Par Kader Bakou Le réalisateur et scénariste italien Francesco Rosi, décédé samedi à Rome, est connu pour avoir, entre autres, élaboré les normes du «film-dossier» ou du «film-enquête», superposant une fiction et des images d'archives. Il est le réalisateur et scénariste de films «engagés» comme Main basse sur la ville en 1963 ou Cadavres exquis (1976). Francesco Rosi est également réalisateur- scénariste du long métrage L'Affaire Mattei, Palme d'or à Cannes en 1972 et dans lequel il évoque les batailles politico-économiques autour de l'exploitation du pétrole en Italie et aussi indirectement dans le sud algérien. Enrico Mattei, après la Seconde Guerre mondiale, a développé et réorganisé en société publique l'Ente Nazionale Idrocarburi (ENI). Sous sa direction, l'ENI a négocié d'importantes concessions pétrolières au Moyen-Orient, ainsi que des accords commerciaux de grande portée avec l'Union soviétique, qui ont permis de briser le monopole des Sept Sœurs qui dominait l'industrie pétrolière mondiale. Il a aussi introduit le principe selon lequel le pays où se situe l'exploitation pétrolière perçoit 75% des profits. Mattei, qui était un démocrate-chrétien de gauche, a été député de 1948 à 1953. Il est mort dans un accident d'avion le 27 octobre 1962, vraisemblablement causé par une bombe embarquée ou par un sabotage. Cette affaire non résolue a été une obsession en Italie pendant des années et le sujet du film L'Affaire Mattei de Rosi. Enrico Mattei recevait souvent des menaces anonymes. Prévenu par téléphone d'une possible tentative d'attentat, il répond dans le film : «Eh bien, s'ils veulent me tuer, qu'ils me tuent !» Outre la maffia, plusieurs commanditaires sont soupçonnés du meurtre : les compagnies pétrolières américaines, parce qu'il remettait en cause leur monopole pour l'approvisionnement en pétrole de l'Italie, ou le SDECE parce qu'il a été accusé de financer le FLN pendant la guerre d'Algérie. Par ailleurs, l'ENI aurait été sur le point de supplanter les intérêts pétroliers français en Algérie. En 1960, après avoir conclu un accord avec l'URSS et pendant qu'il négociait avec la Chine populaire, Mattei a déclaré que le monopole américain était terminé. Les réactions ont d'abord été conciliantes et ENI a été invitée à prendre part au partage des zones de prospection dans le Sahara. Mais, Mattei a fait de l'indépendance de l'Algérie une condition, faute de quoi il n'y aurait pas d'accord. Alors, il a été considéré comme une cible par l'OAS qui a commencé à lui adresser des menaces explicites. Enrico Mattei avait programmé une visite en Algérie, visite qui n'a pas eu lieu a cause du crash de son petit avion ! En 2000, le pipeline transméditerranéen, reliant les gisements d'Algérie à la Sicile, a été baptisé du nom d'Enrico Mattei. K. B.
