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Le train de Sarajevo
Publié dans Le Soir d'Algérie le 03 - 02 - 2022

Je vous parle d'un temps révolu. Celui des grandes nations socialistes abattues traîtreusement par les forces réactionnaires, détruites économiquement, annihilées politiquement et divisées par des nationalismes étroits, ces nationalismes qu'on refuse de reconnaître dans la partie occidentale de l'Europe. On a vu comment la revendication légitime du peuple catalan a été réprimée. Et qui oserait encore parler de l'indépendance de la Corse où de la Bretagne ? N'oublions pas que Belgrade a été bombardée par les avions de l'Otan, au cœur de l'Europe... Au nom de l'intervention humanitaire et des droits de l'Homme ! Ce qui suit est le récit d'un voyage en train vers Sarajevo...
Belgrade, mai 1976.
Le kiosque à journaux de la gare de Belgrade est bien pourvu en publications étrangères. Les plus grands quotidiens de la planète s'y côtoient. On peut également y acheter des romans, des guides, des cartes routières, des souvenirs ; bref, tout ce qui tente les voyageurs aux ultimes moments précédant les départs. Le train pour Dubrovnik, via Sarajevo et Mostar, brille de mille feux sous les puissants projecteurs de la gare à côté d'autres rames en partance pour Novisad, Zagreb ou Palestrina.
Pareille à une haie d'honneur, la longue file de parents et amis venus saluer les leurs s'étire sans fin, à l'image du train dont on ne voit pas les premières voitures. Les gouttelettes d'une fine pluie ne semblent pas décourager tout ce monde qui agite frénétiquement des mouchoirs blancs en guise d'«au-revoir».
Départ pareil à tous les autres départs : mêmes scènes de stress en traversant des banlieues humides et tristes. Des amis, des couples, des parents se quittent sur fond de grisaille, dans le roulement des wagons et le sifflement des locomotives. Agrippée à une fenêtre, une jeune fille pleure à chaudes larmes. Quelque part au bord du Danube - que je n'ai pas trouvé tellement bleu - elle laisse peut-être quelques souvenirs d'un amour éphémère. Plus loin, un gaillard titube. Il a visiblement avalé plusieurs verres de cette eau de vie brûlante qu'adorent tant les Yougoslaves. Une vieille dame montre à son mari une lointaine bâtisse illuminée, leur maison peut-être.
Maintenant, il n'y a plus rien derrière les vitres. Sur fond noir, des gouttelettes ruissellent lentement, traçant des milliers de petits filets qui se croisent, s'entremêlent et se dispersent, comme tous ces destins réunis dans ce train, le temps d'un voyage... La jeune fille a essuyé ses larmes et a réintégré son compartiment. Le gaillard ronfle et le vieux couple s'est dirigé vers le wagon-restaurant.
Tous les voyages se ressemblent finalement s'il n'y avait pas ces rencontres, souvent fortuites d'ailleurs, qui nous font découvrir des situations et des gens apparemment banals, mais qui prennent leur importance dès lors que vous réalisez que ces visages, devenus familiers durant quelques heures, vont disparaître à jamais de votre vie. Alors, à moins d'être un solitaire intransigeant, sourd et muet de surcroît, vous ne pouvez vous empêcher de vous mêler aux autres. Vous participez – malgré vous et ne serait-ce que par politesse ou hypocrisie – à leurs joies et à leurs peines. Vide, le compartiment couchettes où j'échoue me paraît sinistre. Pourtant, il n'est pas plus laid que les autres. Bien au contraire, je découvre ici, derrière une porte vitrée, une douche digne d'un 4 étoiles ! La lecture du journal acheté à la gare de Belgrade ne me tente pas tellement, alors je quitte le compartiment et demande le chemin du wagon-restaurant.
Quelques voyageurs attablés dégustent une série de plats, apparemment raffinés, servis par des maîtres d'hôtel guindés. Un petit comptoir occupe la partie gauche du wagon. On y sert toutes sortes de boissons, chaudes ou fraîches. Quatre personnes y ont pris place, juchées sur de hauts tabourets somptueux. Trois d'entre elles semblent engagées dans une discussion passionnante, mais la langue dans laquelle elles s'expriment ne me permet pas d'en savoir plus. Quant à la quatrième personne, elle est plutôt « ailleurs ». Plongé dans ses rêveries, le vieillard en costume blanc et au chapeau d'un autre âge fixe longuement sa tasse de café. Son regard immobile, sa position figée et sa stature imposante le font ressembler à ces penseurs et autres inventeurs de renom fixés pour la postérité dans une de ces poses qui peuplaient les dictionnaires de notre enfance.
Une secousse, un peu plus forte que les autres, le réveille enfin de ses rêveries et il semble surpris de se retrouver dans ce wagon-restaurant, maladroitement installé devant un café refroidi. Il dit quelques mots au barman. Ce dernier lui sert un nouveau café chaud. Il se retourne vers moi et me parle. Je ne comprends rien. Je dis n'importe quoi en français, juste pour me donner une contenance. A ma grande surprise, le vieillard gentleman me répond dans la langue de Molière, avec un accent parisien prononcé.
Une gare de campagne surgit soudainement, avant de disparaître aussitôt dans le noir profond, vision éclair accompagnée de la sonnerie stridente d'une cloche. Notre train file à toute vitesse dans la campagne yougoslave et ne daigne point s'arrêter dans les stations perdues. Il est presque minuit et Paul ne s'est pas arrêté de parler depuis une heure environ. De tout et de rien. Etudes à Paris dans les instituts les plus prestigieux. Appartement somptueux dans les quartiers chics. Vie de roi. C'était avant 1940. Lors de la Seconde Guerre mondiale, il se retrouvera parmi les partisans, aux premières lignes de la lutte pour la libération de son pays. Patriote convaincu, socialiste de la première heure, il fera don de tous ses biens à la révolution au service de laquelle il consacra toute son énergie et son savoir. Cadre dans un ministère, il se distingue par son humilité, sa compétence et son dévouement exemplaire. C'est ce qu'il dit...
Ce sympathique personnage, s'il est un monstre de travail, devient, en dehors du bureau, un sacré boute-en-train plein de vitalité. Je ne me rappelle plus le nombre de blagues qu'il a débitées dans ce wagon-restaurant, alors que le train attaquait les premières pentes de ces montagnes impressionnantes qui encerclent Sarajevo.
«Dans la vie, il faut savoir s'organiser, me dit-il. Chaque chose en son temps. Le travail, c'est sacré. Il ne faut pas tricher, sinon on ne sera jamais tranquille avec sa conscience. Et si on n'en a pas, c'est plus grave encore !
«Après le travail, à quoi bon se morfondre dans la tristesse ! Il faut s'amuser, rire, vivre sa vie. Ça remonte le moral et ça vous aide à attaquer le travail dans les meilleures conditions. C'est pour ça que nous avons accordé beaucoup d'importance aux loisirs ! Un travailleur triste n'est pas un bon travailleur ! Il ne faut pas confondre tristesse et sérieux.»
Il avale son troisième café d'un trait et poursuit :
«A Belgrade où je travaille, je ne fréquente pas les quartiers de loisirs du centre-ville. Je vous dis franchement que la majorité des établissements sont des pièges pour touristes. J'ai un joli coin retiré où je vous inviterai après votre retour de Sarajevo. C'est une péniche amarrée sur le Danube à quelques kilomètres du centre-ville et transformée en restaurant. C'est un coin à la portée de toutes les bourses. Un orchestre de tziganes y crée une ambiance formidable...»
Paul se rend à Dubrovnik pour quelques jours de vacances. Je le quitte à Sarajevo au petit matin. J'ai juste eu le temps de récupérer mes bagages dans le compartiment où la couchette n'a même pas été défaite. Une nuit blanche de temps à autre, cela ne fait pas trop de mal ! Sur les conseils de Paul, je visite les ruelles étroites de la vieille ville : une Casbah en miniature avec ses mosquées, ses barbiers, ses cafés maures où l'on vous sert le fameux café turc qui donnerait des insomnies à un bœuf. Il y a même des femmes voilées. A l'heure de la prière, les fidèles encombrent les ruelles tortueuses où l'on sent des odeurs de chorba, d'ambre et d'encens. Sarajevo, l'orientale.
M. F.


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