La répartition des dépenses au sein du couple est souvent source de conflits lorsqu'elle n'est pas définie avant le mariage. Si pour nos aînés, le père subvenait automatiquement aux dépenses du foyer pendant que la femme s'occupait du ménage, des repas et de l'éducation des enfants, les choses ont évolué de nos jours, impliquant une participation du couple aux dépenses du ménage. Compte commun ? Comptes séparés ? Qui paie les factures ? Qui règle les dépenses du quotidien et les loisirs ? Introspection au cœur de la société avec un florilège de témoignages. Nazim et Nadia, jeune couple marié depuis 2 ans, sans enfants, gèrent le budget familial sur le modèle européen. Un compte commun pour les frais de leur foyer et un compte individuel pour les dépenses personnelles de chacun d'entre eux. « Mon mari a un meilleur salaire que moi », nous confie Nadia. « Aussi, met-il plus d'argent dans le compte commun. En plus, il me fait souvent des cadeaux et paye pour les sorties au restaurant. Le compte commun sert à régler les factures, la nourriture, le remboursement du crédit AADL, l'essence de la voiture, et les imprévus (médecin, plombier...). Pour le reste, chacun se débrouille avec ses propres économies. Pour le moment, le système que nous avons instauré fonctionne plutôt bien. On verra comment le réaménager lorsqu'on aura des enfants. L'essentiel, c'est de se mettre d'accord à l'avance afin d'éviter les prises de tête », assure Nadia. Fifty-fifty Brahim, 31 ans, et Naïla, 29 ans, travaillent dans le domaine des télécommunications. Ils ont une petite fille et font fusionner leurs deux portefeuilles. « Loyer, factures, nourriture, nounou de la petite... nous partageons toutes les dépenses à 50% sans se prendre la tête. C'est une question de confiance et d'entente. Nous avons donc une cagnotte commune dont nous puisons pour les besoins de notre famille. Bien sûr, parfois il y a des disputes lorsque l'un d'entre nous fait des dépenses futiles. Mais cela arrive rarement car nous essayons d'en parler à l'avance. Nous veillons à ce que les dépenses personnelles de chacun soient raisonnables et ne déstabilisent pas le budget de notre ménage. Il faut aussi garder une poire pour la soif, en cas de coup dur. Ça, par contre, ce n'est pas toujours évident vu le coût de la vie actuellement », témoignent Brahim et Naïla. Caisse commune et frictions Parfois, faire caisse commune avec son conjoint peut être un source de disputes intempestives comme nous le dit Lilia, 42 ans. « Le budget loisirs de mon époux dépasse allègrement le mien. Il peut se faire deux restos dans la semaine avec ses potes alors que je n'y vais qu'une fois par mois. Nous travaillons tous les deux et faisons fifty-fifty pour les dépenses. Seulement voilà, c'est moi qui m'investis le plus pour la bonne marche de mon foyer. Mon époux n'est pas adepte des corvées domestiques et a plus de temps pour les loisirs. Dans un système où les dépenses sont partagées en deux, ça crée des tensions dans le couple. Les questions d'argent se posent aussi lorsqu'il y a un cadeau à faire à sa famille. Mon conjoint a une nombreuse fratrie. Les mariages, naissances et autres joyeusetés s'enchaînent. À chaque fois, il faut puiser dans le budget de notre ménage pour honorer les invitations. Et là, ça frite automatiquement entre nous ! » C'est Monsieur qui régale ! Sabrina, 35 ans, est une femme active. Elle est mère de 2 enfants mais continue à se faire « entretenir » par son mari. « Il n'est pas question que je mette la main à la poche pour faire bouillir la marmite ! C'est notre religion qui exige cela. L'Islam est clair là-dessus : c'est à l'homme de pourvoir aux besoins de sa femme et de ses enfants », argue Sabrina. Mon salaire, je le garde pour moi. J'en fais ce que je veux. Je fais plaisir à mes enfants en leur offrant des cadeaux. En contrepartie, mon époux ne lave pas une assiette à la maison. Je m'occupe du ménage, de la popote et de l'éducation des enfants. Bien sûr, quand il y a un imprévu, j'apporte ma petite contribution financière. Mais cela reste une aide et non une obligation », conclut-elle. Madame tient les cordons de la bourse C'est connu, l'argent, c'est le nerf de la guerre. Dans certains ménages, c'est Madame qui joue les trésorières. « Bien que je sois femme au foyer, nous dit Malika (41 ans), c'est moi qui gère la bourse. La fin du mois, mon époux me donne sa paye et je me charge de répartir l'argent en fonction des besoins de notre famille. Je vais aussi au marché. Bien que cela me cause un surplus de travail, cela me permet de dépenser en fonction de mes recettes. C'est une méthode efficace pour éviter le gaspillage. J'arrive même à faire des petites économies, un pécule que je mets de côté pour nos loisirs .» Comment évaluer ce qui revient de droit à monsieur et à madame en cas de divorce ? Certaines séparations laissent un goût amer. Anissa, 55 ans, raconte : « 25 ans de vie commune et un salaire plus important que celui de mon mari. Après mon divorce, j'ai réalisé, la mort dans l'âme, que je me suis fait gruger. J'ai investi sans compter dans les dépenses de mon foyer : factures, alimentation, voiture, voyages... Et quand mon conjoint a demandé le divorce, il a tout gardé. Je n'ai pu sauver que mes bijoux et quelques bibelots. » Faire fusionner les portefeuilles, instaurer le fifty-fifty ou déterminer qui paye quoi : une discussion claire est indispensable avant de s'engager dans une vie à deux. Cela aide à désamorcer les conflits et à éviter les quiproquos et autres malentendus qui peuvent déséquilibrer l'harmonie des ménages. Soraya Naili