Un des rescapés d'une des tentatives de harga, âgé tout juste de 13 ans, un collégien libéré par la gendarmerie après son audition, nous a croisés par hasard pour nous raconter les faits d'une des traversées avortées à laquelle il a pris part avec sa famille. «Mercredi vers minuit, la mer était calme et nous étions un groupe de 16 personnes dont mon frère aîné et ma mère. Nous avons pris le départ du côté de la plage de Ouréah, et notre embarcation a été interceptée au petit matin vers 5h par les gardes-côtes d'Arzew, pour être ramenés au port commercial de Mostaganem », affirme ce jeune garçon qui dit être toujours tenté de quitter le pays et rejoindre sa famille établie en Espagne. Selon nos informations, au même moment, un autre bateau a pris le large à partir d'une des criques désertes de Benabdelmalek-Ramdane avec à son bord, 12 personnes ; mais la barque s'est renversée à cause de la mauvaise gestion des poids des personnes et tout le monde s'est retrouvé dans les flots, a raconté l'un des survivants. Le bilan est maccabre : seules 5 ont été secourues par les gardes-côtes, alors qu'une famille entière a disparu. Le père et ses 2 enfants sont morts noyés et ont été repêchés, leur mère est toujours portée disparue avec 5 autres jeunes. Les recherches ont été vaines. Dans la soirée de mercredi, la gendarmerie de Mazagran a empêché un autre drame en arrêtant 21 candidats prêts à tenter l'aventure et saisi leur matériel. Ce jeudi, l'émotion s'est emparée du quartier de Beymouth dans la ville de Mostaganem dont sont issus les harragas morts ou ceux portés disparus. Les familles pleurent leurs morts mais ce naufrage ne semble pas avoir d'impact sur d'éventuels départs d'autres jeunes avec qui nous avons parlé dans ce quartier endeuillé; tous préfèrent la fuite «quitte à mourir en mer», disent-ils. Par ailleurs, nous apprenons qu'une autre traversée a échoué le même jour, causant le décès de 4 migrants noyés tandis que 5 autres ont été secourus dans la localité de Ouled-Boughalem à l'est du chef-lieu de wilaya. En outre, selon la presse espagnole dans son édition de jeudi, un journal a révélé qu'un chalutier immatriculé à Mostaganem du propriétaire avec à son bord 80 personnes a été intercepté par les gardes-côtes espagnoles au large des côtes de Murcia et remis à la Guardia civile pour les placer dans un centre de rétention à Cartagène. À Mostaganem, on se préoccupe de l'intensification des traversées et du drame des fréquents naufrages. Malgré les arrestations de passeurs, leurs réseaux se sont consolidés, les moyens de transport de clandestins se sont développés avec des tarifs de passage exorbitants. Pour la traversée, on est passé du petit métier au tropico semi-rigide à deux moteurs de 200 Ch. On paie fort pour garantir une arrivée sûre vers les côtes ibériques. A. Bensadok
