce qui est connu par les Emirats arabes unis. Mais les dirigeants de ces deux émirats ont préféré, en août pour Bahreïn et septembre pour le Qatar, constituer deux Etats séparés de la fédération naissante. Cette attitude, notamment du Qatar, n'a jamais été admise par Abu Dhabi et les autres émirats de la fédération.
Depuis toujours et en particulier depuis 1970, date de son indépendance, le Qatar s'est inscrit dans une dynamique d'opposition à la tutelle saoudo-émiratie.
Depuis que l'économie qatarie a pris de l'envol grâce aux importants revenus des ressources gazières et même pétrolières, Doha a fait montre d'indépendance et plus, d'influence internationale qui cadre mal avec la prétention au leadership régional manifestée par Riyad, soutenue par Abu Dhabi. C'est au prince héritier Hamad, alors Premier ministre, que revient le mérite d'avoir renforcé le sentiment national d'opposition à la tutelle étrangère. En juin 1995, il destitue son père Khalifa sans violence et devient émir du Qatar. Ce coup d'Etat est mal accueilli par les autres monarchies du Golfe qui envisagent même d'organiser un «contre coup d'Etat» pour rétablir Khalifa sur son «trône» et éviter que cela ne serve de modèle à d'autres initiatives qui déstabiliseraient leurs régimes. A son tour, l'émir Hamad, pour des raisons de santé, abdique le 25 juin 2013, en faveur de son fils Tamim ben Hamad Al Thani, l'actuel émir qui n'avait que 33 ans.
Néanmoins, les autorités qataries ont longtemps veillé à ne pas s'opposer frontalement à leurs voisins et alliés. On l'a constaté notamment s'agissant des relations avec l'Iran après l'attaque de l'ambassade saoudienne à Téhéran et lors du sommet extraordinaire du CCG de La Mecque où Doha a fait preuve de discipline du groupe. Mais lorsque la base aérienne du prince Sultan fut interdite aux Américains par Riyad et que Washington décida, en 2003, de l'installer à Al-Udeid, au Qatar (accord de coopération militaire du 11 décembre 2002), Doha sentit son importance devenir stratégique auprès du grand parrain américain. Ce qui, sans doute, accrut les prétentions du petit émirat à jouer dans la cour des grands.
Depuis, on trouve le Qatar présent un peu partout sur la scène internationale, faisant jouer son pouvoir financier et sa diplomatie pour acquérir le statut, tant convoité par ses voisins, de médiateur crédible. Doha accueillit même une représentation commerciale israélienne, Trade Office, tout en hébergeant des leaders du Hamas. Doha est le lieu choisi par les USA pour abriter leur dialogue avec les talibans. Le Qatar a été un des principaux bailleurs de fonds pour l'Autorité palestinienne comme pour Gaza.
En Syrie, Doha a financé des groupes armés proches des Frères musulmans via son agence Qatar Charity, très active dans le monde, y compris en Europe. La création d'Al Jazeera au slogan de «tribune pour ceux qui n'en ont pas !» a accru le prestige du Qatar auprès des masses révoltées et des persécutés dans le monde arabe, notamment durant le Printemps arabe. Enfin, Doha affronte, par d'autres forces interposées, l'influence de Riyad et d'Abu Dhabi dans certains pays comme la Libye, la Tunisie et la Syrie.
La triple alliance constituée avec la Turquie et l'Iran dans le sillage de la crise du printemps de 2017 a constitué une source supplémentaire de tracas tant pour Riyad, qui considère la zone du golfe Arabo-persique «chasse gardée», que pour Abu Dhabi et évidemment Washington. D'ailleurs, dans le sillage de la crise, en décembre 2017, l'Arabie Saoudite et les EAU ont annoncé la formation d'une alliance militaro-économique pour agir de concert au Yémen et ailleurs dans la région, «selon les circonstances».
Pour revenir au blocus contre le Qatar, les dirigeants de ce pays en minimisent les effets sur leur économie. Les statistiques de 2017 et 2018 indiquent un effet négatif négligeable. La croissance annuelle a été modérément touchée passant de 2,1% en 2016 à 1,58 en 2017 puis remonte à 2,2% en 2018.
S'agissant de l'accueil de Riyad du 10 décembre, il apparaît plus comme une « victoire » de Doha qu'un échec de Riyad. La crise a écorché les ambitions politiques de Doha sans les remettre en cause. Elle a plutôt mis à nu les contradictions qui minent le CCG, principal outil de la prétention hégémonique de Riyad sur la région et élément nécessaire à l'affirmation de sa revendication du leadership du monde musulman, notamment sunnite.
Le retour du Qatar dans le giron saoudien ne semble pas pour demain. Riyad a intérêt à un retour à une situation normale avec Doha, quoique son allié Abu Dhabi, notamment le prince héritier Mohamed ben Zayed Al Nahyane, y soit opposé. Rétablir l'unité du CCG est vital pour pouvoir concentrer ses efforts sur le « danger existentiel » qui porte le nom d'Iran.
En conclusion, on peut affirmer que la crise du printemps de 2017 a renforcé la marge d'indépendance et de liberté d'action du Qatar tant vis-à-vis de Riyad que de l'ensemble du bloc du CCG. Ses capacités financières ajoutées aux relations internationales tissées ici et là dans le monde en ont fait une puissance régionale et un acteur de poids sur la scène internationale.
M. Z.
Références bibliographiques succinctes :
- Nombreux articles d'actualité sur le web
-https://www.lesclesdumoyenorient.com/Aux-origines-de-la-crise-du-qatar-entre-rivalite-pour-l-hegemonie-regionale-et.html
-https://lesclesdumoyenorient.com/entretien-avec-jean-Mar(cou-titulaire-de-la-chaire-Mediterranee-Moyen-Orient-de.html


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