�Quel don divin !� pourra dire le commun des enfants alg�riens. L�avenir du pays s�annonce, a priori, serein au plan des revenus, il suffit d�exploiter, apr�s le p�trole, un autre don du ciel : le soleil. Conditions : que nos dirigeants �l�vent la r�flexion sur l�avenir du pays � la mesure des ses d�fis. Dans le brouhaha que fait la classe politique autour du partage ou de l�exercice du pouvoir politique, la voix des scientifiques reste inaudible. Pourtant, nos scientifiques soul�vent des questions d�terminantes pour le devenir du pays. �La prise en charge efficiente des probl�mes du pays, particuli�rement ceux qui ne manqueront pas de surgir dans le sillage du changement climatique, aplanira les difficult�s qui sont d�ordre politique.� Parole d�expert. Kara Mostefa Kamel en est convaincu. Ancien directeur de l�Agence nationale du changement climatique, ancien directeur national de la m�t�orologie et membre fondateur du Groupe intergouvernemental charg� de l��tude de l��volution du climat (GIEC), lequel d�pend de l�ONU, M. Kara pense qu�il conna�t bien le dossier relatif au changement climatique et les cons�quences qui en d�couleraient. Il appr�hende les impacts sur l�Alg�rie, mais reste optimiste. Pour lui, des solutions existent. L�expert que nous avons rencontr� lors du s�minaire portant �Economie d��nergie et ressources renouvelables� qu�a organis� l�Association �cologique de Boumerd�s pense, avec force, que l�Alg�rie a un r�le historique � jouer dans la r�volution annonc�e sur la production industrielle de l��nergie verte. Il le clame haut et fort : �L�Alg�rie a, comme pour le gaz, une mission historique � remplir. Elle avait fait de mani�re audacieuse le pari sur la technologie de la liqu�faction du gaz du gisement qui �tait nouvelle. Nous sommes quasiment dans le m�me contexte.� L�expert qui conna�t le mieux l�historique du climat alg�rien se confie au Soir d�Alg�rie . Suivons-le. Le Soir d�Alg�rie : Monsieur Kara, vous dites que l�Alg�rie est l�un des premiers pays � lancer la r�flexion sur le changement climatique. Pr�cisez pour nos lecteurs. Mostefa Kamel Kara : Effectivement, si j�ai dit cela c�est parce que nous l�avons v�cu avec des effets visibles. Durant les d�cennies 1970 et 1980, l�Alg�rie et la r�gion du Sahel ont subi une terrible s�cheresse, qu�on avait � l��poque appel�e la s�cheresse soudano-sahelienne. Elle �tait impitoyable et avait laiss�, entre 1973 et 1974, plus de 320 000 morts. L�Alg�rie avait aussi enregistr� des victimes. Elle est le premier pays au monde � recevoir des r�fugi�s climatiques venant du Sahel notamment. Tamanrasset a vu sa population tripler. Cette wilaya a re�u en effet plus de 40 000 personnes qui ont fui la s�cheresse et la famine. Cela avait pos� d��normes probl�mes sociaux, sanitaires� C�est en cons�quence � partir de cette date et au constat terrible des retomb�es de la s�cheresse sur les populations que les autorit�s de l��poque avaient pris conscience de cette catastrophe climatique. Elles avaient effectivement d�ploy� des efforts pour att�nuer les souffrances des populations. A l��poque, j��tais jeune directeur de la m�t�orologie nationale, les hauts responsables du pays m�avaient appel� pour aider � comprendre ce ph�nom�ne. On croyait que ce n��tait qu�une variabilit� climatique. En r�alit�, c��tait les premiers indices du changement climatique. Et � partir de cette date l�Alg�rie a �t� le premier pays � poser ce probl�me. Elle a �t� � l�origine de la cr�ation du GIEC (Groupe intergouvernemental de l��volution climatique.) Il est maintenant clair que nous vivons les premiers temps d�un changement climatique ; quelles seront, d�apr�s vous, les cons�quences qui d�couleront de ce changement climatique sur les populations de notre pays ? Les cons�quences, c'est-�-dire les impacts, seront importants. Il faut d�abord comprendre la probl�matique de ces impacts. C'est-�-dire remonter � leur origine. Comment est-on arriv�s � cette situation de d�r�glement climatique ? Je vous signale que ce d�r�glement est �troitement li� � la combustion de l��nergie fossile qui �met en peu de temps �norm�ment du gaz � effet de serre. Le d�r�glement de la temp�rature entra�ne un effet de dominos sur les autres syst�mes comme le cycle biologique et le cycle du carbone, la raret� de l�eau sera importante, le calendrier agricole sera perturb�, les �cosyst�mes se d�graderont plus vite, l�on enregistrera en outre l�acc�l�ration de la d�sertification, l�aggravation des maladies� Pour revenir � l�Alg�rie, elle est doublement victime. Elle n�est pas responsable de ce d�r�glement. Cette responsabilit� incombe aux pays d�velopp�s. Nous allons subir des incidences. Ces incidences vont d�abord se traduire sur l�eau. Comme l�Alg�rie est un pays semi-aride, voire aride dans le Sud, elle subit le stress hydrique bien avant ce d�r�glement climatique. Ce probl�me va en s�aggravant. Ce qui se r�percutera su l�agriculture, l�hygi�ne� Par ailleurs, d�ici 2020, nous aurons un mod�le hydrique avec un d�ficit de 2 milliards de m�tres cubes par rapport � la quantit� d�aujourd�hui. En 2025, l�Alg�rie aura environ 40 millions de bouches � nourrir. Du vivant du professeur Mentouri, le Cnes avait dit qu�en 2025 nous serions 40 � 42 millions et que nous aurons besoin de 120 000 000 de quintaux de c�r�ales et de presque 45 millions de t�tes d�ovins. Satisfaire cette demande sera un grand d�fi pour l�Alg�rie. Il ne faut pas faire peur aux gens, mais il faut les alerter et les sensibiliser sur les �conomies de tous les jours et la bonne gestion de nos ressources car fort heureusement des solutions existent. Vous dites que l�Alg�rie est l�un des plus grands gisements d��nergie solaire au monde et que par cons�quent elle pourrait devenir l�un des plus grands fournisseurs au monde d��lectricit� solaire ; quelle est, selon vous, la meilleure technologie pour exploiter ce gisement et �ventuellement exporter cette �nergie ? C�est vrai, nous sommes l�un des pays les plus ensoleill�s avec en plus des atouts. Je le dis parce que j��tais le directeur de la m�t�orologie nationale. Nous avions install� des �quipements � travers le pays pour mesurer cet ensoleillement. Ces informations existent. C�est ce qui me permet de m�avancer sur l�importance de ce gisement. De plus, l�Alg�rie a commenc� avec le solaire il y a bien longtemps. Cette exp�rience remonte aux ann�es 1950. Pour le second volet de votre question il y a, en la mati�re, un d�bat technologique. En tant que scientifique j�interviens pour dire qu�il y a trois technologies. Quelle est la meilleure technologie pour l�Alg�rie ? Il y a les miroirs bas�s sur le syst�me thermique, le syst�me photovolta�que utilis� g�n�ralement dans l�habitat et enfin la troisi�me technologie qui est nouvelle concerne le graduant de temp�rature. Pour cette derni�re technologie, la diff�rence de temp�rature entre le sol et l�altitude cr�e un courant. C�est donc la technique de la tour � courant a�rien ascendant qui fait tourner une turbine. Quels sont les avantages et les inconv�nients de ces trois syst�mes de la transformation du soleil en �lectricit� ? Les deux premiers sont intermittents ; ils d�pendent de la visibilit� du soleil. Les centrales ne travaillent que le jour et suivent la mobilit� du soleil. Ce qui les rend complexe. Pour r�sumer les handicaps des deux premi�res technologies, je rel�ve l�intermittence, la complexit� et l�apport de l�eau en quantit�. L�apport de l�eau pour le refroidissement est important ; pour une centrale de 200 m�gawatts, 1 500 000 de m3 d�eau par an sont n�cessaire annuellement pour le refroidissement ; ce que nous n�avons pas. On nous explique que l�on pourra bient�t produire � sec, ce n�est pas encore op�rationnel ; moi je ne crois qu�en ce qui existe. Dans cette affaire, il faut �tre vigilant. Il y a des lobbies derri�re et chacun veut faire jouer sa propre partition. C�est en outre des technologies tr�s compliqu�es. �a reste donc une technologie de laboratoire. Par ailleurs, dans le cas de cette option, l�Alg�rie sera oblig�e d�importer, � 70% en devises, �quipements et process. Tandis que la tour � courant ascendant, elle, est � 80% en dinars. Elle n�exige que du b�ton et du verre ordinaire. En plus, elle sera construite par une main d��uvre locale. Or, les deux premi�res technologies n�cessitent l�apport d�une main-d��uvre sp�cialis�e, �trang�re notamment. Les �conomistes pr�conisent, pour les pays � faibles revenus la technologie de la tour de courant ascendant. C�est mon avis et je suis pr�t � le d�fendre devant quiconque. Je persiste � dire que les autres technologies ne sont rentables qu�� une �chelle r�duite pour une utilisation restreinte. Mais au plan industriel, celle que je d�fends est la meilleure. Et c�est l� o� l�Alg�rie pourrait devenir un grand pays producteur d��nergie verte et vendre en contre partie des tonnes de CO2 �conomique. Dans tout cela, l�Alg�rie n�est pas isol�e ; elle fait partie d�un continent, d�une r�gion et elle a comme voisins le Maroc, la Tunisie qui seront touch�s autant qu�elle par les impacts du changement climatique� Comment voyez-vous la coop�ration entre ces pays pour faire face � ces incidences ? Effectivement, il faut qu�il y ait une coop�ration entre ces pays. Cela a commenc� avec un projet Pnud. Il n�est pas en outre n�cessaire de revenir sur la similitude sur beaucoup de param�tres climatiques entre les pays maghr�bins. Par ailleurs, la situation au Maroc est plus grave parce qu�il utilise beaucoup le charbon ; ce qui cause la d�forestation alors que nous avons la chance d�avoir du gaz naturel et dans les ann�es 1970 les autorit�s du pays ont adopt� une politique volontariste pour mettre ce gaz � la disposition des population. Ce qui peut plus ou moins nous aider � pr�server nos for�ts. Nous avons donc cette pr�occupation commune de l��nergie. C�est un monde nouveau qui va s�ouvrir, nous avons int�r�t � coop�rer. Sans chauvinisme aucun, je pense que le d�veloppement de l��nergie solaire passe n�cessairement par l�Alg�rie. Pourquoi ? C�est le plus grand gisement au monde. Il est au centre d�une r�gion strat�gique par rapport au march� europ�en. Nous sommes donc mieux plac�s pour transf�rer cette �nergie � moindre co�t. L�Alg�rie a, comme pour le gaz, une mission historique � remplir. Elle avait fait de mani�re audacieuse le pari sur la technologie de la liqu�faction du gaz du gisement qui �tait nouvelle. Nous sommes quasiment dans le m�me contexte. Est-ce que la nouvelle g�n�ration prendra ce pari, gagnable au demeurant, concernant l��lectricit� ? Je pense que c�est son devoir d�aller dans cette direction ;