Guide professionnel et passionné de La Casbah, Yacine Boushaki livre dans cet entretien, en cette période de vacances scolaires, son diagnostic du renouveau du tourisme local. Il note notamment un regain d'intérêt pour les visites des lieux historiques et la volonté des familles algériennes de connaître leur histoire. Soirmagazine : Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs du Soirmagazine ? Comment avez-vous commencé à être guide ? Yacine Boushaki : Enfant de La Casbah où j'habite toujours, j'ai fait l'école coranique à la première mosquée d'Alger, Sidi Ramdane, qui date du Xe siècle. Tout un symbole ! J'ai par la suite poursuivi tout mon cursus scolaire (primaire, CEM et lycée) au cœur de La Casbah et à Bab-El-Oued. Ceci avant de sortir un peu de mon cher quartier pour aller à l'université d'Alger. Devenir un guide professionnel en freelance a été peutêtre le fruit du hasard et un concours de circonstances. Mais avant tout, j'ai mon quartier dans ma peau, tout en étant passionné par l'Histoire. De ce fait, au départ, c'était juste pour rendre service à des amis ou à des personnes de passage et crescendo cela est devenu mon métier. Donc, j'ai commencé servir de guide à mes amis lorsqu'ils reçoivent des invités, des connaissances... De plus, mon cercle familial m'a encouragé et initié à ce métier, notamment mes oncles Mustapha Preure, Krimo Preure et Dr Boushaki Zoubir, décédé en 2013 à l'île de la Réunion. Quelques années plus tard, et plus précisément à partir de 2015, j'ai commencé à organiser, de façon officielle, des sorties pour visiter La Casbah et d'autres régions de notre cher pays. Les réseaux sociaux m'ont beaucoup aidé et contribué à toucher le maximum de personnes et d'avoir des profils aussi nombreux que divers. Quelles sont les destinations que vous proposez ? Y a-t-il une demande ? Quel est le profil des touristes ? Comme expliqué auparavant, au départ, je proposais surtout de visiter La Casbah avec ses lieux mythiques tels que Dar Essoltane, la Maison d'Ali la Pointe, le musée de Khdawedj El Aamya, la Maison de Mustapha Pacha... et de faire le tour d'Alger Par la suite, mon offre s'est peu à peu enrichie et étoffée, notamment par des visites à Tipasa, Cherchell et des sorties de détente à Tikjda. Aujourd'hui, je suis le guide attitré de plusieurs agences de voyage avec qui je travaille de façon régulière. Le profil des touristes est très divers pour les différents tours proposés. Contrairement à ce que l'on pense, il y a de plus en plus d'Algériens de différentes wilayas qui veulent connaître leur patrimoine. Il y a ceux qui habitent Alger et n'ont jamais visité La Casbah ou Tipasa. Pour eux, c'est une découverte. Je dirais que cela représente près de 70% de la clientèle. Les Algériens veulent découvrir leur pays. Et il y a un réel potentiel pour le développement du tourisme local. Il y a aussi beaucoup de pieds-noirs et d'étrangers de différentes nationalités, mais surtout française. Et je dirais que cela représente 15%. Il y a aussi des Algériens résidant à l'étranger de 1re ou 2e génération. Les Algériens semblent renouer avec le tourisme local. Qu'en pensez-vous ? Oui, c'est une réalité constatée sur le terrain. Les Algériens renouent aussi avec leur patrimoine. Il ne faut pas oublier que nous sommes passés par une période très difficile qui nous a contraints à rester cloîtrés chez nous. Mais maintenant, El Hamdoullah, les gens ont repris leurs habitudes de sortir et de découvrir les richesses de notre pays et de connaître son histoire. Les réseaux sociaux facilitent aussi les choses et permettent de faire découvrir les lieux. Cela donne ainsi envie de connaître les richesses architecturales et historiques de notre pays : villes anciennes, ruines, monuments classés... Durant les vacances d'hiver, une forte demande est constatée notamment pour le Sud. Quel regard portez-vous sur cet aspect ? Oui, le Sud algérien était et reste l'endroit préféré des touristes locaux et étrangers. Il y a une forte demande durant cette période de l'année. Il y a de plus en plus de voyages organisés vers le désert algérien et d'autres destinations sont de plus en plus prisées comme Biskra mais sans détrôner Djanet ou Tamanrasset. La fête du Mawlid Ennabaoui attire de plus en plus de touristes qui veulent connaître les traditions du Sud pour célébrer la naissance du Prophète. Mais aussi, il y a des touristes qui ne veulent pas passer un séjour ou passer la nuit en dehors de chez eux. De ce fait, ils préfèrent un dépaysement d'une journée dans les hauteurs de Tikjda ou dans des wilayas limitrophes. C'est ce que je propose également. Faire le plein d'émotions durant une journée complète. Quelles sont les contraintes des professionnels du tourisme, selon vous ? Les contraintes peuvent être dépassées pour peu qu'on aime ce qu'on fait, avant même d'aimer l'argent. Si c'est le contraire, nous n'arriverons jamais à réaliser les choses d'une façon convenable. Il faut être responsable, accepter les critiques constructives et surtout être ponctuel. Donc, pour moi, je considère que toutes les contraintes peuvent être dépassées en s'investissant. Comme dernier mot, je dirais que je fais partie d'une longue chaîne et en tant que guide j'essaye de participer à mon niveau à la relance du tourisme. J'espère que l'Etat prend ce secteur au sérieux parce que la relance du tourisme permet à plusieurs secteurs de travailler et dans différents domaines : hôtellerie, transport, restauration... Le nombre de postes de travail sera décuplé. Et comme on dit, un salaire gagné = une famille nourrie.