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Tendances
Poésie algérienne, au féminin
Publié dans Le Soir d'Algérie le 20 - 12 - 2017


Youcef Merahi
[email protected]
«La poésie, c'est la capacité à dire métaphoriquement le monde, à transcender le quotidien et ses liens, nous ouvrir à la force de l'imaginaire. Et partant, nous assurer de la promesse des rivages fraternels.» Voilà ce que nous propose Abdelmadjid Kaouah, lui-même poète au long cours, à propos de cet entêtement poétique à souffrir le verbe pour assurer un vers par-ci, une rime par-là, que d'aucuns dédaignent à prendre en charge, ne serait-ce que le temps d'un coup d'œil. Oui, il y a des limites comme ça faciles à atteindre, dans un souffle titanesque juste pour métaphoriser l'instant. Mais c'est aussi cette quête du quignon de pain, d'un rai de lumière, quand l'ombre étend sa masse tentaculaire. C'est aussi ce mot duquel découle le poème, parce que ce mot sert immédiatement les intérêts du poète. C'est enfin, je pense, le souffle libéré quand l'oppression devient journalière, qui stigmatise la respiration.
N'est-ce pas Kateb Yacine qui disait que la femme qui écrit est comme de la dynamite ? Je cite de mémoire. Désolé si je reprends à l'économie la pensée de cet énorme écrivain.
Cette année 2017, qui déploie ses ailes pour s'envoler vers le point de non-retour, a vu des poétesses se faire éditer, principalement par l'Anep. Cette série aurait pu être une collection sous l'appellation «Voix de femmes», qui est en fait un recueil de poésie de Nadia Belkacemi et de Keltoum Deffous. Le déroulé des poèmes est judicieux, par le fait que la voix d'une poétesse en appelle à la seconde. Un poème suit un autre, jusqu'au verbe final. Il est vrai que Nadia Belkacemi entame son périple par un cri de douleur. Un zeste de désillusion. Dans Naissance (page 5), notre poétesse dresse un état triste de la présence féminine au sein même de la cellule familiale. Celui de l'indifférence du père qui a «beaucoup de filles» et de la mère qui, elle, a «trop d'enfants». C'est dire la place qu'occupe la fille (la femme !) chez nous, quand le garçon prend l'espace de trop. Parce qu'aimé. Parce que choyé. Voilà ce que dit Nadia Belkacemi, avec de la candeur et de la simplicité : «J'avais dû pousser ce cri/Pleurer aussi.../On naît comme on vient/D'un long voyage dont on ne se souvient.../Mon père avait beaucoup de filles/Ma mère, trop d'enfants...» Puis, quand consciente d'une situation intolérable, la poétesse prend à témoin sa sœur et l'interroge : «A quel instant précis/Si tu t'en souviens/Tu pourrais me le chuchoter/Pas très haut, juste ici/Ont-ils pris nos mots/Nous laissant muettes/Face à nos maux ?» (page 11) Et ce cri sourd de nombre de poèmes ! Quant à Keltoum Deffous, binôme poétique perspicace de cet essai heureux de l'Anep, elle lance son cri de la traversée, au-delà de toutes contingences. Dans Je m'en vais, premier poème de sa série, elle tente de préciser un voyage qui, en fait, relève beaucoup plus de l'utopie, sa faisabilité n'étant qu'au niveau de la souffrance poétique. Mais il y a énormément de colère dans ce poème. Enormément de douleurs. Mais aussi d'opiniâtreté. Voilà ce qu'elle écrit : «Je m'en vais loin, derrière ces hauts murs/Cette prison de pierres taillées sur mesure/Coiffée de tessons de bouteilles en toiture/Et des haies d'épines, couronnes très sûres.» (page 6). Fermons les yeux trente secondes, tentons d'imaginer cette maison ! Elle n'est pas irréelle, elle existe vraiment. Et fait nos contrées. Et nos villages. Jusqu'à nos villes où l'architecture rappelle la guerre. Même en utilisant des rimes, poésie classique, qui en principe ramollit un peu le poème, Keltoum Deffous lance son cri de féministe en colère, qui rejette sa condition de «femme sans corps» et cet espoir d'être une «femme libre à l'infini». C'est dire que la condition féminine est loin d'être reluisante. C'est une femme qui le dit : «Mes mots, ma féminité vécue dans le déni/Mes jours arrosés d'amertume, de mépris/Ma dignité piétinée, l'absence dans son nid», (page 26).
Toujours aux éditions Anep (2017), le choix de Yamilé Ghebalou et Saleha Imekraz, deux poétesses au talent avéré. Toujours avec ce système de poèmes alternés, Paroles intérieures suggèrent deux regards sur soi, vers soi, coupées du monde extérieur. Comme c'est généralement le cas, quand il s'agit d'une poésie vécue en profondeur. Ces deux poètes, que j'ai eu le plaisir d'écouter, inspirées, vivant leur verbe avec force et conviction, prennent leur bâton de pèlerin (oui, c'est le cas) et vont réduire, par la volonté d'un mot, et la leur propre, la vision étriquée d'une société en déséquilibre.
Yamilé Ghebalou, universitaire, tente de percer le «secret de la vie», en visant l'autre, lui disant «Tu» ; s'agit-il de l'alter ego ? Le poème ne le dit point. La poétesse garde le secret ; elle en a le droit. Néanmoins, avec beaucoup de simplicité, droit au but, elle dit à l'autre son sentiment : «La tiare de lumière illumine tes traits/Tu marches sur les eaux/Et les terres se transforment en purs diamants/Tu es l'éclat du monde/Son secret le plus pur...», page 13. Quel est donc ce «secret de la vie ?» Yamilé Ghebalou nous donne une indication dans ce poème, en page 15, Accord aux trois absences, quand elle prend la franchise et lui fait dire le sentiment, directement et sans détour. Toujours avec beaucoup de gentillesse et de doigté, on est loin de la virulence de Keltoum Deffous, beaucoup de patience, elle s'ouvre à l'autre, pour lui dire le côté fatal de l'inexorable : «Comme tes pas manquent/Dans l'espace agrandi par ton absence/Comme tes mains manquent/Et leurs gestes lents/Comme ta douceur perdue/Brûle la neige/Et mon cœur.» Il n'y a que dans la poésie qu'on arrive à brûler la neige, n'en déplaisent aux incrédules !
Saleha Imekraz, artiste-peintre également, écrit comme un peintre. On sent le pinceau caresser la toile, comme on sent la plume gratter (comme un couteau) la virginité de la feuille blanche. Oui, j'y reviens, encore ! Constatons, ensemble, si vous le voulez bien : «Paisible est le jardin/Ses heures douces s'étirent/Au gré des rayons or/ Oh ! La grâce des roses/Surgissant du feuillage luisant/Elles exhalent en soupir/La liturgie infinie/Le musc en offrande», page 8. Fermons un moment les yeux, tentons de tracer les contours d'une aquarelle, où les couleurs prennent le pas de la réalité, quand la brise caresse l'ensemble en fleurs. En page 34, l'hommage rendu à Aylan, le Kurde, vomi par la mer de la misère du monde, soulève une colère intérieure incroyable. Mais, aussi, notre impuissance. Mais, aussi, notre témoignage. Voilà ce que dit Saleha Imekraz : «Te souviens-tu/Ces vagues hors d'haleine/Chargées de souffles iodés/Surgissant du gouffre marin/Déversant leur bave rage/Jusqu'à l'étendue punique/Tipaza se réveillait alors de l'astre Or/Déversant sa joaillerie cristalline/Sur les nécropoles effritées/Tu ne cessais d'épier le glauque/Horizon bleu/En quête d'épaves, spectre Titanic/Sillonnant les voiles obscures/Te souviens-tu, ce matin, de rosée saline/Sur l'autre rive voisine/Des vagues ahuries/Déposant le frêle corps/d'Aylan Kurdi.»
Cette initiative de l'Anep est louable, à plus d'un titre ; elle nous a permis de lire, ou de relire, des poétesses au talent certain. Je forme l'espoir que ce n'est pas juste un coup d'épée dans l'eau, mais une continuité certaine. Et que les autres maisons d'édition en fassent de même. Même si la poésie n'a plus droit de cité !


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