La colère des avocats a fini par exploser hier au sein même de la première chambre pénale de la cour d'Alger, théâtre d'un incident peu ordinaire entre Me Sellini et le juge de cette même instance. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - L'origine de l'affaire remonte à jeudi. Les audiences qui se déroulent depuis la veille dans le dossier Sovac se sont achevées en fin d'après-midi, le réquisitoire du procureur de la République est lui aussi terminé, il est bientôt dix-huit heures, le magistrat qui préside la séance veut ouvrir la porte aux plaidoiries. Les avocats sont mécontents, certains montrent des signes de fatigue. Le bâtonnier d'Alger, membre du collectif de défense de l'ancien patron de Sovac et d'autres inculpés dans le même dossier, prend à ce moment la parole pour demander au juge de reporter la séance à samedi. Il évoque l'état d'épuisement dans lequel se trouvent ses confrères et lui. Me Sellini se dit aussi mécontent des conditions dans lesquelles se déroule le procès, la cadence à laquelle se déroulent les procédures, les anomalies dans le traitement de certains points de l'affaire, l'audition d'Ouyahia à distance et le refus de laisser aux avocats le temps d'étudier les nouveaux documents qui leur parviennent, ... Il demande le report des plaidoiries à samedi. Le juge refuse catégoriquement. De vifs échanges de propos entre le bâtonnier d'Alger et le magistrat s'ensuivent. Me Sellini considère que les droits de la défense sont une nouvelle fois bafoués, il dit rêver d'une justice équitable... Tous les avocats présents le soutiennent. La pression monte. Le juge demande l'intervention de la force publique pour évacuer Me Sellini. Moment de flottement... la police reste un moment sans action... le bâtonnier s'écroule au milieu de la salle, les secours arrivent sans tarder, il est évacué sur une civière sous les flashs des smartphones qui immortalisent le moment. La situation contraint le magistrat à reporter les plaidoiries à samedi. Hier matin, les avocats se sont présentés à nouveau devant le même juge et demandé un nouveau report évoquant l'absence de Me Sellini, son état de santé et l'incident de jeudi. Le juge refuse, les avocats insistent, le ton monte à nouveau, la défense ne veut pas plaider dans ces conditions, le juge ordonne la mise en délibéré de l'affaire, la police sort les prévenus, des slogans critiques fusent dans la première chambre pénale de la cour d'Alger. «Justice, équité, respect des droits de la défense, plus de justice aux ordres...», clament les avocats. Ils sont rapidement rejoints par des confrères qui ne sont pas constitués dans le dossier Sovac. Ces derniers réclament le départ du ministre de la Justice. Me Ahmed Hadj Nacer évoque «une grave dérive, des entraves intolérables aux droits de la défense et des prévenus». «L'affaire a été mise en délibéré malgré tout ce qui s'est passé, les prévenus n'ont pas eu le droit au dernier mot, ce n'est pas normal, nous ne travaillons pas dans des conditions normales, il n'y a pas de sérénité, le bons sens aurait voulu qu'il y ait report.» Les avocats présents sont informés qu'un rassemblement est prévu aujourd'hui, dimanche, devant la cour d'Alger. La décision a été prise vendredi lors d'une réunion extraordinaire de l'Ordre des avocats d'Alger. Décision a été également prise de boycotter toutes les audiences du dimanche 27 septembre au dimanche 4 octobre. Les instances judiciaires ont, en outre, été destinataires d'une lettre de protestation contre «l'humiliation subie par Me Sellini, le refus de suspension des audiences lorsqu'elles sont demandées, et les décisions du juge de la première chambre de la cour d'Alger». A. C.