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Les rêves de la vieille garde
Publié dans Le Soir d'Algérie le 25 - 03 - 2015


Par Dr Rachid Messaoudi
De temps à autre, nous revenons chez nous au gré de baptêmes récurrents avec l'espoir de vivre des changements bénéfiques, surprenants et rassurants. Hélas, le présent ne nous offre rien de réjouissant et dément l'espoir. C'est alors que nous restons envahis par cette soif inextinguible d'abandonner nos sens aux souvenirs, aux odeurs particulières de notre quartier, aux humeurs de quelques personnes aujourd'hui vieillissantes qui ont partagé avec nous des tranches de vie, à ces discours passionnés sur les amis du collège ou de l'école primaire immortalisés par des photos écornées et lavées par le temps qu'un nostalgique aura retrouvées dans une boîte à chaussures... Et puis la mémoire s'exerce et trébuche dans l'identification de ces visages gauches et vaguement souriants sur une photo de classe. Nous recensons les trajectoires de certains qu'on découvre dans des professions les plus diverses et quelquefois étonnantes. Où ont-ils chuté ?
C'est le vendredi que nous allons à la rencontre de notre passé en retrouvant de vieilles relations dans un café lugubre où manquent des chaises, où le thé porte la saveur insipide des nouvelles habitudes culinaires. Mais peu nous importent ces désagréments. Nous sommes là pour convoquer le vécu le plus enjolivé.
A chacun des membres de cette faune que nous composons, collaient des histoires insolites, des attitudes hilarantes, des particularités vestimentaires, des traits de caractère. Que nous évoquons avec un plaisir puéril et gamin.
Quelques soupirs s'élèvent des poitrines qui se sont étriquées par des antécédents tabagiques ou des égarements bachiques. Jeunesse devait se passer tandis que pauvreté suivait comme anathème. Nous étions de condition modeste mais chamarrés de sentiments, passionnés par des choses qui pourraient paraître banales à présent. Les dandys vivaient leurs amours platoniques ou s'aventuraient dans des idylles souvent surfaites par la fabulation qui sied à ceux qui n'ont que leur anatomie comme faire-valoir. La Faucheuse assidue a étranglé la vie de quelques-uns dont le portrait revient à nos yeux quand un de leurs fils passe devant nous.
La forêt perd ses marronniers, ses chênes et même ses pins. Elle se dénude dans la débâcle inexorable du cours de la vie. Alors chacun de nous allonge ses branches rescapées pour enlacer un survivant à la recherche d'une tendresse que le souvenir abreuve.
Enjambant les détritus et des cartons sauvagement déchirés par les indus occupants des alentours de marché, nos yeux parcourent ces amas de sardines immatures qu'on voudrait dévorer en y recherchant en vain cette saveur qu'offraient les papilles de l'enfance et de la faim. Des festins d'antan qu'on ne vivra plus. Et les poires importées nous faisant regretter les nôtres dont le ruissellement dépassait nos doigts assoiffés. La menthe pouillot qui n'expire plus et se fâche avec la pomme de terre mais qu'on achète en fétiche pour notre retour. On regrette la noix de coco, les noix, les cacahuètes, les pois-chiches à la vapeur saupoudrés de cumin, les oublis, les pommes d'amour et le kilomètre. La glace pilée et l'antésite. Et tant de gourmandises qui étaient accessibles à nos poches étroites. Rien ne demeure de la tradition, de ce qui nous ressemble.
On regarde pathétiquement encore ces enseignes-mémoire des anciens glaciers, des laiteries où se prenait le lait caillé dans du verre Duralex rangé sur la plus haute étagère qu'on choisissait pour avoir plus de beurre. Des terrasses de café avec leurs bouquets de menthe trônant sur des tables propres. «K'ahwadji !» criaient les adultes sans que les cafetiers en soient offusqués. Des pâtissiers où des étalages opulents de gâteaux locaux débordaient de miel et de fleur d'oranger. Des vitrines modestes de magasins de chaussures où nos parents nous achetaient chichement une paire qui nous écorchait le tendon d'Achille parce qu'on avait oublié de mordre la chaussure avant de la mettre. Le stock américain d'où on volait une élégance en y dénichant un Lacoste ou un trois-fils.
Les voilà, ces sexagénaires, traînant leurs années, une ordonnance médicale à la main, objet de discussions et de conseils interminables autour du diabète, de l'hypertension artérielle et des rhumatismes. Certains sont fiers de leur dentier alors que les autres se plaignent de ne plus prendre de fruits secs. Quand ils ne comptent pas les billes de leur retraite. Cherchant en vain quelques îlots rescapés de la censure pour garnir une table de verres dont les breuvages évacuent la timidité et libèrent la parole, ils atterrissent dans des endroits mal éclairés appelés injustement restaurants. Eternelle cuisine dénuée de toute imagination, de toute surprise, de toute volonté de bien faire. Et les litanies traitant du mal-être à chaque pas entrepris dans le présent sont ressassées pour mourir sur le départ chez soi avec sa besace de frustrations.
Beaucoup n'ont rien planifié pour leur retraite. N'ayant eu aucune passion du temps de la vigueur, l'âge avancé les accueille avec le sourire narquois d'une vie sans relief. Alors le raccourci est là. Une omra sans conviction et toute la panoplie vestimentaire ainsi que la grammaire hybride viennent dessiner de nouveaux contours. Ils sont auréolés de titres du genre hadj que les jeunes attribuent même à ceux qui n'ont pas foulé la Terre Sainte. Parfois, certains glissent dans la dévotion démesurée en multipliant les soupirs et les formules religieuses dans un automatisme insolite. Autant il est respectable de voir les plus sages embrasser la foi que de constater avec dépit que le virus wahhabite a enrhumé les autres. Mais heureux ceux-là qui se retrouvent une main verte ou encore taquinent la canne à pêche optant pour un dernier tour de piste gratifiant.
Cependant, les livres demeurent orphelins. Voilà pourquoi nous restons muets sur notre Histoire, nos racines et l'évolution du monde. Où sont les autodidactes d'avant ? Peu scolaires mais curieux. Cinéphiles, lecteurs d'illustrés seuls supports d'époque racontant l'aventure. Mais cela a permis de construire leur vocabulaire même modeste. Des femmes lisaient des romans-photos aux histoires sucrées pour rêver... Tout ce monde sait écrire une lettre et remplir un imprimé. Les mouselsalate toxiques achetées au kilomètre ont réduit notre vision au fantasme du riche confronté au pauvre. La course aux avis des hirsutes anciens chasseurs de moineaux décrétés «savants» échoue sur le recrutement pour l'accoutrement sordide qui fait de nos jeunes femmes des hybrides, reniant la blancheur de nos mères. Dommage collatéral...
Aujourd'hui, comme le font les lamas contrariés, nos jeunes inondent les trottoirs accidentés et les rues difformes de leurs crachats. Ils traînent leurs gobelets en carton de bouche en bouche et d'un endroit à un autre. Agglutinés dans le moindre espace où il y a un mur pour s'y appuyer ou un muret pour s'y affaler. Comme si le temps leur offrait toutes les plages pour se répandre en oisiveté. La régression multiforme aidant, des universitaires n'ayant jamais dérangé les pages d'un livre participent à ces cercles bavards en vociférant leurs certitudes. Algérie de demain avec des millions de bras qui devraient être sa force naturelle pour armer notre pays dans la compétition impitoyable du monde qui se dessine. Déplorable et inquiétant.
La vieille garde continue à porter le couffin et à s'escrimer avec l'administration hostile et incompétente. Le troisième âge gaspille ce qui lui reste de souffle pour assurer la cohésion familiale et la pitance. Je n'ai pas encore croisé des jeunes faisant le marché, eux qui sont les premiers à s'attabler.
Aucun dynamisme ne se dégage de ces corps enflés par la malbouffe et la suffisance. Les barbes entre le rasage de près et l'hirsutisme font entorse à l'hygiène et à l'élégance.
Allaités aux deux mamelles qu'on leur propose, ils se délayent dans un vocabulaire bancal et effronté. Le foot, le foot, le foot. La religion admise dans les détails les plus faux et les rudiments importés pour brider notre société méditerranéenne autrefois encline à la modernité. L'ignorance offre une terre meuble où fleurit l'ivraie qui violente la terre.
Chaque génération porte ses exubérances qui font jaser les aînés. Ce n'est pas tant ce trait qui est sujet à critiques mais ce qui en découle en absurdités. Comment s'est-on éloignés du rite malékite qui a jalonné toute notre vie que nous soyons pratiquants ou pas. Nous avions aussi nos excentricités. Cependant nos fêtes nous réunissaient dans des espaces où éclataient la joie et l'humour. Le couscous fumait, la musique se déployait, les compliments fusaient, les différends se taisaient.... Maintenant, alignés dès dix-huit heures, nous passons comme à l'usine pour subir la formule standard. Et la fête meurt avant vingt et une heures.
La mort nous plongeait dans cette amertume partagée par nos voisins mobilisés de fait pour diluer notre douleur. Le Coran était psalmodié comme une demande d'indulgence auprès de Dieu pour une Clémence envers le défunt. Aujourd'hui, il faut enterrer vite, faisant fi des parents absents qui voulaient un dernier regard, une dernière inclinaison pour cet être cher convié à un autre monde. Après ce défilé non exhaustif de tableaux, comment redéfinir les grandes lignes à emprunter pour insuffler l'espoir d'une société admissible ?
Penser aux loisirs en multipliant les espaces d'expression par une politique culturelle sincère et volontaire. Dresser des passerelles entre les générations. Mobiliser les aînés pour un dialogue dont la thématique tournerait autour de l'identité, de ce qui nous caractérise même si la nostalgie devrait s'y incruster. Faire émerger une frange de la jeunesse non polluée encore par le laisser-aller et qui rêve sainement. Je me refuse à croire que la gangrène soit définitivement installée dans ce corps social à la vitalité mal irriguée. Donc un travail de proximité dans les familles dont les adultes se curent le nez en attendant que le temps dévore. Une école épurée des a priori et des vantardises qui gonflent notre ego. Un alignement sur la connaissance qui envahit le monde invite à réveiller la volonté dormante de ce segment social pour lui enseigner les vertus et les sortir de la maladie du profit et du gagner-vite. Définir les contours de ce qu'est la réussite, de ce qu'est donner un sens à la vie. Commencer d'ores et déjà à esquisser ce qu'est la personnalité algérienne avec l'accès à notre culture artistique, vestimentaire et culinaire. Inciter à la découverte de notre histoire épurée de l'encens des courtisans et des faux héros et loin de tout nombrilisme. Nous ne sommes pas les meilleurs mais nous sommes différents.
Il serait injuste qu'on soit cantonné à un «one two three» ou à la crevette inégalable.
Parlez-nous de ce qui nous concerne et vous verrez combien nous sommes réceptifs et sensibles au devenir de notre pays. Le devoir des aînés se situe à ce niveau pour peu qu'ils ne baissent pas les bras dans l'indifférence qui nous coûtera cher.


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