La guerre en Afghanistan prend une nouvelle tournure, l'Europe se transforme en théâtre des opérations. Le Congrès américain aussi, il veut clouer au pilori un Président qui n'a pas encore bouclé une année à la tête du pays. A priori, cela se comprend au vu des pertes sèches (un milliard de dollars) pour en découdre, en vain, avec les Talibans déterminés à prendre leur revanche, après qu'ils eurent été chassés du pouvoir, il y a vingt ans. À défaut de garder le « paradis perdu », l'on s'y met en chœur à diaboliser plus que de mesure ces Talibans de malheur. Tout le monde s'y met : hommes politiques, hommes de science, spécialistes, hommes de médias. Doux aveu de Joe Biden : «Nous n'avons pas réussi à changer la société afghane.» «L'Afghanistan dans les griffes des Talibans !», voilà pour rester dans le discours ambiant. Mais d'abord, un point d'ordre, flanquer aux Talibans le nom de mollah ? Ce titre s'applique plutôt aux chiites, c'est le cas de l'Iran, ce vocable n'est pas valable chez les Talibans qui sont sunnites. Dans le rite malékite-sunnite, c'est l'imam qui conduit la prière des croyants et règle, au plan juridique, les litiges sur la base de la Charia. L'islam sunnite exclut tout intermédiaire entre Dieu et le fidèle qui a le loisir de s'adresser directement à Lui. Dans la hiérarchie chiite (en Occident, l'on parle de clergé !), le mollah s'octroie ce rôle d'intermédiaire. Ceci étant dit, la littérature occidentale, à propos de cette guerre perdue dans ce pays aride et montagneux, n'est pas exclusivement d'ordre militaire. C'est toute la vision du monde que les Occidentaux se sont construite qui explose. Les clameurs qui ont suivi la débâcle sont-elles pour autant justifiées par la crainte de voir les pauvres Afghans livrés au purgatoire talibanais ? N'ayons pas peur d'extrapoler : les maîtres d'aujourd'hui, coalisés dans l'Organisation du Traité de l'Atlantique du Nord (OTAN), voient les autres pays à travers leurs propres prismes. Hier comme aujourd'hui, oubliant du coup qu'ils n'ont pas affaire à l'homme du Neandertal. Toutes les entreprises de colonisation et de domination finissent de la même manière. Elles laissent derrière elles un pays exsangue, en ruine où tout est à reconstruire. Paradoxalement, les envahisseurs seraient venus pour faire du bien, à les croire. Ils oublient que nous sommes entrés de plain pied dans le vingt et unième siècle où tout se sait, où tous les peuples aspirent à l'émancipation matérielle et spirituelle dans le sens de la libre jouissance des libertés. Encore une fois, ils n'ont rien compris à ces peuples qu'ils subjuguent, asservissent. Quelle formidable hypocrisie de les voir déverser des larmes de crocodile devant les malheurs qui attendraient la femme afghane. Quelle fantastique mise en scène de cette noria d'avions gros porteurs, mobilisés pour des «raisons strictement humanitaires», avance-t-on ; les femmes et les enfants d'abord ! N'est-ce pas que la fin de la guerre, c'est la continuation de la politique par d'autres moyens ? La propagande médiatique est dans son rôle, mettant en scène des images chocs, les plus affligeantes dont le but est de transformer une défaite en victoire. Mais rien ne saurait cacher les catastrophes humanitaires là où l'aventure militaire a pris le meilleur sur une coopération «win-win», dans une hypothétique fraternité. Mais non, les démons impérialistes l'entendent autrement et ne reculent devant rien pour récidiver. Un mauvais élève, décidément. Brahim Taouchichet