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Le conte populaire algérien, passion d'une vie
Entretien avec Nora Aceval
Publié dans Le Soir d'Algérie le 27 - 06 - 2021


Propos recueillis par layachi salah eddine
Nora Aceval, native des Hauts-Plateaux algériens, à Tousnina, wilaya de Tiaret, est conteuse et écrivaine. Auteure de plusieurs ouvrages (recueils et albums jeunesse), elle vient de publier Contes soufis de la tradition populaire , Ed. Al Manar Alain Gorius, Paris.
Nora vit entre la France et l'Algérie. D'une rive à l'autre, elle partage sa passion pour la littérature orale populaire. C'est en Algérie qu'elle réalise son œuvre principale qui est d'ordre anthropologique. Elle sauvegarde les contes populaires qu'elle collecte depuis plus de vingt ans de manière assidue. Elle écoute, enregistre, classe et parfois traduit en français. Un trésor pour la mémoire du futur.
Le Soir d'Algérie : Nora Aceval, avant de parler de votre dernier ouvrage Contes soufis de la tradition populaire, pouvez-vous nous dire comment on devient conteur ou conteuse ?
Nora Aceval : On ne devient pas conteur. On naît conteur ! Un jour, Moussa Lebkiri, un ami conteur et comédien, m'a dit : «Tout conteur peut devenir comédien mais tout comédien ne peut devenir conteur !» En 2018, je me souviens avoir lu un court article dans le magazine Science et Vie où il était question du talent des conteurs chez les chasseurs-cueilleurs des Philippines. « Il n'y a pas de gènes des histoires, mais certains traits favorisant la narration, comme les capacités mémorielles, le langage, ou la projection dans le temps, auraient pu, par ce biais, être sélectionnés», expliquait Daniel Smith du département d'anthropologie évolutive de l'université de Londres. Donc je ne sais pas comment ni pourquoi toute ma vie fut axée autour de l'écoute et de la narration de ces créations imaginaires que les êtres humains se transmettent entre eux depuis la nuit des temps.
En Algérie, terre de votre héritage mémoriel, pour quel genre d'histoire les gens montrent-ils une appétence ?
Il est important de savoir que les mêmes histoires circulent partout en Algérie et même dans le Maghreb, aussi bien dans les milieux arabophones que berbérophones. Bien que le conte soit une fiction, il est un genre littéraire revendiqué. Le plus apprécié demeure le style merveilleux, plus long, plus élaboré, où le surnaturel se mêle au réel. Ce genre, peuplé de personnages fantastiques comme les ogres et les ogresses, et d'objets magiques qui réalisent les vœux et secourent le héros s'apprécie sans doute grâce à sa fonction initiatique. Suivent d'autres genres, comme les contes de sagesse, les contes ludiques, les contes d'animaux, les fables, les épopées , etc. Le conte est la mémoire d'un peuple. Camille Lacoste Dujardin a réalisé toute son étude ethnologique en décortiquant les contes merveilleux de Kabylie, recueillis en 1893 par Auguste Moulieras, en berbère. Le conte a permis d'appréhender une société à travers son expression culturelle.
Pourquoi pense-t-on aux enfants lorsqu'on évoque le conte ?
C'est une idée reçue. Sans doute parce qu'il est didactique. Le conte est destiné à tous les âges et les adultes en sont plus friands qu'il n'y paraît. A la campagne, les adultes n'ont aucun complexe à s'émerveiller en écoutant une histoire. Excepté pour les Mille et une Nuits, depuis que le conte populaire a été écrit, il a été classé comme «littérature enfantine». Cela, selon les spécialistes, depuis la publication des Contes de ma mère l'Oye, de Charles Perrault, au XVIIe siècle. Les Mille et Une Nuits démontrent bien que le conte est un genre destiné à toutes classes d'âge et cela depuis plus de mille ans.
Parlez-nous de vos collectages. Comment procédez-vous ? La difficulté de trouver et faire raconter, hors veillée, un conteur ou une conteuse est connue...
C'est en lien avec mon histoire. Je suis née dans un milieu rural où la ferme de mes parents était entourée par les tentes de ma famille maternelle, nomade transhumante.
A l'époque, le conte était encore un acte social. Durant mon enfance à Tousnina, je mémorisais sans le savoir ce patrimoine. Puis, adulte, je transmettais à mes enfants avant de réaliser que ces trésors de l'oralité se perdaient. Comme j'ai effectué des études littéraires et non anthropologiques, «nécessité fait loi», j'ai appris sur le terrain. Seule ! Une grande aventure qui dure depuis 1988, date de mon premier conte collecté dans cette perspective de sauvegarde.
Tout comme on plante un arbre avant d'obtenir ses fruits, j'ai préparé le terrain. Le terrain est important à travailler avant de s'y risquer. Aller vers les gens avec sa voix, sa bienveillance, beaucoup de temps devant soi. Montrer patte blanche. Invitée, je parlais avec les gens la langue du peuple, je racontais une anecdote avec mon accent, mon patois. Ainsi mis en confiance, les gens se confient. Dire un conte, c'est se confier, c'est exprimer sa confiance. Dans un deuxième temps, j'explique mon objectif et je demande la permission d'enregistrer. Cela relève du contact humain, de la générosité offerte en partage. Avant l'ère du numérique, les gens n'étaient pas habitués à cette intrusion dans leur vie privée. Il fallait procéder avec tact et douceur. Personnellement, je m'arrangeais pour dormir chez les conteuses et les conduisais à organiser une veillée comme dans le passé. Nous éteignions la télévision et retrouvions le plaisir de l'écoute et de la narration. Et lorsque les personnes refusent les enregistrements, je prends des notes, mais le récit je l'enregistre dans ma mémoire. Le lendemain, seule dans mon coin, j'enregistre les contes retenus la veille afin de les fixer. Mais cela est rare. Le plus souvent, les conteurs acceptent l'enregistrement. Je ne détaillerai pas la logistique qui doit être discrète pour ne pas impressionner le narrateur. L'intuition fait le reste.
Votre dernier livre Contes soufis de la tradition populaire, autre fruit de ces collectages, est d'un genre différent de tout ce que vous avez publié. Pourquoi maintenant seulement ?
J'aime tous mes livres comme on aime ses enfants, même si certains nous déçoivent. Ce dernier-né est le fruit de l'expérience, le fruit des années qui sont passées et surtout un hommage à la culture de l'Algérie profonde. C'est un livre d'espoir et d'amour. Une éthique du comportement chère à la tradition soufie ! Plus que les actes de piété, dans l'islam soufi les valeurs éthiques sont au fondement de la vie spirituelle. Trente-trois contes écoutés auprès des anciens, traduits en français. Pour ne pas commettre d'erreur, je me suis documentée et surtout j'ai bénéficié de conseils de Adam-Mustapha Chaïb, bilingue (arabe-français), homme de foi ayant une bonne maîtrise de l'arabe, du Coran et du soufisme. Il est le préfacier de mon livre. Dans ce recueil aux histoires variées et surprenantes, chacun, jeune ou moins jeune, pourra conjuguer plaisir du texte et découverte d'un autre aspect de la culture maghrébine. On saura en lisant ce livre que j'ai un faible pour le saint soufi Sidi Abdelkader el-Djilani, el-Baghdadi, Boualam, Bouderbala... (sourire). Vous voyez où mènent les contes ? (Autre sourire). A la fin de l'ouvrage, il y a un glossaire pour les non-initiés. Ce livre est édité en France et mon désir était de parler de l'islam autrement en ces temps de polémique.
Un autre projet en cours ?
Oui, un projet qui me tient à cœur. Très prochainement, je vais m'isoler 60 jours pour terminer un ouvrage sur lequel je travaille depuis l'an 2000. La Geste hilalienne ! J'ai collecté de nombreux fragments de cette épopée arabe-maghrébine avant de tout tisser afin de reconstituer une version algérienne qui sera publiée en 2022. Rassembler ce qui est épars. L'épopée hilalienne, outre sa beauté et sa richesse poétique, est un important témoignage de la vie nomade au Maghreb. En plus de l'épopée, un autre recueil de contes est en gestation. Toujours, mes origines nomades me conduisent au tissage et au voyage à travers les voix encore vivaces. Glaner et sauver ce qui peut l'être de notre culture ancestrale, voici le projet d'une vie.
L. S. E.


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