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BADR'EDDINE MILI AU SOIR D'ALGERIE :
Les abysses de la passion maudite ont été au cœur de la souffrance des Algériens
Publié dans Le Soir d'Algérie le 28 - 10 - 2015

A la veille de l'ouverture du 20e Sila, Badr'Eddine Mili répond aux questions du Soir d'Algérie sur son nouveau roman.
Le Soir d'Algérie : Les abysses de la passion maudite est un titre quelque peu apocalyptique qui suggère un naufrage dans les abîmes de la folie des sens. A quelle préoccupation fondamentale correspond-t-il exactement ?/b
Badr'Eddine Mili : Ce dernier volet de la trilogie qui vient compléter La brèche et le rempart et Les miroirs aux alouettes est une tentative d'exorcisme de la terrible souffrance infligée par le terrorisme intégriste aux Algériens du fait d'une guerre qui avait failli briser l'unité de la nation et détruire les fondations de l'Etat républicain. Cette tentative a été rendue possible grâce au recul que j'ai pris par rapport à l'écriture de l'urgence. Cette relative distanciation m'a permis de décrire et d'essayer de décrypter un phénomène dont le mode de fonctionnement est la déraison et le but ultime l'anéantissement de ce qui constitue l'essence même de l'homme.
A quelle conclusion êtes-vous arrivé au terme de votre décryptage ?
Au-delà de la difficulté qu'il y a à expliquer l'irrationnel par la raison, l'idée qui s'est imposée au fil de l'exploration de cette période funeste est que la décennie rouge fut la rencontre explosive entre les desseins d'aventuriers fanatiques dopés à l'idéologie wahhabite et une somme de rancœurs, de conflits et de sentiments d'injustice longtemps refoulés par la société et resurgis brutalement. Les Algériens abusés, déboussolés avaient alors assisté à la déferlante d'un instinct de razzia auquel aurait échu la mission de donner à la folie obscurantiste la chance (?) de prendre sur la connaissance rationnelle une revanche inespérée : un des personnages du roman, comédien de son état, s'interrogeant après l'assassinat de son épouse, enseignante, par les terroristes eut ces mots d'une vérité saisissante, probablement inspirés par le cri de révolte d'une Antigone ou d'une Iphigénie : «Dans les abysses de quelle passion maudite les faucheurs de blé en herbe ont-ils été cherché le levain d'une telle haine accouchée pour étouffer le premier sourire d'un jour nouveau et l'enfourner dans la géhenne de la trahison du sel partagé ?» D'où le titre.
Comparativement aux deux précédents, ce troisième opus semble avoir été soumis à un traitement différent aussi bien au plan du fond que de la forme...
Effectivement. A l'origine, il devait être plus volumineux mais j'ai dû, sous la pression des exigences du discours et du style, aller, directement, à l'essentiel et élaguer toutes les circonvolutions qui l'alourdissaient. J'avais l'impression de porter une bordée qui n'attendait que d'être libérée de sa chape et de fait Les abysses... se déclinent, du début jusqu'à la fin, comme une boule de feu démentielle charriant un torrent d'horreurs les unes plus sanglantes que les autres, un cauchemar dont les Algériens, à genoux, s'étaient arrachés, avec l'énergie du désespoir, pour se relever et terrasser l'hydre qui commençait à les engloutir. Et autant La brèche et le rempart et Les miroirs aux alouettes s'étaient nourris du devoir de mémoire et du débat sur la construction de l'Etat national, autant Les abysses... ont pris la forme d'un appel au secours lancé par la société pour préserver le socle du vivre-ensemble.
Après la publication de ce dernier roman, vous terminez un long cycle littéraire qui s'apparente, visiblement, à une aventure. Quel sentiment éprouvez-vous ?
Un sentiment de plénitude bien qu'on ne sorte pas indemne d'une plongée aussi périlleuse dans le temps. Ce fut une traversée dans le vécu du peuple de base, pleine d'embûches et de chausse-trappes, qui a consommé une quinzaine d'années de travail, ce que je ne regrette, du reste, pas, parce que j'ai pu, ainsi, réaliser un projet qui me tenait beaucoup à cœur et que je lègue aux Algériens à venir à la façon d'un testament qui leur dit, sans langue de bois : «Aimez ce pays et tenez-y très fort car il ne vous est pas tombé du ciel par hasard. Défendez-le et faites-le avancer le plus loin possible ; il est le fruit d'un combat de légende.
A votre tour de le couvrir d'un surcroît de gloire.» D'un point de vue plus littéraire, on peut dire que la trilogie fut le résultat d'une osmose heureuse entre l'exploitation d'un capital de mémoire vivante et le pari fou de recourir à un imaginaire des plus improbables, s'agissant de la reconstitution de la trame de 70 ans d'Histoire qui, par définition, obéit aux règles des sciences humaines. J'ai dû m'astreindre à un jeu de funambule tâchant, tantôt, de faire la part du déterminisme, incontournable, des événements tantôt d'octroyer aux personnages de la saga un certain libre-arbitre, une gymnastique qui m'a fait éviter les écueils du conformisme et de la convention de l'écriture officielle de l'Histoire.
L'engagement est l'une des caractéristiques de votre littérature. Etes-vous un écrivain engagé au sens qu'on prêtait à ce qualificatif en vogue dans les années 1960-1970 ?
Je n'aime pas trop les écrivains qui s'autoproclament gardiens du temple, guides suprêmes des consciences ou panégyristes du réalisme socialiste version Jdanov ou Cholokhov.
Ma conviction est que la littérature ne saurait être un instrument de propagande idéologique. Je l'ai toujours prise pour un témoignage, sur l'état d'une société ou l'histoire contextée d'individus, libre de tout préjugé et de toute tentation de conditionnement. Force est de constater, cependant, qu'un écrivain est le reflet de son pays et de son temps et que sans engagement aux côtés des causes humaines authentiques, il se réduirait à ne produire que du divertissement, socialement désincarné. Chercher à connaître, par exemple, l'Egypte, la Turquie, le Chili, l'Albanie ou l'Algérie sans avoir lu Naguib Mahfouz, Nazim Hikmet, Pablo Neruda, Ismaïl Kadaré ou Kateb Yacine serait frustrant et la quête de la connaissance de l'Histoire des sociétés de ces pays risquerait d'être incomplète et sans âme.
C'est pourquoi j'ai toujours cultivé une certaine proximité avec la tradition de ce type de littérature et que je me reconnais dans la veine de l'écriture de Mohamed Dib ou des romanciers naturalistes français, ce qui ne m'empêche pas de me retrouver aussi dans la touche intimiste de certains romanciers modernes comme Alberto Moravia.
Vous avez déclaré dans plusieurs entretiens à la presse qu'à travers vos trois romans vous avez, en filigrane, cherché à savoir si l'esprit de Novembre a encore une actualité et un avenir dans la société algérienne d'aujourd'hui. Avez-vous obtenu une réponse ?
J'ai appris au cours de ma vie une chose, expérimentalement vérifiable : l'Histoire ne bégaye pas. Novembre ne peut et n'a pas vocation à se reproduire, tel quel, à moins que l'Algérie ne soit, de nouveau, agressée par une puissance étrangère nourrissant des convoitises néo-coloniales, ce dont je doute fort.
Je pense que notre pays peut, à l'étape actuelle de son développement, être tout, sauf recolonisable.
On ne peut pas, raisonnablement, demander à la Russie de 2015 de reproduire, aujourd'hui, la Révolution d'Octobre 1917 pour les besoins de son redressement. Ceserait de la pure utopie. Ceci est une chose. Conserver l'esprit de Novembre, lui donner des prolongements modernes en hâtant l'avènement du modèle de société démocratique et progressiste promis par les textes fondateurs de l'Algérie révolutionnaire en est une autre.
Vous me demandez si Novembre a encore une actualité ? Dans le sens que je viens de préciser, je vous répondrai oui, même si l'état des lieux que l'on peut faire de la maison Algérie, à la veille de la commémoration du 61e anniversaire du déclenchement de la Révolution, pousse au scepticisme. La dépréciation et la diabolisation de cette Révolution par les forces anti-nationales qui s'attaquent aux conquêtes sociales et politiques des Algériens dans le but d'accaparer les richesses accumulées par le peuple, 53 ans durant, sans s'être donné la peine d'y contribuer, représentent un danger mortel pour la pérennisation de l'esprit de Novembre. Je crains qu'ils ne soient de nouveaux «Sidi» empressés de prêter allégeance aux anciens «Maîtres». Il reste, quand même, un espoir de voir se produire un sursaut salvateur qui propulserait le pays plus loin que Novembre : il réside dans le travail que l'Algérie utile est en train d'effectuer dans les profondeurs de la société réelle.
C'est de ce travail mené par les jeunes élites que naîtra une Algérie plus juste, démocratique, débarrassée du parasitage de ses fondamentaux et ouverte sur les challenges de demain. L'épilogue des Abysses... est très prolixe là-dessus.
Y a-t-il autre chose qui vous a occupé en dehors de la thématique politique que vous avez choisi de traiter ?
Allégoriquement oui. Vous retrouverez tout au long du roman une digression philosophique sur le temps, sur «ce plus beau lendemain qui ne vous ramènera jamais hier». Les personnages de l'œuvre sont confrontés au décret implacable de ce despote d'airain qui refuse de régler son pas sur le leur. Mircea Eliade a beaucoup travaillé sur la question. Ingmar Bergman, le cinéaste suédois, aussi, dans son fabuleux film Les fraises sauvages. Je leur ai fait un clin d'œil en les citant à certains passages.
De plus en plus d'écrivains algériens de la diaspora ou d'ici briguent des prix littéraires internationaux, notamment, français. Comment y réagissez-vous ?
Non seulement je les comprends : le phénomène est induit par la mondialisation. Et puis l'indigence et le parti-pris des rares prix locaux ne sont pas faits pour encourager les ambitions légitimes des créateurs. Non seulement, donc, je les comprends mais je les y exhorte fermement, à la condition qu'ils ne se fassent pas piéger par les chasseurs de renégats prêts à acheter au marché de la vénalité leur reniement du pays.
Avez-vous d'autres projets à court terme?
Naturellement, si Dieu me prête vie. Je vais, momentanément, abandonner les terres de la littérature pour rejoindre celles de la politique. J'ai en chantier un essai qui a pour titre L'opposition politique algérienne entre la fiction et la réalité. Il devrait, en principe, être achevé à la fin de l'année 2016.
Il constituera l'autre versant de l'essai paru en 2014 chez Casbah Editions sous le titre Les présidents algériens à l'épreuve du pouvoir.


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