Par Ahmed Halli [email protected] Tout le monde sait que notre contrée, ainsi que notre environnement arabo-islamique ou islamo-arabique souffrent, si le mot est juste, d'un climat chaud du fait de leur position par rapport au soleil. C'est sans doute là que réside la source de nos malheurs, puisqu'il est universellement connu qu'on ne réfléchit bien que la tête froide. Faute de temps suffisant pour ceci, nous n'avons pas inventé la fission de l'atome, ni la maman-bombinette, en dehors de la «mère de toutes les batailles» avortées. Mais comme nous aimons bien nous reposer sur des lauriers empruntés, en attendant de profiter des progrès des autres, nous avons inventé, que dis-je emprunté aussi, une technique, le concordisme. Loin d'être une science, puisqu'il n'y a jamais d'avant, mais seulement un après, le concordisme consiste justement à faire concorder une invention scientifique avec un texte religieux. Le «Double bang» ? Dieu y était déjà, puisque c'est lui qui a tout mis en branle ! La relativité ? Je n'y étais pas, mais je suis certain qu'il s'est trouvé quelque part un «cheikh» assez mal embouché pour traiter Newton d'imposteur, puisque «c'est déjà écrit dans le Coran». Si le savant était encore vivant, on aurait tourné la difficulté en le convertissant et en annonçant à grand fracas sur les chaînes satellitaires que Newton l'avait lu dans «Notre Livre». Eurêka ! Tout ce cinéma, propre aux religions monothéistes, pour dire que c'est la divine omniscience qui a inspiré les éclairs de génie de tous les inventeurs, et qui ont fait progresser une humanité de peu de foi. Certes, on peut s'accommoder des élucubrations de certains dévots, sincères ou acteurs, qui veulent croire que le Coran est un livre de recettes scientifiques, et que tout y était avant d'être. Le hic, c'est lorsque ces élucubrations s'insinuent précisément dans les citadelles de la science, telles que les universités, pour nier des évidences et des vérités universelles, au nom de la religion encore. Juste à côté de nous, autant dire parmi nous, une étudiante tunisienne d'une école d'ingénieur a inauguré un nouveau procès en blasphème contre Galilée. A défaut de se casser la tête à chercher dans les textes sacrés des preuves de la rotondité de la terre, elle s'est bornée à puiser dans le Coran tout ce qui peut inciter à croire que la terre est plate. Le Saoudien Ibn-Albaz, le père incontesté de l'obscurantisme wahhabite, était déjà passé par là, mais ses théories sur la mobilité du soleil et l'immobilité de la terre n'ont suscité que des sourires de commisération. Mais cette étudiante tunisienne d'une école d'ingénieur a résolu de promouvoir les idées du théologien borné, en leur consacrant une thèse de doctorat. Stupeur et émoi en Tunisie où l'obscurantisme peine à se frayer un chemin, en dépit des conquêtes de l'islam politique, sous la bannière du parti Nahda, qui semble vouloir céder à l'idéal démocratique. L'universitaire tunisienne Raja Benslama a vivement réagi en s'interrogeant sur la responsabilité du directeur de thèse qui a chapeauté cette hallucinante théorie. Elle a ajouté qu'elle ne se taira pas si cette thèse est soutenue à l'université et si son auteure acquiert le titre de docteur, comme il en est fortement question dans les réseaux sociaux. Interpellé de toutes parts, le directeur de thèse s'est insurgé contre la campagne «attentatoire à son honneur» menée contre lui, mais il a fourni une réponse alambiquée qui n'arrange rien. L'étudiante qu'il a encadrée, a-t-il expliqué, a voulu montrer que c'était le soleil qui tournait autour de la terre et non l'inverse, et elle a reçu, dit-il des encouragements de chercheurs américains. Ces derniers, a-t-il précisé, lui ont envoyé un grand nombre de publications appuyant sa théorie, entre autres des rapports de l'agence spatiale américaine NASA (!!!). Sur sa lancée, il a affirmé que la Constitution tunisienne garantissait la liberté de pensée et de publication, et que la loi et la morale interdisaient de divulguer le contenu d'une thèse encore en phase d'évaluation. Autrement dit, tout ce qui a été écrit sur cette théorie fumeuse est vrai. Aux dernières nouvelles, le ministère de l'Enseignement supérieur s'est inquiété du trouble produit par l'existence de cet étrange projet de thèse et a demandé une enquête d'habilitation. Après étude du contenu du travail de cette étudiante, la commission de validation des thèses a conclu à son irrecevabilité, puisque le projet incriminé n'avait rien de scientifique. Un peu plus sérieux, mais dans le style Nostradamus, le mufti d'Egypte, le docteur Chawki Allam, en a appelé à l'imam Ali. Selon le théologien égyptien, mobilisé comme ses confrères contre le terrorisme islamiste, mais un peu tardivement, l'imam Ali avait prédit, il y a environ 1 400 ans, l'arrivée de Daesh. Chawki Allam s'est fondé sur un récit du 4e calife de l'Islam décrivant la naissance d'un groupe possédant les mêmes accoutrements, le même drapeau noir, et ayant des cheveux longs. L'imam Ali, précise le mufti d'Egypte, a donné une description qui colle parfaitement aux terroristes de Daesh et leurs méthodes qui ne respectent aucun serment ni aucune charte. On peut se demander pourquoi impliquer l'imam Ali, assassiné par les précurseurs de Daesh bien avant les événements d'Irak et de Syrie, bien avant Bachar et Al-Baghdadi. Il n'est pas sûr que cette façon de présenter le terrorisme meurtrier qui frappe l'Egypte comme une malédiction divine soit du goût de la communauté copte, régulièrement endeuillée par des attentats. Les Coptes savent bien que ce sont des décennies d'inoculation du virus wahhabite à la jeunesse égyptienne qui sont à la source de leurs malheurs.