Une délégation de l'APN prend part aux réunions du PAP en Afrique du Sud    L'Algérie participe à Moscou au 34e Salon international de l'Agroalimentaire et des boissons    Le CSJ participe en Egypte aux activités du programme "The Nile Ship for arab youth"    Agression sioniste: Une experte de l'ONU dénonce la complicité de pays avec le "génocide"    Le sommet de Doha salue les efforts de l'Algérie dans la défense de la souveraineté du Qatar et pour le triomphe de la cause palestinienne    Le Luxembourg annonce son intention de reconnaître l'Etat de Palestine    Foot/Mondial (qualifs-U20): la sélection algérienne en stage à Sidi Moussa    Accidents de la route: 46 décès et 1936 blessés en une semaine    13 protocoles d'accord d'une valeur totale de 2,48 milliards de dollars    Ouverture de la session parlementaire ordinaire 2025-2026    La 7e édition du SIFFP prévue en septembre    Quand le discours sur le séparatisme musulman sert à occulter la massive ghettoïsation juive    80 organisations internationales appellent à une interdiction commerciale complète des colonies israéliennes    En réponse à l'analyse de l'ex-ministre Ammar Tou sur les bienfaits du déficit budgétaire en Algérie    CAN de hand U17 féminin : L'Algérie entame la compétition par une victoire devant le Burkina Faso    Nemour, une championne algérienne en Or    la sélection nationale en stage de préparation à Tikjda    Des dizaines de colons prennent d'assaut Al-Aqsa    Séisme de 3,2 degrés dans la wilaya de Médéa    Arrestation de deux dealers    Deux voitures volées, récupérées, deux arrestations à Jdiouia    Elaboration d'une feuille de route fondée sur le soutien aux initiatives des associations dédiées aux personnes à besoins spécifiques    10 projets de films concourent aux ''Journées de l'industrie cinématographique''    Les ruines rappellent les atrocités du colonialisme français    Près de 1.000 imams participent à Alger aux examens de promotion au rang d'imam enseignant    Le Premier ministre préside une réunion interministérielle en prévision de la nouvelle rentrée scolaire    Energie : l'Algérie participe à deux réunions ministérielles sur les carburants durables et l'hydrogène à Osaka    Foot /Union Arabe (UAFA): le Président de la FAF Walid Sadi intègre le comité exécutif    Kaoutar Krikou prend ses fonctions de ministre de l'Environnement et de la Qualité de la vie    Le président du HCLA reçoit l'ambassadeur de la République de Nicaragua en Algérie    Abdelmalek Tacherift prend ses fonctions de ministre des Moudjahidine et des Ayants-droit    Malika Bendouda prend ses fonctions de ministre de la Culture et des Arts    Ligue 1: MC Alger-MC Oran, un duel de confirmation pour les deux équipes    Attaf s'entretient à Doha avec le Premier ministre, MAE de l'Etat frère du Qatar    Le président de la République nomme les membres du nouveau Gouvernement    Elaboration d'une feuille de route fondée sur le soutien aux initiatives des associations dédiées aux personnes à besoins spécifiques    Programme TV - match du mercredi 29 août 2025    Programme du mercredi 27 août 2025    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Caricatures... indigènes : le décryptage d'Alain Ruscio
Publié dans Le Soir d'Algérie le 20 - 09 - 2020

Ils n'allaient pas s'en priver, pardi ! S'ils apportent la « civilisation », c'est qu'ils sont supérieurs aux autres et ça leur donne le droit de se marrer des barbares. Oui, en plus de les opprimer, le colonialisme n'a pas pu s'empêcher de railler les colonisés. Notamment par la caricature et le dessin satirique. Toujours fidèle à ses convictions et à sa rigueur, l'historien Alain Ruscio continue à surprendre le sournois colonialisme là où on ne l'attendait pas. Dans ce nouvel ouvrage illustré et volumineux, Quand les civilisateurs croquaient les indigènes(1), il s'applique à décrypter la façon dont les colonisateurs caricaturaient les « barbares ». 130 ans de colonisation en Algérie, un siècle en Indochine, 80 ans en Tunisie et en Afrique subsaharienne, un demi-siècle au Maroc ont, bien entendu, inspiré les caricaturistes qui ont multiplié les clichés sur les colonisés.
L'ouvrage s'intéresse aux dessins et caricatures – « Un moyen d'expression qui parle au plus grand nombre sans les circonlocutions et parfois les hypocrisies du discours.» — portant sur une période allant de 1830 à 1962, dates respectives de la conquête de l'Algérie et de son indépendance. L'étude de l'ensemble de ces documents montre comment, à travers le dessin, trois ou quatre générations de Français ont biberonné la propagande sur l'inégalité des races.
Introduit par Marcel Dorigny, l'ouvrage compte 3 parties. La première, «Le soleil ne se couche jamais sur notre Empire » (adage désignant la vastitude de l'empire de Charles Quint), s'attache à disséquer la propagande coloniale qui, en produisant des épisodes épiques, fabrique des héros pour justifier la cruauté à l'égard des peuples colonisés. S'ensuivent ces images de massacres, de guillotine, de têtes tranchées, de corps coupés par les boulets de canon, le tout glorifié par le drapeau français.
À chaque étape de l'édification de l'empire, son iconographie spécifique. Chaque nouvelle conquête rencontre des résistances et chaque résistance est discréditée par la caricature. Pour rallier l'opinion aux bienfaits de la colonisation, plusieurs moyens sont mis en œuvre, les manuels scolaires, les discours politiques, les expositions et exhibitions coloniales, la chanson et le cinéma. Des auteurs connus pour leur humanisme y succombent. Maupassant écrit : « Qui dit Arabe, dit voleur sans exception. » Tandis que Victor Hugo pense que « l'Afrique n'a pas d'histoire ».
La seconde partie de l'ouvrage est consacrée au couple vicié « Civilisateurs et indigènes ». La colonisation, à force de propagande, a fini par revêtir les oripeaux d'une obligation morale. Les races dites supérieures imposent ce sentiment d'être investies d'une mission. Les Jaunes sont fourbes et redoutables. Les Arabes, le colonisateur les croque mesquins, éternels traîtres, fanatiques. Quant aux Noirs, ils sont le « modèle de l'être inachevé, à l'état d'enfance ». D'où un déchaînement de caricatures avec les « rires Banania », le tirailleur sénégalais, lèvres charnues et dents à la blancheur éclatante, l'Arabe et son chameau, etc.
En déconstruisant l'iconographie caricaturale par laquelle étaient représentés les colonisés, Alain Ruscio établit un état de l'empire mais aussi des résistances au Parti colonial. Les arguments de celui-ci sont connus : mise en place d'écoles, construction de dispensaires et hôpitaux, lancement de grands travaux. Mais « la colonisation ne fut pas une œuvre altruiste. Il ne s'agit pas ici d'un jugement moral : un système économique l'a-t-il été au cours de l'Histoire ? », interroge l'auteur.
Contrecoup de l'occupation : l'importation en Métropole d'une main-d'œuvre non qualifiée, sous-payée et abondante et une incorporation des « indigènes » au sein de l'armée française dont la caricature s'empare sous des traits « sympathiques et courageux ». Après 1945, et sans doute à la suite des révoltes de l'Est algérien qui firent 45 000 morts resurgissent les stéréotypes. Le dessin va exprimer la méfiance et l'hostilité à l'encontre des peuples colonisés.
La colonisation n'a pas été un long fleuve tranquille. « Des voix qui crient dans le désert », la dernière partie de cet ouvrage, est consacrée aux différentes formes d'opposition à la colonisation. Le paradoxe, relève l'auteur, est qu'initialement, ce furent surtout les conservateurs qui s'opposèrent aux conquêtes. Motif : le coût en pertes humaines et financières. Puis bientôt le Parti colonial imposa sa vision expansionniste. L'opposition se déplace alors vers les milieux libertaires. Les journaux comme Le Grelot, L'Assiette au beurre, La Calotte, Le Père Peinard, mènent la guerre du trait focalisant la critique sur l'alliance du sabre et du goupillon.
Après 1917, la révolution bolchévique fait émerger en Métropole une nouvelle opposition à la colonisation, celle des communistes. Leurs publications utilisent à leur tour le dessin comme mode de solidarité internationaliste.
L'ouvrage s'achève sur une postface intitulée « La décolonisation tragique ». Une tragédie illustrée notamment par deux dessins antagoniques qui résument toute la dérision du projet colonial. L'un exhorte la grandeur de la France, « Indochine terre française », avec un char conquérant. L'autre figure «L'enfer de Dien Bien Phu» avec un soldat français les bras levés en signe de reddition.
Voilà un bon voyage dans l'histoire de la caricature en ces temps où celle-ci devient le motif de tragédies. Espérons que ce livre trouvera un éditeur algérien pour le rendre accessible aux bourses de chez nous.
A. M.
1) Alain Ruscio, Quand les civilisateurs croquaient les indigènes (Dessins et caricatures au temps des colonies), éditions Cercle d'Art, 263 p.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.