[email protected] Un groupe d��minentes personnalit�s du Conseil de l�Europe, pr�sid� par Joschka Fischer, ex-ministre Vert des Affaires �trang�res du gouvernement de coalition �rouge vert� du chancelier SPD allemand Schroeder et regroupant neuf �personnalit�s remarquables par leur exp�rience et leur int�r�t particulier pour ce th�me�, vient de rendre son rapport �Vivre ensemble : Conjuguer diversit� et libert� dans l�Europe du XXIe si�cle� (*). Le mandat officiel du groupe devait couvrir les �l�ments suivants : - appr�cier la gravit� des risques que repr�sentent pour les valeurs du Conseil de l�Europe la recrudescence de l�intol�rance et la mont�e en puissance d�approches de type �communautaire� ; - identifier les sources de ces ph�nom�nes (id�ologiques, morales, religieuses, �conomiques, sociales et culturelles, etc.) ; - d�finir un nouveau concept du �vivre-ensemble�, qui pourrait �tre propos� aux citoyens des soci�t�s europ�ennes. Le document du groupe vient � peine d��tre rendu public. Il passe en revue les menaces qui p�sent sur le �vivre-ensemble� avant de recenser les r�ponses et les solutions � leur apporter. La menace est trait�e sous le double prisme de l�inventaire des risques et de leur niveau de gravit� d�une part, et de leur d�codage, d�autre part. Les risques tiennent aux maux suivants, au nombre de huit : 1. Une intol�rance croissante. 2. Un soutien de plus en plus affirm� aux partis x�nophobes et populistes. 3. La discrimination. 4. La pr�sence d'une population virtuellement sans droits. 5. Des soci�t�s parall�les. 6. L�extr�misme islamiste. 7. La perte de libert�s d�mocratiques. 8. La possibilit� d�un clash entre �libert� de religion� et libert� d'expression. Que cachent ces risques ? Dans son �d�codage�, le groupe souligne les facteurs suivants : l�ins�curit�, l�immigration, une image biais�e des minorit�s dans les m�dias et des st�r�otypes n�gatifs, et enfin une crise de leadership. Quant � la r�ponse envisag�e � l��chelle du Vieux Continent, elle repose sur l�action de ce que le groupe appelle �les acteurs du changement� que sont les �ducateurs, les m�dias, les employeurs et les syndicats, la soci�t� civile, les cultes et groupes religieux, les c�l�brit�s et mod�les, les villes et les cit�s, les Etats membres, les institutions europ�ennes et les organisations internationales. Les trois derniers risques �voqu�s nous concernent plus ou moins directement parce qu�ils se rapportent � la pr�sence de nos compatriotes ou coreligionnaires sur le sol europ�en. Bien que l'Islam soit pr�sent en Europe depuis de fort nombreuses ann�es, les nombreux attentats qui ont secou� certaines villes europ�ennes depuis le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis �ont fait na�tre dans l'esprit des gens l�id�e que le terrorisme est une caract�ristique inh�rente � l'Islam�, d�plore le groupe. Il poursuit : �On entend souvent dire que si tous les musulmans ne sont pas des terroristes, la presque-totalit� des terroristes sont musulmans�. Pourtant, toutes les donn�es statistiques officielles contredisent une telle assertion. Un rapport d'Europol �tabli en 2009 concluait que �le terrorisme islamiste reste per�u comme la plus grande menace au monde, malgr� le fait que l�UE n'ait eu � faire face qu'� un seul attentat terroriste islamiste en 2008�. Au vu des processus r�els, l�Europe est plut�t victime des r�sistances locales, souverainistes et autres � son �largissement. En effet, le groupe souligne que �le s�paratisme, plut�t que la religion, demeure le motif d�clar� du plus grand nombre d'attentats commis dans l�UE�. Le m�me rapport d�Europol (**) notait qu'en 2009, bien que des terroristes islamistes aient menac� les Etats membres de l�UE de proc�der � des attentats aveugles, et de faire un grand nombre de victimes, le nombre d'arrestations li�es au terrorisme islamiste (110) a diminu� de 41% par rapport � 2008, ce qui montre que la tendance r�guli�re � la baisse depuis 2006 se poursuit�. Au-del� de sa menace r�elle, le terrorisme semble faire des ravages beaucoup plus psychologiques li�s � sa capacit� �� traumatiser la soci�t�, � g�n�rer un climat de peur et � �ventuellement � provoquer des r�actions tendant � radicaliser et � �largir le gisement potentiel de personnes au sein duquel le groupe derri�re les attentats peut esp�rer obtenir un soutien pour son id�ologie et trouver de nouvelles recrues pour ses activit�s � dans le cas du terrorisme islamiste, des musulmans, en Europe et dans le monde islamique, ali�n�s et qui ha�ssent l'Occident�. Ce qui fait dire aux r�dacteurs du rapport qu�au vu de ces crit�res diffus �le terrorisme islamiste est � l'�vidence le plus efficace et le plus dangereux � ce jour en Europe�. Les partisans de la violence dans l�espace islamique ignorent qu�en persistant dans leur sectarisme (encore faut-il qu�ils puissent le r�aliser), ils ternissent l�image de l�Islam et ne font qu�alimenter et l�gitimer �les m�dias et les agitateurs de propagande antimusulmans qui ont conduit le grand public � voir l'Islam radical ou militant comme une menace majeure pour la s�curit� de l�Europe. Le groupe poursuit son constat : �L'existence d'un extr�misme islamiste � et par l�, il convient d'entendre non seulement les complots terroristes r�els ou l'incitation explicite � la violence mais �galement les groupes et pr�cheurs qui d�noncent les valeurs occidentales ou appellent au jihad (souvent traduit � bien que parfois abusivement � par �la guerre sainte�) � est une menace grave � la coexistence pacifique entre musulmans et non-musulmans en Europe, ne serait-ce que parce qu'elle renforce, et semble justifier, la peur et le ressentiment nourris par la population non-musulmane � l'�gard des musulmans.� Seconde menace recens�e : la perte de libert�s d�mocratiques. Elle aussi est nourrie par �la double peur � des Europ�ens, ndlr � d'�tre �noy�s� par un afflux incontr�l� d�immigr�s et/ou massacr�s par des terroristes islamistes�. Ce qui soumet les Etats �� une pression constante pour resserrer le contr�le sur l'immigration et pour suivre de tr�s pr�s les terroristes potentiels ou suspects. Trop souvent, on part de l'hypoth�se qu'il faut choisir entre s�curit� et libert�s civiles, et les gouvernements se sentent oblig�s de restreindre les libert�s civiles dans l'espoir de garantir la s�curit�. A ce titre, il est d�nonc� �certaines mesures prises au nom de la pr�vention du terrorisme� dont l�impact est jug� n�faste en mati�re de droit � la libert� d�expression et d'information ou plus g�n�ralement des droits de l'homme : �Dans bon nombre d'Etats, la p�riode de d�tention durant laquelle quelqu�un peut �tre enferm� sans inculpation, sur le simple soup�on d�une participation � des complots en vue de commettre des actes de terrorisme, a augment� de mani�re r�guli�re et les droits de la police d'exercer une surveillance sur ces suspects ou de p�n�trer dans leurs foyers, ou encore de violer leur vie priv�e, n'ont fait que s'�tendre. En outre, plusieurs pays europ�ens ont fait preuve d'une indulgence coupable � l'�gard des op�rations de services de s�curit� �trangers. Des personnes ont �t� kidnapp�es, d�tenues de mani�re arbitraire dans des prisons secr�tes et transf�r�es vers d'autres juridictions o� elles pouvaient �tre tortur�es, sur le simple soup�on de terrorisme et en violation flagrante du droit international.� Il est rappel� que deux enqu�tes men�es par l'Assembl�e parlementaire du Conseil de l�Europe concernant le programme relatif aux prisonniers pr�sentant une grande valeur (HVD) instaur� par l'Administration am�ricaine apr�s les attentats du 11 septembre ont r�v�l� l�existence d�une �toile d'araign�e � mondiale tiss�e par la CIA. Quant � la possibilit� d�un clash entre �libert� de religion� et libert� d'expression, le groupe consid�re qu��objectivement, malgr� tous ses contrastes et ses contradictions, de toutes les r�gions du monde, l'Europe d'aujourd'hui est l�une des plus s�res, des plus libres, des plus prosp�res, des plus confortables et des plus humaines, et l�un des endroits o� la sant� est la meilleure�. Dans l�ensemble, la menace islamiste procure plus de peur que de mal. Reprenant l�id�e de performance du syst�me de sant� europ�en, le rapport ironise : �Pourtant, de nombreux Europ�ens n'en semblent pas conscients, ou, s�ils le sont, adoptent le point de vue du Dr Knock, selon lequel la sant� est un �tat pr�caire qui ne pr�sage rien de bon.� A. B. (*) Aux c�t�s de l�ancien diplomate allemand on retrouve au sein du Groupe Emma Bonino (Italie), Timothy Garton Ash (Royaume-Uni), Martin Hirsch (France), Danuta Hubner (Pologne), Ayfle Kadolu (Turquie), Sonja Licht (Serbie), Vladimir Lukin (F�d�ration de Russie) et Javier Solana (Espagne). L�int�gralit� du rapport peut �tre consult�e depuis le 11 mai dernier sur : http://docs.jeanjaures.net/NL438/20110511_Repo rt_GEP_fr.pdf (**) Ces donn�es sont tir�es de : Europol, TE-SAT 2010, Situation du terrorisme et rapport sur les tendances, 2010.