Un défi que l'on aurait jugé improbable au départ mais relevé avec dextérité par les jeunes loups du Théâtre régional de Constantine qui enchantèrent les convives de la générale de Amnukal ; une pièce en tamazight savamment pilotée par Karim Boudechiche qui privilégia l'aspect spectacle non sans parvenir à dresser des tableaux scéniques de haute facture. Une première réussie pour le TRC qui ouvre une nouvelle ère de son existence à travers cette production qui a séduit le public présent dans l'enceinte du théâtre dans la soirée de lundi, quand bien même celui-ci eut, en partie, du mal à réagir aux envolées lyriques d'un texte entonné dans son intégralité en tamazight ou plus précisément en chaoui, méconnu jusque-là par la plupart des comédiens qui se sont prêtés à l'exercice orgueilleusement, oserions-nous dire. Et ce fut là le défi majeur relevé par le metteur en scène Karim Boudechiche et son équipe parmi la jeune génération de comédiens du Théâtre régional de Constantine. Parti d'une idée qui a eu l'heureux aval du directeur du TRC Mohamed Zetili qui annonça pour la circonstance sa grande satisfaction de ce nouveau-né au même moment que la sortie d'un bel ouvrage illustré retraçant quarante années d'existence du TRC, Amnukal véhicule une préoccupation civilisationnelle et identitaire à travers un message toujours actuel se rapportant à l'intérêt qu'on se doit d'accorder aux racines et à l'Histoire. Un choix linguistique qui augurerait de belles surprises pour l'avenir si pour autant, l'aspiration de Karim Boudechiche de produire Shakespeare et Molière en tamazight venait à se réaliser. C'est l'histoire d'une journaliste éprise et investie de la question patrimoniale numide. Répondant à une invitation d'un ami archéologue de son état pour visiter le tombeau de Massinissa, elle se fascina davantage par la somme de faits historiques et de légendes autour du grand Aguelid au point de céder à une sorte d'hystérie qui la fera voyager à travers les âges pour atterrir subitement au cœur de l'ère numide, précisément, un jour de deuil ; l'annonce de la mort de Massenssen. Son voyage se poursuivit dans l'habit d'un personnage de cette époque qui traversa des évènements aussi périlleux les uns que les autres. Abrupte, la réalité qu'elle retrouva après son périple chimère, elle épousa la cause de la réappropriation de l'Histoire et de l'identité collective. Un conte tout indiqué pour Karim Boudechiche qui incarna le rôle de Massinissa dans deux grandes productions précédentes, la pièce Massinissa du TRC produite à l'occasion des célébrations du 2500e anniversaire de la capitale numide, Cirta en l'occurrence, et récemment dans l'Iliade de Constantine réalisée par Ali Issaoui qui a vraisemblablement inspiré son dauphin qu'il n'a d'ailleurs pas manqué d'applaudir et d'encourager, séduit qu'il était par le spectacle de Amnukal. Un spectacle rehaussé par la performance de Feriak Yasmine, époustouflante dans le rôle de la journaliste, et les interprétations remarquées de Djamel Mezouari, Ahmed Hmamess, Chaker Boulemdaïs, Samir Mohsen et les danseuses Loubna Zouaoui, Hanane Tebani et Sedam Hamlaoui. Un panel de jeunes artistes qui ont notamment séduit par des tableaux chorégraphiques synchrones au jeu de lumières soigneux et une musique tonitruante. La scénographie était on ne peut plus pertinente pour ne compter que sur un écran de nuage en mouvement et un mausolée recalé à l'arrière-plan délivrant suffisamment l'espace scénique aux mouvements des comédiens. Un savoir-faire digne d'un Aïssa Redaf, ce vieux routier du TRC qui est en même temps l'auteur du texte qui allie désormais le décor à la parole. Amnukal, une pièce à voire. Absolument !