Le Goncourt, le prix le plus prestigieux de la littérature française, a été décerné à Hervé Le Tellier pour L'anomalie. Le prix Renaudot a été décerné à Marie-Hélène Lafon pour son roman Histoire du fils (Buchet-Chastel), une saga qui court sur un siècle, de 1908 à 2008. Les deux prix littéraires français avaient été remis dans des conditions particulières liées à la crise sanitaire. La crise sanitaire et la fermeture des restaurants, donc de Drouant, dans le quartier de l'Opéra à Paris, ont obligé le jury du prix Goncourt à se rabattre sur une visioconférence et à se passer des délibérations à table. Lundi dernier à midi, le prix le plus prestigieux de la littérature française a été décerné à Hervé Le Tellier pour L'anomalie. Outre d'être publié chez Gallimard, une maison d'édition souvent récompensée, ce livre, bâti comme un savant jeu de construction et au suspense haletant a, pour lui, d'avoir déjà convaincu un large public. Hervé Le Tellier, 63 ans, mathématicien de formation, ancien journaliste et président de l'association de l'Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), a obtenu huit voix contre deux pour L'historiographe du royaume de Maël Renouard. «On ne s'attend jamais à un prix comme le Goncourt. D'abord on n'écrit pas pour l'avoir, et puis, on ne peut pas s'imaginer l'avoir», a déclaré le lauréat lors d'une visioconférence, aux côtés de son éditeur, Antoine Gallimard. «Ce n'était pas du tout dans mes projets», a-t-il ajouté. L'anomalie, huitième roman d'Hervé Le Tellier, raconte les suites d'un événement étrange, à savoir qu'un vol Paris-New York se reproduit deux fois, avec les mêmes passagers, à quelques mois d'intervalle. Le récit, haletant, convoque avec brio tous les genres, roman noir, récit littéraire classique, procès-verbaux d'interrogatoire, etc. «L'idée, c'est que puisque Trump est là, puisque Trump est la cause de la destruction du monde, la vision du livre c'est de proposer une autre version du monde, où Biden est président», a-t-il dit. «C'est une option possible de lecture. (...) Les livres offrent des options, il n'y a pas de dénouement en littérature, il y a des nœuds, et moi je l'ai noué comme ça», a-t-il expliqué. «Ce livre va faire du bien à beaucoup de monde en ce moment, parce que nous vivons une époque, comme tout le monde le sait, pas très réjouissante. Ce livre va enchanter beaucoup de monde. Merci de l'avoir écrit», a commenté l'écrivain Tahar Ben Jelloun, membre de l'Académie Goncourt, en visioconférence. Trois autres romans étaient en lice : Les impatientes (éditions Emmanuelle Colas) de la Camerounaise Djaïli Amadou Amal, Thésée, sa vie nouvelle de Camille de Toledo (éditions Verdier), et L'historiographe du royaume de Maël Renouard (Grasset). Quelques minutes plus tard, le prix Renaudot a été décerné à Marie-Hélène Lafon, pour son roman Histoire du fils (Buchet-Chastel), une saga qui court sur un siècle, de 1908 à 2008. Le personnage principal, André, élevé par sa tante, y perce un secret de famille en explorant sa généalogie. «C'est un parcours d'écriture, d'édition, de fidélité avec une maison qui a fait confiance à quelqu'un qui était parfaitement inconnu il y a 19 ans», a commenté, peu après cette annonce, Marie-Hélène Lafon, lors d'un entretien retransmis en ligne par le mensuel spécialisé Livres Hebdo. «Je suis d'autant plus heureuse de l'avoir que les libraires, plus que jamais cette année, ont besoin des prix», a-t-elle ajouté. Marie-Hélène Lafon, 58 ans, peu connue du grand public, est une autrice qui a déjà 13 romans à son actif. Elle est professeure de lettres classiques à Paris. La Canadienne Dominique Fortier, avec Les villes de papier (Grasset), une biographie romancée de la poétesse Emily Dickinson, a remporté le Renaudot de l'essai.