Une sardine minuscule hors des normes réglementaires. Des poissons et des crustacés, eux aussi, en dessous de la taille minimale fixée par la loi, un véritable crime économique se déroule au vu et au su de toutes les autorités. Le Syndicat national des marins-pêcheurs dénonce la passivité et la démission des services concernés qui «encouragent» ces pratiques néfastes à la reproduction des fonds marins. Qui mettra fin à ce carnage halieutique qui nuit gravement à l'équilibre écologique et à l'économie nationale ? Rym Nasri - Alger (Le Soir) - La sardine a atteint pendant de longs mois des prix exorbitants sur les étals des marchés et les poissonneries. Longtemps considérée comme le poisson du pauvre, elle valait, pendant le mois de Ramadan dernier, 1 400 dinars le kilogramme s'alignant ainsi sur le prix de la viande rouge. Depuis quelques jours, son prix a connu une baisse pour afficher dans certains quartiers de la capitale 250 dinars le kilo. Seulement, cette marchandise est de très petite dimension. Selon le président du Syndicat national des marins-pêcheurs Hocine Bellout, ce poisson n'a pas encore atteint l'âge adulte autorisé à la pêche. Il évoque le décret exécutif du 18 mars 2004 fixant les tailles minimales marchandes des ressources biologiques et les modalités d'exercice de la pêche, qui stipule que la pêche de la sardine de moins de onze centimètres est une infraction. «Ce poisson de petite taille inonde le marché depuis quelque temps. Nous trouvons sur les étals de la sardine de quatre, cinq et six centimètres ; pourtant la loi est claire», déplore-t-il. Précisant qu'une sardine de moins de onze centimètres porte en son ventre 1,5 million d'œufs, il fait savoir que sa pêche empêche la reproduction de l'espèce et contribue à sa destruction massive, elle qui fait partie des onze espèces en voie d'extinction dans la Méditerranée. Malgré l'interdiction par la loi de la pêche et de la vente de ce poisson de petite dimension, des centaines de caisses de sardines minuscules envahissent ces jours-ci les pêcheries, les poissonneries et les étals des marchés. «Ces marchandises sont écoulées au vu et au su de tous les services concernés», fait remarquer le syndicaliste. Il rappelle que le contrôle des ports et de l'activité des pêcheurs relève de la mission des gardes-côtes et de la police. Dénonçant ainsi le «laisser-aller» de ces services, il pointe également du doigt les services des Directions de la concurrence et des prix (DCP) des wilayas et les services des directions du contrôle de la qualité. «Même les services vétérinaires ne font pas leur travail», ajoute-t-il. Hocine Bellout dénonce vivement la pêche et la vente d'autres espèces de poisson telles le saurel et le bouga et des crustacés comme la langouste, le homard, la cigale de mer et la crevette, qui ne répondent pas à la règlementation en vigueur, notamment la taille minimale exigée par la loi. «Non seulement leurs prix sont excessivement élevés, mais en plus leur fraîcheur est sujette à caution, la chaîne de froid n'est pas respectée et les conditions d'hygiène laissent à désirer», dit-il. Clochardisation de la vente du thon rouge S'agissant du thon rouge dont la campagne de pêche a été lancée dernièrement, le président du Syndicat national des marins-pêcheurs assure que la production est disponible, mais il s'élève contre la «clochardisation» de la commercialisation de ce poisson. Il fustige ainsi le non-respect de la chaîne de froid et des conditions d'hygiène sur les lieux de vente. «La commercialisation du thon rouge est très sensible et nécessite de l'hygiène et le respect de la chaîne de froid, mais nous constatons que ce poisson est souvent vendu sur la voie publique, exposé durant des heures au soleil», note-t-il. En effet, des étals de fortune pour la vente du thon rouge pullulent depuis quelques jours sur les trottoirs, l'exposant aux poussières et aux gaz des moteurs de véhicules. Pis encore cette viande, poursuit Hocine Bellout, «est coupée avec des sabres, des haches, des scies de menuisier ou des scies à métaux». Des outils contondants dont la lame est souvent rouillée, exposant ainsi les consommateurs imprudents à des risques réels pour leur santé. Il cite ainsi le cas d'une intoxication alimentaire de quatre membres de la même famille récemment à Azzaba dans la wilaya de Skikda, après qu'elle ait consommé du thon rouge acheté sur la voie publique. Ry. N.