De nos envoyés spéciaux, M. Bouchama, A. Andaloussi et S. Sid Le destin en a voulu ainsi : l'Algérie retrouvera l'Allemagne, lundi à Porto Alegre, en huitièmes de finale. Trente-deux années, le chiffre 32 est magique, après l'épopée d'El-Molinon, en Espagne-1982, les Verts retrouveront l'ex-RFA qui s'offre, enfin, sa revanche du siècle. Face à la Russie, jeudi à Curitiba, les Algériens n'ont pas tremblé. Menés longtemps, une petite heure, les camarades de Halliche ont assuré le strict minimum. Une égalisation et, comble du bonheur, une historique qualification à la seconde phase du tournoi le plus prestigieux organisé par la Fifa. Le but de Slimani, intervenu après moult tentatives, d'extraordinaires efforts et une volonté tout aussi grandiose, a libéré une équipe, un stade, un peuple, une nation. Les Russes pensaient, pourtant, avoir fait le plus dur suite à la conclusion de leur premier ballon offensif, un retrait à droite des bois de M'Bolhi, que Kokorin reprendra de la tête devant un axe laxiste (6'). Mener devant un adversaire qui visiblement était là pour se suffire du nul. Un objectif pour lequel Halilhodzic n'a pas donné de consignes. Lui qui a renouvelé, à un élément près (Bouguerra remplacé par Belkalem) sa confiance au même groupe qui avait terrassé les Taiguk Warriors de Corée du Sud. Un petit changement qui a eu son effet. Une première fois négatif car, sur la réalisation de Kokorin, Belkalem est responsable en étant en décalage par rapport à son équipier Halliche. Une aubaine immortalisée par le milieu offensif du Dinamo Moscou d'une frappe majestueuse de la tête qui s'est nichée sous la lucarne droite des bois de M'Bolhi. Après, l'ancien défenseur de la JSK s'est comme ressuscité avec une fin de match irréprochable. Lui et ses coéquipiers de la défense ont non seulement remballé les velléités des hommes de Capello mais ont fini par comprendre qu'il était de leur rôle d'aller taquiner l'arrière-garde frileuse d'Akinfeev. Un apport qui a déstabilisé la Sbornaya, prise à la gorge, cernée dans son périmètre jusqu'à cette fatidique 62' qui verra un escadron algérien s'envoler dans les airs pour reprendre un corner botté par Brahimi. Dernier de la légion volante, Slimani catapulte le cuir au fond des filets des bois d'Akinfeev. Avec la rage de quelqu'un qui, une heure durant, s'était démené comme un forcené sans pouvoir bouger un axe défensif russe trop agressif aux yeux de l'attaquant du Sporting Lisbonne, peu pour ceux du referee turc Cakir. 47' : M'Bolhi bloque Samedov, un signe du destin ! Dans un Aréna Baixada Stadium aux trois quarts acquis aux Algériens, l'histoire a retenu que, trente-deux ans après le premier succès algérien en Coupe du monde, face à l'ex-RFA de Paul Breitner, Hrubesh et autre K.H. Rummenige, l'Algérie qui s'invite pour la quatrième fois de son histoire dans un Mondial organisé de surcroît dans La Mecque du football, arrache sa qualification face à une sélection de l'UEFA, la Russie, même sans l'avoir battue. En fait, l'Algérie n'a gagné qu'une seule, face à l'ex-RFA en l'occurrence, des 7 rencontres en Coupe du monde face à une équipe européenne. Le bilan fait état de 2 nuls (Irlande du Nord et Angleterre) et de 4 défaites (Autriche, Espagne, Slovénie et Belgique). Après l'historique but de Feghouli, face à la Belgique, l'historique 4-2 infligé aux Sud-Coréens, l'histoire ne pouvait bégayer quand Slimani rétablissait l'équilibre devant la Russie pour offrir une bellissime qualification aux siens. Mais Slimani n'était pas le seul héros de cette soirée inoubliable du 26 juin 2014 ! Derrière, Medjani et Bentaleb ratissaient une zone médiane, un véritable bourbier, où les Russes espéraient asseoir leur domination en plaçant quatre milieux. Plus en arrière, derrière la paire Halliche- Belkalem, M'Bolhi veillait. Impuissant sur le but de Kokorin qu'il a suivi d'un coup d'œil, Raïs a sauvé les Verts en plusieurs occasions. Celle de la 47' quand il bloquera l'essai de Samedov, absolument seul devant lui, qui pouvait sonner le glas aux Algériens. Un arrêt d'un rare sang-froid, à l'image d'un... ours qui se jette sur sa proie. Et, jeudi dernier, M'Bolhi a été ce chasseur insatiable. Phénoménal sur l'action de Samedov, M'Bolhi est également entré dans l'Histoire. La Mannschaft comme bonus Au coup de sifflet final de M. Cakir, l'explosion de joie et les pleurs de bonheur passés, joueurs, staff et supporters se projetaient sur le match de lundi prochain à Porto Alegre, face à l'Allemagne de Löw, incontesté leader de la poule G. Un duel qui n'a rien à voir avec les trois premiers matches du tour inaugural. Halilhodzic, comme ses joueurs, en est conscient. «Ce sera un autre match, j'en suis conscient. Je dois savourer avec mes joueurs. Après, on récupère et on verra ce qu'on peut préparer aux Allemands», précise le Bosnien si superstitieux à l'idée de retrouver le stade de Beira-Rio de Porto Alegre qui avait permis à ses poulains d'expurger leurs peurs et, de surcroît, exploser la sélection sud-coréenne. «Oui, les Brésiliens nous ont pris en sympathie. Ils aiment notre football et nous essayerons de les régaler», a-t-il ajouté préférant, par contre, ne pas commenter la question liée à l'observation par ses joueurs du jeûne pendant ce début de Ramadhan. Son joueur, le stratège Brahimi, admet, quant à lui, que c'est une affaire personnelle qui doit concerner chaque individu. Pour le reste, l'exploit de se qualifier au second tour réalisé par Slimani et Cie est désormais une vieille histoire. L'Allemagne, considérée comme l'un des favoris au sacre au Brésil, est désormais le prochain challenge de Feghouli et compagnie. Le Valencien, auteur d'un autre gros match face à la Russie, fera cet aveu lourd de sens quand on lui a demandé si le match contre la Mannschaft était un bonus pour l'Algérie : «Ah non, non, ce n'est pas que du bonus. Maintenant qu'on est là... Quand on joue pour nos couleurs, pour notre pays, c'est à fond et on ne craint personne.» M. B. Fiche technique Curitiba, stade Aréna Baixada, temps doux mais humide, terrain gras, affluence nombreuse, arbitrage de M. Cakir Cuneyt (Turquie) assisté de MM. Duran Bahattin et Ongun Tarik. (Turquie), 4e arbitre : Joel Aguilar (Slovénie), Arbitre de réserve : William Torres (Slovénie). Buts : Kokorin (6') Russie, Slimani (62') Algérie. Avts : Mesbah (39'), Ghilas (86'), Cadamuro (90'+2') Algérie, Kombarov (58'), Kozlov (61') Russie. Algérie : M'Bolhi, Mandi, Mesbah, Belkalem, Halliche, Medjani, Bentaleb, Brahimi (Yebda, 70'), Feghouli, Slimani (Soudani, 90'), Djabou (Ghilas) (76'). Entr. : Halilhodzic. Russie : Akinfeev, Kozlov, Ignashevich, Glushakov, Kokorin, Kerzhakov (Kanunnokov, 80') Berezutskiy, Shatov (Dzagoev, 69'), Samedov, Fayzulin, Kombarov. Entr. : Capello. Madjid Bouguerra (défenseur de l'EN) : «L'Allemagne ? C'est dur mais on n'a rien à perdre» De nos envoyés spéciaux, M. Bouchama, A. Andaloussi et S. Sid Annoncé incertain face à la Russie, Madjid Bouguerra n'a pas été finalement aligné par Coach Vahid. Remplaçant et observateur, le capitaine des Verts approché dans la zone mixte dira d'emblée : «C'était stressant à mort.» Et de livrer ensuite ses sentiments : «J'ai suivi la partie, pratiquement toute la partie, à genoux. En plus, je n'avais plus de voix. Je n'imagine même pas ce que c'est que d'être entraîneur.» A propos du match, Magic Bouguerra se permet une analyse : «Ils ont fait un match d'hommes. Ils ont joué avec le cœur, les tripes et la volonté», notera-t-il d'abord avant de relever que lui et ses coéquipiers sont «rentrés dans l'Histoire. C'était ça notre objectif». Bouguerra livrera, par la suite, la causette de Halilhodzic pendant la pause-citron. «Le coach savait qu'on allait marquer sur coup de pied arrêté. Il nous a dit d'être patients et surtout de rester organisés, de ne pas partir à l'abordage», confie-t-il. Pour la suite de l'aventure, Bouguerra dira : «L'Allemagne ? Ça va être très dur mais on n'a rien à perdre. C'est que du bonus. Tout le monde sait que les Allemands sont parmi les favoris du tournoi, que c'est une grosse équipe. Si on perd, c'est normal, si on gagne, c'est un exploit. Maintenant, il faut prendre du plaisir et aller le plus loin possible», conclut celui qui avait offert, le 19 novembre 2013, à Blida, la qualification en Coupe du monde 2014 à l'Algérie. A. A. Yacine Brahimi (milieu offensif de l'EN) : «On attaquera l'Allemagne en position d'outsider» Aux anges après le nul de l'Algérie face à la Russie qui qualifie son équipe en huitièmes de finale du Mondial brésilien, Yacine Brahimi n'a pas caché sa joie, évoquant dans la zone mixte ses sentiments lors de ce match face aux Russes et se projetant sur la suite de l'aventure des Verts dans ce tournoi. Le Soir d'Algérie : C'est une qualification historique, n'est-ce pas ? Yacine Brahimi : On a écrit une nouvelle page de l'histoire de notre pays. C'est vraiment exceptionnel ce qui nous arrive. C'est indescriptible pour moi. Je pense qu'on ne se rend pas vraiment compte de ce qui nous arrive aujourd'hui. Quel sentiment avez-vous éprouvé au coup de sifflet final ? De la fierté d'appartenir à l'Algérie. On en est vraiment tous très fiers. Avant d'aborder ce match, vous nous avez déclaré que ce serait une finale. Comment vous l'avez vécue ? Ce n'était pas un match que pour nous, c'était pour tout le peuple algérien. Il y avait de la pression, beaucoup d'enjeux, parce qu'on savait ce qu'il pouvait y avoir au bout. On a vu une équipe sereine malgré le fait d'avoir encaissé un but au tout début de la rencontre... On a encaissé un but mais on n'a pas paniqué. Je crois que c'est cela qui fait notre force. Le coach nous a dit de continuer à jouer notre jeu, de ne pas s'inquiéter et qu'on allait marquer sur coup de pied arrêté. En huitièmes, vous allez affronter une solide équipe, à savoir l'Allemagne. Quel sera votre objectif ? Contre l'Allemagne, on attaquera le match en position d'outsider et on donnera tout, comme on l'a toujours fait. Propos recueillis par A. A. La précision de Brahimi : «Jeûner ou pas, c'est personnel» A la suite d'une question formulée par un média étranger portant sur le respect du jeûne pendant le Ramadhan et la position qu'adopteront les joueurs algériens durant ce mois de carême, le milieu de terrain de Grenade a répondu d'une façon très diplomatique : «Vous savez, ce mois sacré est lié à notre religion, mais jeûner ou pas, c'est une affaire personnelle pour chaque joueur», dira-t-il. A. A. Djamel Mesbah (défenseur de l'EN) : «On ne va pas lâcher le morceau» De nos envoyés spéciaux, M. Bouchama, A. Andaloussi et S. Sid Le latéral gauche de l'EN, Djamel Mesbah semble en possession de tous ses moyens. Incorporé lors du second match face à la Corée du Sud, le latéral de Livourne a parfaitement tenu son rôle défensif face aux rushs des attaquants de la Russie. A l'instar de ses coéquipiers, Mesbah était aux anges suite à cette qualification historique acquise en terre brésilienne. Sur la rencontre, Mesbah dira dans la zone mixte : «On était menés au score 1-0. Ils marquent sur un contre rapide, mais après, on n'a pas lâché. En deuxième période, on égalise suite à une balle arrêtée. On a souffert en fin de rencontre car on avait fait d'énormes efforts physiques», a affirmé Mesbah qui nous confirme que l'équipe de Russie était un rude adversaire. Et d'encenser toute l'équipe suite à cet exploit : «Franchement, je suis fier de mes coéquipiers, très content et très soulagé.» Les ambitions de Mesbah et des Verts sont désormais revues à la hausse. «Maintenant, on va se reposer et penser au match contre l'Allemagne. Ça sera très compliqué, on joue une grosse équipe. Mais on est en huitièmes, ce n'est pas pour rien», estimera l'ex-Milanais qui continue à rêver : «Désormais, on ne va pas lâcher le morceau comme ça facilement. Sans faire les prétentieux, on y croit.» Et d'enclencher les hostilités «sachant que l'Allemagne est supérieure à nous, bien sûr, il n'y à rien à dire. Mais c'est un match de foot, quatre-vingt-dix minutes et on ne sait jamais». Le rêve est permis.
