Durant le mois de Ramadhan, le corps est très sollicité. Le régime alimentaire est dans la plupart du temps très riche, notamment en gras et sel. Dans ce numéro, nous avons regroupé les témoignages de certains hypertendus pour savoir comment ils conjuguent maladie et jeûne. Mohamed, retraité : «c'est le mois où je me sens le mieux» «Pour Mohamed, le plus paradoxal est que ce mois de jeûne est devenu un mois où tout se régule dans son corps. «Je suis quelqu'un d'assez pragmatique et croyant. Donc, mon témoignage est basé sur des faits. Pendant longtemps, le mois de Ramadhan était un calvaire. Je devenais stressé, j'enrageais pour un rien. Et pratiquement, je détestais ce mois. A cause de mon hypertension, j'ai dû arrêter de fumer et je suis placé sous traitement avec deux médicaments. J'ai eu vraiment peur lors de mon premier Ramdhan avec mon hypertension. Je pensais que j'allais m'évanouir à tout moment, d'autant plus que le médecin ne m'a ni interdit de jeûner ni autorisé. Je devais moi-même savoir si j'en étais capable ou pas. Ma crainte a été de vomir et d'avoir le tournis. Après le premier jour, j'allais bien. Et puis, plus les journées passaient, plus je me sentais bien et mes craintes se dissipaient. C'est vrai que mon épouse prépare des plats spécialement pour moi : alternance entre chorba, bouillon, chorba à la sauce blanche, hrira, et toujours sans sel. Pour le bourek, il est cuit au four et sans sel. J'espace les plats et je mange beaucoup de légumes, notamment la salade et la betterave. Avec un régime alimentaire pareil et la fraîcheur de la maison, je passe un bon Ramadhan et j'espère que notre carême sera accepté par Allah, et ce, pour tous les croyants.» Ghania, retraitée : «Pour moi, c'était difficile» «Mon cardiologue me dit que le Ramadhan peut constituer une bonne situation pour régler un certain nombre de choses par rapport à l'hypertension artérielle, en particulier par rapport à ce qu'on appelle le style de vie. Il s'agit de l'obésité, le fait de manger gras, trop salé. De ce point de vue donc, ce mois est l'occasion d'une certaine façon de corriger cela en permettant aux gens d'avoir une alimentation beaucoup plus saine. Par ailleurs, certaines précautions doivent être prises afin de ne pas aggraver la tension artérielle du malade. Il faut surveiller le régime alimentaire, en particulier l'apport en sel, diminuer les situations stressantes et vérifier sa pression artérielle de façon quotidienne. Il faut également modifier les horaires de prise de médicaments dans la mesure du possible. Le patient doit être conscient des différents effets secondaires que peut provoquer le jeûne et être en contact permanent avec son médecin traitant. Mais cela reste pour moi difficile, parce que c'est moi qui cuisine. Mes filles travaillent et lorsqu'elles rentrent, le plus gros déja est fait. C'est le fait d'être dans la chaleur de la cuisine qui m'indispose et qui peut augmenter ma tension artérielle. Pour cette année, mes filles vont prendre leur congé en alternance pour me soulager un peu, ceci m'épargnerait donc les malaises que j'avais de temps en temps.» Souhila, cadre, maman de trois enfants : «Ma tension artérielle baisse» «Quand j'étais jeune, j'adorais le mois de Ramadhan. Pour moi, il y avait des senteurs spécifiques, les soirées, les retrouvailles en famille. Depuis mon mariage, franchement, ce n'est plus le cas. Pour moi, cela est devenu un véritable calvaire. Avec les enfants, le travail, le ménage et la cuisine, je suis éreintée. C'est cette situation qui m'a amenée à avoir de plus en plus de malaises durant le mois sacré. Je deviens irritable, insupportable, stressée, tout ce qu'on peut imaginer donc comme mauvais caractère. Et c'est plus fort que moi, j'ai beau m'organiser, essayer de faire des plats en plus, tout faire le week-end, mais rien n'y fait, je suis pratiquement exténuée le soir. Durant la journée, ma tension artérielle baisse, provoquant des malaises. Selon mon médecin, il n'y a pas vraiment de solution à part faire une cure avec deux médicaments. Mais moi, je n'ai pas senti de différence. Il me dit aussi de bien dormir, mais pour moi, c'est carrément impossible. Avec le chamboulement des horaires de sommeil, c'est vraiment difficile. Pour la nourriture, il me dit de boire beaucoup d'eau et de rajouter un peu de sels minéraux, cela pourrait m'aider. J'ai voulu témoigner parce qu'autour de moi, les gens ne font attention qu'aux personnes atteintes d'hypertension. Il faut savoir que les personnes en hypotension ont, elles aussi, besoin d'attention. Pour cette année, j'ai décidé de prendre carrément un congé, même si je sais que j'aurais encore les même problèmes. C'est horrible de sentir cette fatigue et son cœur battre très fort. On a l'impression qu'on va mourir à tout instant. Mais je me dis qu'avec un congé, je pourrais au moins faire des siestes et me reposer un peu.» Naïma, auxiliaire de santé, 26 ans : «Je fais tout pour jeûner» «Je suis dans le corps médical et je connais les risques que court un hypertendu en cas de jeûne. Le jeûne, particulièrement en période estivale, expose à une réduction du volume de sang circulant qui peut être amputé du tiers lors d'une journée de jeûne. Cette baisse du volume de sang lors de la journée est responsable d'une cascade d'événements qui peuvent menacer la santé de l'hypertendu et de l'hypotendu. Les risques auxquels sont exposées les personnes souffrant d'hypertension artérielle et qui jeûnent sont multiples. On parle de chute tensionnelle (liée à l'hypovolémie), poussée tensionnelle (liée à une réaction amplifiée des mécanismes hormonaux et neurohormonaux), altération de la fonction du rein (liée à l'hypovolémie et qui peut être aggravée par la prise de certains médicaments) et accidents vasculaires (liés à la baisse de fluidité du sang et à la tendance accrue à la formation de caillots sanguins). Dans mon cas, ma tension est très instable et elle a tendance à dégringoler. C'est pourquoi mes collègues me conseillent chaque année de ne pas jeûner. Mais je ne peux m'y résigner. Résultat : j'évite de trop bouger et je continue à manger jusqu'à la dernière minute du s'hor. Ceci me permet de tenir jusqu'à la fin de la journée et au final, je m'en sors pas mal.»