Les Algériens se sont donné rendez-vous, hier, pour battre le pavé à l'occasion du 55e vendredi de mobilisation populaire contre le système. Ils maintiennent le cap et exigent un changement radical et la transition vers une deuxième République et un véritable Etat de droit. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Le mouvement populaire reste imperturbable dans la capitale. Hier, au 55e vendredi de contestation, la mobilisation est demeurée impressionnante, malgré le temps qui passe et les dernières mises en garde contre la propagation du coronavirus. Les habituelles trois marées humaines qui convergent vers le centre-ville en provenance des hauteurs de la rue Didouche-Mourad, de Belouizdad et ses environs et de Bab-el-Oued et La Casbah ont été au rendez-vous. Les manifestants, de toutes catégories de la société, tiennent toujours à leurs revendications relatives au changement radical du système politique, réclamant une transition vers une deuxième République et un véritable Etat de droit. Au centre des slogans et pancartes figure la question de la légitimité du pouvoir que les manifestants contestent, demandant l'instauration d'un Etat civil démocratique qui transcende les idéologies et où les libertés seront respectées et la justice sera indépendante. «Notre révolution est démocratique, seulement démocratique. Nous nous battons pour une Algérie libre et démocratique», proclame un manifestant sur sa pancarte, rejetant toute récupération idéologique du mouvement. Arborant le drapeau national pour certains, l'emblème amazigh qui n'est plus interdit depuis la célébration du premier anniversaire du mouvement, pour d'autres, les manifestants s'en sont pris notamment à la police et au ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati. Le climat était tendu dans certains endroits, surtout dans la matinée où les services de l'ordre ont empêché la marche en procédant à l'interpellation de quelques manifestants. A 14h, la police a interpellé un journaliste et l'a conduit vers le commissariat à Didouche-Mourad. Plusieurs journalistes, rejoints par d'autres manifestants, ont protesté devant ce commissariat, exigeant la libération du journaliste en question. Ce qui sera obtenu. A la rue Asselah-Hocine également, une grande tension a régné au moment du passage de la vague de La Casbah/Bab-el-Oued devant le commissariat de «Cavaignac», en raison de l'interpellation de quelques personnes. Dans leurs slogans, les manifestants ont affirmé que la mobilisation se poursuivra tant que le pays n'est pas débarrassé «des bandes» qui le prennent en otage. Ils refusent toute représentativité du mouvement, rejetant les initiatives qui prétendent l'accompagner. «Le Hirak est majeur, il n'a pas besoin de tuteur pour l'accompagner ou le représenter», proclame-t-on sur une pancarte, pendant que sur une autre, on pouvait lire «Non à une indépendance confisquée, oui à une Algérie libérée». Les manifestants n'ont pas manqué d'imagination et d'humour pour égratigner le pouvoir, en criant que «le système est pire que le coronavirus». Les manifestants n'ont pas oublié les détenus du mouvement populaire, en portant leurs portraits et en exigeant leur libération. Karim Tabbou, dont le procès s'est déroulé mercredi dernier et dont le procureur a requis une peine de 4 ans de prison ferme, a été fortement acclamé du début jusqu'à la fin de la manifestation. K. A.