Pour ce 58e anniversaire de l'indépendance, l'emblème national flotte haut sur le fronton des libertés, revendication permanente qui en fait le caractère bien trempé des Algériens. Le contexte particulier de cette année le montre à bien des égards. En effet, le carré des martyrs du cimetière d'El Alia accueille aujourd'hui une cérémonie solennelle chargée d'émotions, mais propice aussi à la méditation sur le combat et le sacrifice de nos ancêtres. Les restes mortuaires de deux douzaines de valeureux combattants y seront mis en terre. Ils retrouvent ainsi la terre – leur terre – pour laquelle ils ont payé le prix fort face à une armée coloniale des plus sanguinaires, génocidaires. L'histoire est à écrire afin de révéler au monde les atrocités incommensurables commises sur le peuple algérien, armé seulement de sa foi et sa soif de liberté. En ce sens, le rapatriement des restes mortuaires est d'une grande valeur symbolique. Le 58e anniversaire de la récupération de la souveraineté nationale est un juste retour des choses, il est dédié à leur mémoire. Ce moment fort marque une escale tout aussi importante dans la vie de la nation marquée par sa vitalité et la quête de voies et moyens pour le progrès social. C'est d'ailleurs ce qu'il faut retenir du rejet du système déliquescent par le fantastique soulèvement populaire, général et pacifique qui nous rappelle la sortie des Algériens du 11 Décembre 1960. Exemple de civisme, cette insurrection populaire, «Hirak moubarek» selon l'expression de Abdelmadjid Tebboune s'est révélée salvatrice. On lui doit la chute du système de la rapine, du népotisme, de la corruption et de l'accaparement de biens sur une large échelle...sans foi ni loi. Les affaires traitées actuellement par les tribunaux montrent à l'opinion publique horrifiée, la voracité sans pareille des gouvernants censés promouvoir l'intérêt de la communauté. Et le verdict des marcheurs du vendredi est cinglant et sans appel : «klitou lebled y a séraquine». Comme quoi, bien mal acquis ne profite jamais. Bien plus graves et pernicieuses sont les conséquences de la «Issaba» sur la démobilisation sociale, l'appât du gain facile, la corruption passive ou active introduite dans les mœurs qui mettaient en danger l'avenir de la nation et l'auraient précipité à sa perte. L'élection présidentielle du 12 décembre 2019 devrait ainsi être perçue comme une escale dans l'éradication du système Bouteflika pour stopper l'hémorragie qui frappe les richesses du pays. La nouvelle équipe gouvernementale issue de la société civile avec l'exigence de compétence va être confrontée au redoutable défi de procéder à un grand toilettage, par sa maîtrise des dossiers tant à caractère économique que social, et sa probité dans la gestion des biens publics. Elle devra œuvrer de la sorte à la «moralisation» de la société en mettant en avant les valeurs de travail notamment. Il faut admettre que le bilan de ces dernières décennies ne pousse pas à l'optimisme, bien au contraire. Dissolution des mœurs consécutive à une liberté mal assimilée, hausse de la criminalité, drogue, terrorisme routier...C'est dire que les gouvernements de «l'Algérie nouvelle» auront du grain à moudre dans une scène politique interne impatiente de voir concrétisées ses doléances. Autre chantier, la confection de la nouvelle loi fondamentale-la Constitution- qui doit intégrer les aspirations du «Hirak moubarek» appelé à être inscrit au moins dans son préambule, ce à quoi s'attachent les constitutionnalistes. Un travail d'une grande sensibilité qui s'est heurté récemment, à l'affaire de la question de la double nationalité du ministre démissionnaire, Samir Chaâbna issu de la diaspora. Il est donc attendu une réponse claire de la nouvelle Constitution quant à l'accès aux hautes fonctions de l'Etat aux Algériens résidant à l'étranger. Par ailleurs, la conjoncture est rendue plus difficile, d'une grande complexité et met à rude épreuve tout le corps social et les moyens du pays face à la crise sanitaire aux prolongements imprévisibles aujourd'hui encore. Le Covid-19, virus inconnu jusque-là, a surpris les pays nantis et pauvres par son caractère meurtrier, foudroyant. Les statistiques mondiales à ce propos sont tout bonnement effrayantes. L'Algérie n'échappe pas à la règle. L'autre escale qui fera date est sans contexte l'extraordinaire liesse populaire qui a suivi le sacre africain de l'équipe nationale de football pour la deuxième fois, en terre égyptienne. L'immense joie exprimée bruyamment dans les régions les plus reculées du pays rappelle – pour ceux qui l'ont vécue- le déferlement de la vague humaine dans les villes et villages pour clamer haut et fort, il y a 58 ans «Tahya el Djazaïr». Ce slogan des premiers résistants, à l'exemple des cheikhs Boubegra et Bouziane, ainsi que leurs compagnons, a été repris et transmis de génération en génération jusqu'à la proclamation du 1er-Novembre 54 et son aboutissement à l'indépendance du 5 Juillet, consacrée Fête de la jeunesse. Brahim Taouchichet