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L'Egypte a peur de rejouer Sartre
Publié dans Le Soir d'Algérie le 22 - 11 - 2021

Signe des temps : une victoire sportive ne tient parfois qu'à une opération préventive d'exorcisme, destinée à mettre toutes les chances du côté de celui qui détient le meilleur élixir. On l'a vu la semaine dernière avant le match de football Algérie-Burkina Faso, quand une personne, autorisée et qualifiée semble-t-il, a déversé de l'eau bénite en certains endroits du terrain. Dans l'esprit de ceux qui l'ont commanditée, ou laissée faire, ces incantations devaient servir à désarmer les gris-gris disséminés un peu partout et à offrir la victoire aux coéquipiers de Mahrez. Las, le charme n'a pas opéré et a failli même se retourner contre le supposé bénéficiaire du filtre magique, puisque sur le terrain, les Burkinabés et leur gris-gris ont failli l'emporter. Ce qui prouve l'inanité de certains rituels lorsque certains joueurs ne sont pas en forme, ou que l'équipe est dans un jour sans, comme disent les commentateurs les moins crédules. Il est vrai que durant la dernière décennie, la pratique de l'exorcisme légal s'est répandue jusque sur les terrains de football puisqu'on avait vu un exorciste connu aux côtés de l'équipe nationale. Aujourd'hui, une nouvelle race de commentateurs sportifs et de supporters trouve normales des pratiques que leurs aînés tournaient en dérision lorsqu'ils les voyaient chez d'autres.
Le wahhabisme et des zaouïas délestés du soufisme comme le FLN du jour s'est délesté de l'ALN se sont alliés pour le pire: imposer des pratiques fétichistes que l'Islam est censé avoir effacées. Pas un jour ne passe sans qu'on fasse la démonstration de cette régression de tout un peuple dont la vie se résume à chercher sa pitance et à se prosterner à la moindre saute de vent. Dans les années soixante, fraîchement indépendants, et auréolés de lauriers virtuels que nos aînés avaient récoltés au prix de leur sang, on se gaussait des Orientaux, dont les Egyptiens. Ces mêmes Orientaux qui décidaient où et quand on méritait ou non d'être des Arabes comme eux, et qu'on s'évertuait à convaincre par une maîtrise inégalable de la langue et de l'histoire. Beaucoup plus leur propre histoire que la nôtre. Pour nous inoculer le virus de leur nouvelle religion, ils n'avaient que la mer Rouge à traverser et l'Egypte leur offrait le terrain idéal. Aujourd'hui, la société égyptienne et la nôtre, unies dans la même détresse morale, s'enfoncent dans la spirale de l'interdit et de l'inquisition, tandis que ses exportateurs s'en éloignent. Alors que l'Arabie Saoudite s'évertue à prendre ses distances avec ses dogmes fondateurs, les peuples contaminés semblent s'y accrocher de plus en plus comme si c'était une addiction.
L'Egypte, tout comme une partie des Algériens que je soupçonne d'être majoritaires, est attachée à la «méloukhia», ce plat qui m'insupporte, mais elle est aussi fervente de culture et d'art. Il y eut une ère lointaine où nous rivalisions en matière de théâtre avec les Egyptiens, en matière d'adaptation et de mise en scène des œuvres de la littérature universelle, aujourd'hui oubliées. Dans les années soixante qui ont vu le pays susciter et entretenir l'engouement du public pour le théâtre, en dépit d'un régime politique autoritaire et sourcilleux, l'Egypte a joué Sartre. Certes, les metteurs en scène n'ont pas osé jouer Le Diable et le Bon Dieu, les pesanteurs religieuses étaient déjà là, mais il y a eu quand même La P... respectueuse,(1) un succès. Il faut dire que les adaptateurs ont fait une traduction très respectueuse du titre initial en évitant l'équivalent populaire, trop cru, et en traduisant «respectueuse» par un terme assez vertueux.(2) Mais ceux qui fulminaient contre les pesanteurs et la censure, imposées durant les années soixante, doivent mieux mesurer l'énorme écart intervenu entre ces années et celles que nous vivons. J'en veux pour preuve la levée de boucliers contre le projet annoncé par l'actrice Ilhem Chahine de faire rejouer la pièce et d'y camper le rôle principal campé naguère par Samiha Ayoub.(3)
L'un des premiers tirs contre le projet est venu du prédicateur et imam du vendredi, Abdallah Rochdi, improvisé pédopsychiatre pour la circonstance qui a déclaré : «Nous n'accepterons pas que cette expression ''Mawmiss fadhéla'' circule dans notre société jusqu'à implanter dans le subconscient de notre jeunesse l'idée qu'une prostituée puisse être une héroïne sociale.» Un parlementaire (vous savez ce que ça vaut) a enchaîné en affirmant que l'Egypte ne devait pas passer outre ses us et coutumes et a affirmé que la pièce de Sartre était pornographique. Intervenant dans le débat, Samiha Ayoub a affirmé que les adversaires du projet n'avaient peut-être jamais lu le contenu de la pièce: ils sont un peu comme quelqu'un qui ne retiendrait du verset coranique que l'expression «n'allez pas à la prière», occultant la suite «alors que vous êtes ivres», a ironisé l'actrice. Si les censeurs réussissent à empêcher le retour de la pièce, ce sera une nouvelle défaite pour la culture et la liberté de création, comme on l'a vécu durant les années FIS. Après avoir réussi à annuler le concert de Linda de Suza, et enivrés par leur succès, les intégristes ont voulu récidiver en interdisant un concert d'Aït Menguellet, mais ils ont échoué. En ce temps-là, les esprits éclairés n'étaient pas encore embrumés par l'opportunisme et les pénuries en tous genres.
A. H.
1) La pièce, inspirée par les émeutes raciales aux Etats-Unis, a été publiée par Jean-Paul Sartre en 1946.
2) Le titre choisi pour la version arabe Al-Mawmisse Al-Fadhéla passait mieux que s'il avait été traduit plus crument par Al-Fadjira Almouhtarima , par exemple.
3) Samiha Ayoub, née en 1932, est la grande dame du théâtre et du cinéma égyptiens, elle a été mariée, en dernier lieu, à l'auteur Saddeddine Wahba qui lui a fait jouer le rôle principal dans plusieurs de ses pièces. Elle a aussi joué Brecht, Pirandello, Molière, en plus de la pièce de Sartre dont elle a défendu le retour sur les planches et qu'elle s'est proposé de mettre en scène.


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