La championne olympique Kaylia Nemour nouvelle ambassadrice d'Ooredoo Algérie    Retour de la théorie de la «toile d'araignée»    Les raisons de l'écart du cours du dinar algérien entre le marché officiel et celui du marché parallèle : quelles solutions ?    CRB – USMA : Deux clubs pour un trophée    Zouhir Ballalou se félicite des résultats d'une étude ciblée    Prolongation du délai de soumission des candidatures    « Si nous venons à mourir, défendez notre mémoire »    Algérie-Venezuela : examen des voies et moyens de renforcer la coopération dans les domaines de l'énergie, des mines et des énergies renouvelables    Tenue de la 2e session des concertations politiques algéro-turques    AP-OSCE: la délégation parlementaire algérienne réaffirme l'engagement immuable de l'Algérie en faveur de la cause palestinienne    Fédération algérienne de handball : fin de collaboration entre la FAHB et Rabah Gherbi    Conseil de la nation: présentation du projet de loi sur la mobilisation générale    La Cour constitutionnelle organise une cérémonie à l'occasion du 63e anniversaire de l'Indépendance    Le président de la République reçoit le ministre vénézuélien du Pouvoir populaire pour l'Agriculture productive et les Terres    Exploitation des plages: la révision de la loi vise une gestion professionnelle des prestations balnéaires    Sadaoui préside l'ouverture de la Conférence nationale des directeurs de l'éducation    ANP: neutralisation de 35 terroristes et 227 éléments de soutien durant le 1e semestre de l'année 2025    Clôture à Oran du projet POWER4MED sur la transition énergétique maritime    Conférence à Alger sur "l'ordre du jour du Colonel Houari Boumediene" du 19 mars 1962    Jumelage inter-communes : départ d'une caravane culturelle de Timimoun vers Akbou    Des pluies orageuses attendues mercredi sur des wilayas de l'Est    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie auprès du Sri Lanka    Entrée de l'usine de dessalement de l'eau de mer « Fouka 2 » en phase de production à pleine capacité    Hand/Coupe d'Algérie (Dames): finale prometteuse entre le CF Boumerdès et le HBC El-Biar    Mutualité agricole: ouverture de deux nouveaux bureaux à Tissemsilt et El Bayadh    L'Algérie plaide à New York pour une action sérieuse en faveur de l'Etat palestinien    CSJ: conférence virtuelle sur la participation politique des jeunes    Un été sans coupures    Il est nécessaire de limiter le droit de veto au sein du Conseil de sécurité    Ça démarre ce 5 juillet, les Algériennes face aux Nigérianes !    Le CNC sacré champion national de water-polo dans quatre catégories    Ooredoo mobilise ses employés pour une opération de don de sang    220 victimes déplorées en juin !    A peine installée, la commission d'enquête à pied d'œuvre    «L'Algérie, forte de ses institutions et de son peuple, ne se laissera pas intimider !»    Le président de la République inaugure la 56e Foire internationale d'Alger    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Caricatures... indigènes : le décryptage d'Alain Ruscio
Publié dans Le Soir d'Algérie le 20 - 09 - 2020

Ils n'allaient pas s'en priver, pardi ! S'ils apportent la « civilisation », c'est qu'ils sont supérieurs aux autres et ça leur donne le droit de se marrer des barbares. Oui, en plus de les opprimer, le colonialisme n'a pas pu s'empêcher de railler les colonisés. Notamment par la caricature et le dessin satirique. Toujours fidèle à ses convictions et à sa rigueur, l'historien Alain Ruscio continue à surprendre le sournois colonialisme là où on ne l'attendait pas. Dans ce nouvel ouvrage illustré et volumineux, Quand les civilisateurs croquaient les indigènes(1), il s'applique à décrypter la façon dont les colonisateurs caricaturaient les « barbares ». 130 ans de colonisation en Algérie, un siècle en Indochine, 80 ans en Tunisie et en Afrique subsaharienne, un demi-siècle au Maroc ont, bien entendu, inspiré les caricaturistes qui ont multiplié les clichés sur les colonisés.
L'ouvrage s'intéresse aux dessins et caricatures – « Un moyen d'expression qui parle au plus grand nombre sans les circonlocutions et parfois les hypocrisies du discours.» — portant sur une période allant de 1830 à 1962, dates respectives de la conquête de l'Algérie et de son indépendance. L'étude de l'ensemble de ces documents montre comment, à travers le dessin, trois ou quatre générations de Français ont biberonné la propagande sur l'inégalité des races.
Introduit par Marcel Dorigny, l'ouvrage compte 3 parties. La première, «Le soleil ne se couche jamais sur notre Empire » (adage désignant la vastitude de l'empire de Charles Quint), s'attache à disséquer la propagande coloniale qui, en produisant des épisodes épiques, fabrique des héros pour justifier la cruauté à l'égard des peuples colonisés. S'ensuivent ces images de massacres, de guillotine, de têtes tranchées, de corps coupés par les boulets de canon, le tout glorifié par le drapeau français.
À chaque étape de l'édification de l'empire, son iconographie spécifique. Chaque nouvelle conquête rencontre des résistances et chaque résistance est discréditée par la caricature. Pour rallier l'opinion aux bienfaits de la colonisation, plusieurs moyens sont mis en œuvre, les manuels scolaires, les discours politiques, les expositions et exhibitions coloniales, la chanson et le cinéma. Des auteurs connus pour leur humanisme y succombent. Maupassant écrit : « Qui dit Arabe, dit voleur sans exception. » Tandis que Victor Hugo pense que « l'Afrique n'a pas d'histoire ».
La seconde partie de l'ouvrage est consacrée au couple vicié « Civilisateurs et indigènes ». La colonisation, à force de propagande, a fini par revêtir les oripeaux d'une obligation morale. Les races dites supérieures imposent ce sentiment d'être investies d'une mission. Les Jaunes sont fourbes et redoutables. Les Arabes, le colonisateur les croque mesquins, éternels traîtres, fanatiques. Quant aux Noirs, ils sont le « modèle de l'être inachevé, à l'état d'enfance ». D'où un déchaînement de caricatures avec les « rires Banania », le tirailleur sénégalais, lèvres charnues et dents à la blancheur éclatante, l'Arabe et son chameau, etc.
En déconstruisant l'iconographie caricaturale par laquelle étaient représentés les colonisés, Alain Ruscio établit un état de l'empire mais aussi des résistances au Parti colonial. Les arguments de celui-ci sont connus : mise en place d'écoles, construction de dispensaires et hôpitaux, lancement de grands travaux. Mais « la colonisation ne fut pas une œuvre altruiste. Il ne s'agit pas ici d'un jugement moral : un système économique l'a-t-il été au cours de l'Histoire ? », interroge l'auteur.
Contrecoup de l'occupation : l'importation en Métropole d'une main-d'œuvre non qualifiée, sous-payée et abondante et une incorporation des « indigènes » au sein de l'armée française dont la caricature s'empare sous des traits « sympathiques et courageux ». Après 1945, et sans doute à la suite des révoltes de l'Est algérien qui firent 45 000 morts resurgissent les stéréotypes. Le dessin va exprimer la méfiance et l'hostilité à l'encontre des peuples colonisés.
La colonisation n'a pas été un long fleuve tranquille. « Des voix qui crient dans le désert », la dernière partie de cet ouvrage, est consacrée aux différentes formes d'opposition à la colonisation. Le paradoxe, relève l'auteur, est qu'initialement, ce furent surtout les conservateurs qui s'opposèrent aux conquêtes. Motif : le coût en pertes humaines et financières. Puis bientôt le Parti colonial imposa sa vision expansionniste. L'opposition se déplace alors vers les milieux libertaires. Les journaux comme Le Grelot, L'Assiette au beurre, La Calotte, Le Père Peinard, mènent la guerre du trait focalisant la critique sur l'alliance du sabre et du goupillon.
Après 1917, la révolution bolchévique fait émerger en Métropole une nouvelle opposition à la colonisation, celle des communistes. Leurs publications utilisent à leur tour le dessin comme mode de solidarité internationaliste.
L'ouvrage s'achève sur une postface intitulée « La décolonisation tragique ». Une tragédie illustrée notamment par deux dessins antagoniques qui résument toute la dérision du projet colonial. L'un exhorte la grandeur de la France, « Indochine terre française », avec un char conquérant. L'autre figure «L'enfer de Dien Bien Phu» avec un soldat français les bras levés en signe de reddition.
Voilà un bon voyage dans l'histoire de la caricature en ces temps où celle-ci devient le motif de tragédies. Espérons que ce livre trouvera un éditeur algérien pour le rendre accessible aux bourses de chez nous.
A. M.
1) Alain Ruscio, Quand les civilisateurs croquaient les indigènes (Dessins et caricatures au temps des colonies), éditions Cercle d'Art, 263 p.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.