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LES DERNIERS MARTYRS DE LA REVOLUTION DE ABDALLAH CHABANI
Algérien d'origine européenne, ces frères de combat
Publié dans Le Soir d'Algérie le 13 - 02 - 2016

Le lecteur qui n'a pas encore ouvert le livre pourrait croire à un essai, tant le titre et la une de couverture sont du premier degré. En fait, Les derniers martyrs de la Révolution est un roman. Et plutôt du genre bref, détonnant, humain.
Son auteur n'est autre que Abdellah Chabani. Oui, celui-là même qui avait créé, à l'époque, un remarquable jeu de société qu'il dénomma «Le Phénix». Cette invention se résume en un «jeu qui réunit cette bonne façon de jouer à la fois aux échecs et au scrabble, un nouveau moyen d'évasion intellectuelle, un jeu intéressant pour les littéraires et les scientifiques». Malheureusement, ce jeu a valu bien des déceptions et de déboires à son créateur, tant en France qu'en Algérie (ses mésaventures, il les raconte dans un livre publié en 2010 et préfacé par Kamel Bouchama).
Abdellah Chabani, tel le phénix qui renaît de ses cendres, se rappelle à notre mémoire par ce roman paru aux éditions Enag. Pour se faire à l'injustice des hommes, il fallait écrire encore. Se relever par un ressourcement profond, c'est cette fois une œuvre romanesque qui ne devait céder aucun pouce à la haine et au ressentiment. Un message d'humanisme. Mohammed Ould Si Kaddour El-Korso, ancien président de la Fondation 8 Mai 1945, en donne déjà quelques clés de lecture, dont «la raison d'être du passionnant roman de Abdellah Chabani». Il souligne, dans sa préface : «La guerre de Libération algérienne n'a été ni une guerre de religion ni une guerre d'une communauté contre une autre. C'est pourquoi nous retrouvons dans les rangs du FLN-ALN des Européens d'origine catholique, des protestants et des hébraïques, des laïcs et des communistes. Il ne s'agit pas de les quantifier en disant combien ils étaient, mais de souligner qu'ils étaient là, au front, même si la plupart d'entre eux étaient dans le camp adverse. Ne dit-on pas que c'est la conviction qui fait la force et non le nombre.» Le préfacier de s'interroger ensuite : «Combien sont-ils les Algériens de l'après-guerre qui savent que des Européens ont prit fait et cause pour l'indépendance de notre pays, de leur pays natal au point qu'ils réfutent par moment violemment l'appellation d'Européens : nous sommes, disait le défunt professeur Pierre Chaulet, des Algériens d'origine européenne. La nuance est grande et elle explique bien des choses, dont leur engagement aux côtés de leurs frères, les Algériens.» Juste rappel des choses et, pour ceux qui soupçonneraient Abdellah Chabani de révisionnisme par le moyen de la littérature, la préface de Mohammed El-Korso dissipe certaines équivoques qui peuvent entretenir la confusion. De même que, dans l'avertissement au lecteur, l'auteur prend soin de préciser : «Une part du récit qui suit relève de la pure fiction. Ce qui ne l'est pas et qui traduit la dure réalité, c'est bien l'évocation de faits vécus par des Algériens d'origine européenne totalement engagés dans la lutte de Libération nationale (...).
Ce n'est qu'une modeste contribution que de rappeler leur mémoire à travers cet écrit.» Un récit qui part au quart de tour, en pleine «Bataille d'Alger». Personne n'est encore entré en scène, mais le décor est planté et nous sommes tout de suite dans l'action.
L'histoire qui va suivre part de ce cadre hautement significatif : «Un attentat a eu lieu près de la Grande-Poste. La nouvelle s'est aussitôt répandue à travers tout Alger. La grenade jetée dans un bar fréquenté par des légionnaires a fait trois morts et des blessés, dont quatre gravement atteints. L'attentat terroriste entrant dans un plan révolutionnaire était signé.» Tout comme Albert Camus, dans L'étranger, avait signé le meurtre de l'Arabe ! «Pourtant, l'Arabe, étranger chez lui, est tué froidement par balle dans une fiction littéraire avec coup de grâce et sans regret», enchaîne l'auteur pour marquer le ton et l'atmosphère de cette histoire. «Ambiance de terreur et de sauvage répression (...). Ce n'était plus une fiction.»
 Apparaît alors «un homme trapu, la soixantaine», à l'allure bourgeoise. Gaston Marget, né en Algérie, a un «commerce florissant d'importateur-exportateur bien établi sur la place d'Alger». Naturellement, «ces musulmans qui le côtoient au quotidien, il ne les percevait que comme des êtres obéissant aux ordres, ignorants et incapables d'initiatives, que la mission civilisatrice de la France peine à éduquer». Il a été témoin de l'attentat et, «malgré la gravité des événements qui prenaient la tournure d'une guerre franchement déclarée, M. Marget campait toujours dans ses croyances selon lesquelles la situation finirait bien par s'arranger un jour». Il est surtout le père de trois jeunes hommes trop dissemblables pour s'entendre. C'est dire son aveuglement à ne pas pressentir le tourbillon dans lequel allait être entraînée sa famille.
Son fils aîné, Robert, 24 ans, lui cause déjà bien des soucis. Alors que ses frères sont étudiants à la Faculté de droit d'Alger, Robert a achevé sa scolarité au collège technique de Constantine, «peu avant que son père se désiste de sa ferme pour venir vivre à Alger et se lancer dans le grand commerce». à Constantine, dans la ferme parentale, il «puisa ses premières sensibilités d'humaniste au contact des ouvriers agricoles musulmans employés par son père». Robert a aussi appris à parler couramment l'arabe... L'auteur conduit son lecteur à faire des sauts dans le passé proche. Il utilise des flash-backs pour retracer le parcours singulier de Robert Marget et expliquer les motivations du personnage. Ce portrait psychologique est révélé par l'action, par des faits et des détails significatifs. Jusqu'à sa prise de conscience finale quant à la justesse du combat du peuple algérien, lequel combat mérite engagement et sacrifice. Il fallait commencer par une rupture avec l'ordre colonial, et «c'est au plus fort de la bataille d'Alger que Robert se détermina pour ne plus cohabiter avec son père». L'histoire prend la forme d'une tresse, le personnage principal (Robert) ne cessant de s'entrecroiser et de se rejoindre avec un autre personnage-clé (Abderrahmane Belhadj). Abderrahmane, c'est cet ami d'enfance qu'il avait connu à Sidi Mabrouk du temps où sa famille possédait une ferme à Saint Arnaud. Ils avaient tant et tant de souvenirs en commun, de choses partagées. Des liens «tissés de longue date». La famille de Abderrahmane ayant elle aussi déménagé pour s'installer à Alger, les deux amis sont redevenus inséparables. Aujourd'hui des hommes et «armés de leur conviction morale et politique, Robert et Abderrahmane se voulaient partie prenante pour combattre le colonialisme. Leur engagement dans la lutte a été décidé non sans mesurer les réels dangers qu'ils encourent». Ils ont donc été volontaires pour attaquer le bar près de la Grande-Poste, fréquenté par des légionnaires...
«En acceptant d'un commun accord d'accomplir volontairement cette mission, chacun savait que son destin était lié au sort de l'autre pour la vie ou pour la mort, animés par une fraternité qui ne se recherche plus dans les liens familiaux, de tribu, dépassant les frontières de la langue, des mœurs usées, des coutumes dépassées, mais dans un idéal de justice universelle», rappelle le narrateur juste avant que l'histoire s'accélère. Arrêté par les paras, Robert subit la question. Il résiste à la torture, réussit à s'échapper avec le concours d'un appelé du contingent. Les deux amis et frères d'armes, recherchés, rejoignent le maquis où ils poursuivent la lutte jusqu'à la fin de la guerre. Ou presque. Car, comme le dit un proverbe russe, «la mort n'est pas derrière les montagnes, mais derrière les épaules». Il a suffi d'une erreur, ou plutôt d'un malentendu pour que Robert et Abderrahmane figurent parmi «les derniers martyrs de la Révolution».
Hocine Tamou
Abdellah Chabani, Les derniers martyrs de la Révolution, éditions Enag, Alger 2015, 162 pages


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